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CHAP. VI. affiégeoit les environs. La pensée de mon ter fur le toit, & d'y faire une ouverture ou ne feroit venue dans l'efprit de personne, ou elle auroit été condannée comme imprudente, & comme contraire même au fuccès. Quel droit avoit-on en effet de caufer се defordre dans une maison étrangere? Avec quelle témérité ofoit-on interrompre par le bruit, & par le danger de laiffer tomber quelque partie du débris du toit fur les affiftans, ou même fur J. C. de fublimes difcours qui demandoient une fi religieufe attention? Quel danger ne couroit-on point d'être condanné par lui, & de changer fa douceur & fa patience en indignation? pourquoi n'attendoit-on pas un tems plus commode ? Pourquoi choisir une voie fi extraordinaire & fi irréguliere, pouvant aprés quelques heures, ou dans un autre jour préfenter le paralytique à JESUSCHRIST quand il fortiroit, où quand il feroit moins accompagné ? Toutes ces vûes auroient arrêté un defir moins empressé, & une espérance plus timide.

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7. Mais JESUS-CHRIST, qui étoit_secrettement l'auteur du defir & de la confiance de ceux qui portoient le paralytique, & qui vouloit nous apprendre à vaincre tous les obftacles qui nous empêchent d'aller à lui, ou qui combattent l'efpérance que nous devons avoir en fa bonté, au lieu de témoigner de la furprise ou de l'indignation, fe hâta de diffiper la crainte du paralytique, en lui difant: Mon fils, ayez confiance: l'appellant du nom le plus tendre, & mettant dans fon cœur la paix & la confiance qu'il lui commandoit. Qui fe feroit attendu à une telle charité? Qui ne fe feroit pas trouvé

trop heureux d'être fouffert & d'être excusé ? Qui n'auroit pas cru avoir befoin de fupplications pour faire pardonner une conduite fi finguliere? Mais le cœur de J. C. bien différent du nôtre, fe manifefte par la maniere pleine de bonté dont il raffure le paralytique humilié devant lui, & faifi d'une crainte refpectueufe. Et en ajoutant auffi-tôt, & fans aucun intervalle, Vos péchés vous font remis ; il ne met pas feulement le comble à fes bontés, mais il infpire à tous ceux qui fçavent profiter d'un tel exemple, une confiance fans bornes en cette charité infinic, qui ne prévient pas feulement nos defirs, mais qui les furpaffe.

8. Ni ceux qui préfentent le paralytique à J. C. ni le paralytique lui-même, ne paroiffent occupés de la rémiffion de fes péchés. Leur objet unique paroît être la fanté. Et c'eft ici le feul exemple où la réinis fion des péchés foit offerte gratuitement & avant qu'elle ait été demandée. Mais il étoit néceffaire que dans la vie de J. C- il y eût quelque preuve de ce que dit faint Paul: Beatus vir cui Deus accepto fert juftitiam fine operibus: & que dans un homme incapable d'agir, porté par les autres, & ne penfant qu'à la fanté du corps, J. C. fit voir d'une maniere publique comment il agir en fecret dans ceux qu'il conduit à la rémiffion des péchés, & à la juftification, par des difpofitions dont la grace prévenante eft le principe. Il mit tout à la fois dans ce malade, ce qui prépare à la justice, & ce qui la fait. Il fit intérieurement dans fon ame un miracle auffi grand, que celui qu'il fit un moment après dans fon corps. Il rendit à l'ame & au corps une fanté pleine &

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Rom. 4. 6

CHAP. VI. parfaite; & par cet exemple à jamais mémorable, il nous apprit deux grandes vérités. 9. La premiere, que puifqu'il faut néceffairement & indifpenfablement aller à lui, pour être guéri, il faut y aller par toute forte de voies; par la fenêtre, fi la porte eft fermée, par le toit, fi un autre chemin eft interdit; par l'ouverture du toit, s'il n'y a pas d'autre entrée ; par des morens inufités & contraires en apparence aux regles fi ceux qui font ordinaires & communs ne réuffiffent pas qu'il faut fe faire porter, fi l'on ne peut marcher: & qu'il faut fur l'heure tenter tout, & faire une espece de violence pour entrer, fans remettre à un autre tems & à une autre occafion, dont on eft incertain.

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10. L'autre vérité eft que comme nos maux font infinis, il ne faut point donner de bornes à la confiance en J. C. qui peut feul les guérir; que nous devons tout attendre de lui, puifqu'il eft la fource de tout, & que tous nos biens font en lui; qu'on n'eft jamais téméraire, jamais importun, jamais trop emprcflé, quand on ne defire de lui que ce qu'il exhorte lui-même à lui demander, & que nous devons fuivre dans nos demandes l'ordre qu'il a gardé dans fes miracles à l'égard du paralytique en préférant l'ame au corps, & la justice à la fanté.

11, Le fecond exemple tiré de l'Evangile, où l'efpérance en J. C. eft combattue par de grands obftacles, mais dont elle eft victorieufe, eft celui de la Cananée, qu'on nomme ainfi, parce qu'elle étoit du pays de la race des Cananéens, que les Ifraelites avoient eu ordre d'exterminer. Comme elle

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fçut que J. C. s'étoit avancé près de fon CHAP. Vĩ, pays, elle en fortit pour lui demander la délivrance de fa fille qui étoit misérablement Matt.15. 22. tourmentée par le démon. Cette priere dont 28. la compaffion & la tendreffe maternelle étoit la fource, paroiffoit mériter quelque attention, fur-tout par rapport à une étrangere, que la grace qu'elle demandoit pouvoit attirer à la vraie religion, dont elle commençoit de s'approcher, en reconnoiffant J. C. pour fils de David, & pour le Meffie. Mais J. C. ne lui répondit pas un feul mot. Et par ce filence, qui ne lui étoit pas ordinaire, il ajoutoit ce femble au refus une espece de mépris. Il ne fut pas néanmoins capable de rallentir les inftances de cette femme, ni de faire ceffer fes cris. Et les Apôtres qu'elle fuivoit, & qui en étoient importunés, s'approcherent de J. C.. pour le prier de la renvoier, ou en lui accordant ce qu'elle demandoit, ou en lui difant au moins quelque parole qui lui marquât clairement fon refus. Dimitte eam quia clamat poft nes.

12. La réponse de J. C. fut encore plus accablante, & plus capable d'ôter toute efpérance, que le filence qu'il avoit gardé. Je n'ai, dit-il, été envoié qu'aux brebis perdues de la maison d'Ifrael. C'étoit pour cette femme un coup de foudre. Car elle étoit d'une race ennemie de la maifon d'Ifrael, & condannée à l'anathême. Celui dont elle imploroit le fecours, difoit nettement qu'il n'étoit pas envoié pour elle puifqu'il n'étoit envoié que pour chercher & pour ramener au troupeau les brebis d'Ifrael qui s'étoient perdues. Il étoit fans apparence que JESUS-CHRIST voulût paffer pour elle les bornes de fa miffion

CHAP. VI. & l'excepter d'une exclufion générale pour tous les étrangers. Et plus elle étoit pleine de refpect pour celui que le Pere céleste avoit envoie, moins elle devoit s'attendre qu'il ne fuivroit pas à la rigueur les ordres qu'il en avoit reçus.

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13. Mais cette réponse, qui nous auroit mis au défefpoir, accrut fon espérance. Elle ne fe contenta plus de fuivre de loin JESUSCHRIST, & de l'accompagner de fes cris. » Elle vint fe jetter à fes pieds, & l'adora, » en lui difant: Seigneur, afsistez-moi; le regardant non-feulement comme envoié, mais comme Seigneur & comme maître du ciel, de la terre & des enfers; pouvant également fauver l'étranger comme l'Ifraelite; pouvant excepter de l'anathême qui il vouloit, fans être borné dans fes miséricordes; pouvant commander aux démons les plus violens, & les chaffer par une feule parole. -Illa venit & adoravit eum, dicens: Domine, adjuva me.

14. Une fi humble persévérance, dont le fimple récit nous attendrit, ne parut faire aucune impreffion fur JESUS-CHRIST, & il répondit à cette femme profternée, pénétrée de douleur, & pleine de foi: » Il n'eft pas jufte de prendre le pain des en

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fans, & de le jetter au chiens. Non eft bonum fumere panem filiorum, & mittere canibus. Je laiffe ce qu'il y a d'humiliant, & : même d'odieux en apparence, dans la comparaifon. Nous en euffions été fort bleffés: & il ne feroit pas étonnant que cette femme l'eût regardée comme un outrage. Je m'arrête à cette feule parole, » Il n'eft pas jufte; non eft bonum. Car elle fuffit pour glacer le cœur, & pour anéantir l'efpéran

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