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CHAP.VI.

lui reftituer le prix que nous lui avons couté, pour faire revivre nos anciennes dettes? Y-a-t-il un facrifice qu'on puiffe comparer au fien? Y a-t-il une victime dont le fang puiffe entrer en comparaison avec celui qu'il a répandu pour nous racheter? Qui lui rendra donc ce fang d'un prix ineftimable, pour nous affervir de nouveau, & qui fera retracter une alliance dont il a été le sceau, & qui est éternelle, pour nous remettre dans notre premier état Victima fanita, quâ deletum eft S. Aug. lib. chirographum quod erat contrarium nobis, 9. Conf. c. 13. qua triumphatus eft hoftis, computans delicta noftra, & quarens quid objiciat, & nihil inveniens in illo in quo vincimus. Quis eirefundet innocentem fanguinem? Quis ei refii. tuet pretium quo nos emit?

4. On répondra peut-être qu'il faut de grandes difpofitions pour s'unir d'une maniere fi étroite & fi vive à ce que J. C. a fait & fouffert pour nous, & pour fe lier à la rédemption, à la grace, & au falut qui font en lui, par des fentimens auffi purs & auffi tendres que ceux de faint Auguftin, ou de fa religieufe mere. Mais ce n'eft pas ici le lieu d'examiner les difpofitions néceffaires pour entrer comme il faut dans les grands motifs de l'efpérance chrétienne. Il n'eft maintenant queftion que de ces motifs, qui font plus ou moins connus, plus ou moins approfondis, mais qui font exposés à tous, & dont aucun particulier n'a pas plus de droit qu'un autre de fe faire l'application. C'eft fur ces motifs que l'efpérance de tous eft fondée. C'est par cette ef perance que commencent les difpofitions néceffaires, plus grandes dans dans les uns,

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CHAP. VI. plus imparfaites dans les autres. Et bieri loin d'oppofer la néceffité de ces difpofitions à l'efpérance, c'eft au contraire par l'efpérance qu'il faut tâcher de les obtenir.

§. VI. JESUS CHRIST fur la Croix, où il devoit être comme une victime muette, ne déclaroit pas expreffément avec quelle charité il s'offroit pour nous: mais il l'avoit fait pendant tout le cours de fa vie. Ses miracles & fes bienfaits. La guérison de la femme courbée, & du lépreux. Le paralytique defcendu par le toit. La Cananée.

1. LORSQUE J. C. s'offroit pour nous fur la croix, le miftere de fon amour étoit encore fecret & caché. La victime devoit être muette. Le fouverain facrificateur parloit à Dieu, & non aux hommes. Il falloit que le démon fût pris dans fes propres piéges, & que les puiffances du fiécle ignoraffent cequi s'accompliffoit par leur injuftice. Il ne convenoit donc pas que J. C. nous découvrît clairement fes pensées à notre é gard, ni qu'il nous fît obferver avec quelle charité il s'immoloit pour nous. Mais il nous y avoit préparés par tout le cours de fa vie, & principalement depuis fon ministere public. Car tout ce qu'il avoit fait juf qu'à la mort, avoit eu pour but d'établir & d'affermir notre confiance en lui, & de la fonder uniquement fur fa miséricorde & fur A. 10. 38, nos befoins. Il avoit paflé, comme le dit faint Pierre, faifant du bien à tous, & guériffant tous ceux que le démon tenoit » dans l'oppreffion. Il n'avoit rejetté per153 fonne Il n'avoit refusé à perfonne la Matth 15 30. guérifon & la fanté. On jettait à fes pieds

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un grand nombre de malades de toutes for- CHAP. VI, tes de maladies, aveugles, fourds, boiteux, paralytiques: & il leur rendoit à tous la fanté, & l'ufage des organes qu'ils avoient perdus. Une vertu fecrette, mais abondante & perpetuelle, fortoit de lui, qui portoit tous ceux qui avoient des plaies & des infirmités à s'approcher de lui avec empreffement, & à former autour de lui une foule, dont fa bonté n'étoit jamais importunée; & il fuffifoit de le toucher pour recevoir l'impreffion de cette vertu. Une femme Marc. 5.25i pleine de foi, mais timide, n'ofant lui demander la guérifon d'une maladie humiliante, éprouva que jufqu'à la frange de fa robe tout étoit efficace en lui: & nul Evangelifte n'a obfervé qu'aucun de ceux qui ont eu la confiance de s'adreffer à lui pour être guéris, ait été refusé ou trompé dans fon efpérance.

2. Un lépreux convaincu de la puiffance de J. C., mais moins certain de fa miséricorde, lui difoit qu'il étoit en fon pouvoir de le guérir s'il le vouloit: & J. C. en le touchant avec compaffion, lui dit: Je »le veux, foiez guéri». Ce lépreux, qui étoit notre image, puifque le péché dans l'Ecriture eft figuré par la lépre, a demandé pour nous que J.C. voulût bien s'expliquer. Nous ne doutions pas de fa puiffance: nous n'étions en peine que de fa miséricorde. Il nous a tous raffurés en difant: Je le veux, foiez guéri. Et ce feroit le tenter, & nous défier de fa parole, que de douter de fa bon té après cette réponse fi précise & fi abfolue. Car tout ce qui eft écrit, eft écrit pour : nous ; & notre lépre doit nous perfuader que cet endroit de l'Ecriture nous regarde encore plus que tout autre,

CHAP. VI.

3. La réponse ordinaire de J. C. à ceux qui s'adreffoient à lui pour être guéris, é-toit, Qu'il vous foit fait felon votre foi: fecundùm fidem tuam fiat tibi ; » Qu'il vous

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foit fait felon ce que vous voulez: fiat tibi ficut vis. Il faifoit ainfi tout dépendre de leur confiance en lui, & de leurs defirs, & les rendoit en quelque forte maîtres de fa puiffance, s'ils ofoient s'y fier pleinement; & de fes faveurs, s'ils les eftimoient affez pour les defirer avec ardeur. C'est l'union de ces deux chofes, la foi & le defir, qui forme l'efpérance chrétienne. Et les réponfes de J. C. nous apprennent, que tout lui eft promis, & qu'elle peut tout attendre, fi les obftacles ne l'ébranlent pas.

Il y a dans l'Evangile divers exemples d'une efpérance combattue par des obftacles, mais victorieufe des difficultés & des réfiftances. Mais je me contente de deux, qui font plus propres à notre fujet, & plus capables de nous infpirer pour J. C. une confiance pleine & entiere. Voici comme faint Marg. 22.5. Marc rapporte le premier. » Il s'affembla, » dit-il, un fi grand nombre de perfonnes » dans une maison où étoit J. C., & où il

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enfeignoir, que ni le dedans du logis, ni » tout l'efpace d'auprès la porte, ne les pou» voient contenir. Alors on vint lui ame»ner un paralytique, qui étoit porté par quatre hommes. Mais comme la foule » les empêchoit de le lui préfenter, ils découvrirent le toit de la maifon, où il é toit, & y aiant fait une ouverture, ils » defcendirent le lit dans lequel le paralytique étoit couché. Et JESUS voiant leur Matt. 9. 2. foi, dit au paralytique: Mon fils, aiez confiance, vos péchés vous font remis.

Quelques Docteurs de la loi qui étoient CHAP. VI. préfens condannerent dans leur cœur cette parole de J. C. comme un blafphême, parce que Dieu feul peut remettre les pechés. Mais J C. en rendant au paralytique une fi promte & fi parfaite fanté, qu'il put fe charger de fon lit, & marcher ainfi jufquà la maison, comme il en avoit reçû l'ordre, confirma le miracle fecret de la rémiffion des péchés par un autre public, dont l'évidence étoit manifefte, & il prouva ainfi sa divinité auffi clairement que fa miséricorde.

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5. Avant que de faire ufage de cet exemple, & de l'appliquer à mon fujet, je dois P'éclaircir par deux obfervations. La premiere, que l'efcalier de la maifon où étoit J. C. étoit placé au dehors, & pouvoit conduire au toit, fans qu'on entrât dans le logis. Cette maniere étoit alors commune & il y en a des preuves dans l'Evangile. La deuxième, que le toit de la maison étoit en terraffe, comme c'étoit l'ufage pref que général dans la Paleftine, & qu'on pouvoit y placer le lit du paralytique, en attendant qu'on eût fait une ouverture pour le defcendre dans la chambre.

6. Ces obfervations fupposées, je de.. mande fi les obftacles extérieurs qui s'oppofoient au defir du paralytique, & à la foi de ceux qui le portoient, pouvoient être plus grands? La porte & les fenêtres mêmes de la maifon où étoit J. C. étoient inacceffibles. Une foule impénétrable en

* Qui fuerit in teto, vafa ejus in domo, ne defcendat tollere illa. Luc. 17. 31. On pouvoit def.

cendre fans y entrer.

* Cùm adificaveris doi mum, facies mu um teli per circuitum. Deut, 22.8.

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