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ee. Puis-je donc efperer, pouvoit dire cet- CHAP. VI te femme, qu'on fera pour moi une injuftice, & que celui dont je révere la haute vertu, deviendra injufte pour moi? Je n'ai qu'à me plaindre du malheur de ma naissan、 ce, & de l'iniquité de mes peres. Je n'ai qu'à accufer ma trifte deftinée. Inutilement ferois-je de nouveaux efforts. Il y a trop de preuves contre moi & contre la grace que j'avois efperée, pour m'opiniâtrer plus long-tems à la demander. Heureux les enfans! Heureux ceux qui ont ce privilege! Il ne faut pas que des chiens efperent de le devenir. Celui qui eft le Sauveur d'Ifrael me l'a déclaré, non-feulement en termes précis, mais très durs. Mes cris & mes armes ne l'ont point touché. Les prieres de fes difciples n'ont pas eu plus d'effet. J'ai tout tenté, & tout emploié. Si je me livre maintenant au défespoir, on peut me plaindre, mais non m'accufer. Aucun de ceux qui ont été guéris, n'en a fait autant que moi. Tous ont été traités felon leur foi: la mienne a été méprisée. En vain on effaieroit de me confoler des motifs généraux. C'eft à moi-même qu'on a parlé. C'est moi qui ai été refusée: c'eft à moi que les raifons du refus ont été dites. On n'eft point envoié pour moi: il n'eft pas jufte de rien faire pour moi. Cela n'a pas befoin d'interpréte ; & j'ai la funef te confolation dans ma déplorable deftinée, de fçavoir bien certainement qu'elle eft fans remede.

par

15. C'est ainsi que nous euffions pensé. Une telle épreuve eût converti notre espérance en défefpoir : & nous aurions trouvé une claire démonftration de notre répro

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CHAP. VI. bation dans un traitement fi dur. Mais la Cananée, plus humble & plus fidéle que nous, fe fervit de la réponse même de JESUS-CHRIST Pour animer fa confiance, & pour faire inftance dans fa priere. Elle lui repliqua I eft vrai, Seigneur; mais » les petits chiens mangent au moins des micttes qui tombent de la table de leurs » maîtres. Elle comprit que tout ce que lui avoit dit JESUS-CHRIST n'étoit général ni pour tous les tems, ni pour tous les étrangers qu'il s'agiffoit feulement d'un certain ordre dans fes miséricordes : & qu'il étoit jufte que les étrangers ne fuffent pas préférés, ni même égalés aux enfans ; mais que la grace & la miséricorde pouvoient les appeller en leur rang, & leur diftribuer des miettes, en leur laiffant attendre quelque chofe de plus, s'ils étoient humbles & reconnoiffans. Il est vrai, » dit-elle, qu'il n'eft pas jufte de prendre le pain des enfans, & de le jetter aux

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chiens. Je reconnois que je mérite ce nom. C'est une vérité, & non une injure. Je fuis à vos yeux, & en comparaison des Ifraelites, auffi vile & auffi méprifable que les petits chiens. Mais les miettes qui tombent de la table font pour eux. On ne leur défend pas de les ramasser: & le nom que vous me donnez m'autorife à vous les demander. Il ne me convient point d'être affife à la table des enfans. Les pains font pour eux mais, Seigneur, vous ne refuserez pas les miettes aux petits chiens, au rang defquels vous m'avez mife.

» 16. O femme s'écria pour lors JESUSCHRIST avec admiration, que votre foi , eft grande! Qu'il vous foit fait comme

vous le defirez. Et fa fille fut guérie à « l'heure même : Ces dernieres paroles de JESUS-CHRIST, accompagnées du miracle qui en fut l'effet, découvrirent le fond de fon cœur, couvert jufques-là par une apparente dureté. Iln'avoit mis la foi & l'efpérance de cette femme à une fi longue & difficile épreuve, que pour les faire croître par les obftacles mêmes, & pour nous donner l'exemple de l'inftance & de la persévérance qui nous font commandées. JESUS-CHRIST ne dit à aucun de nous, ce qu'il dit à cette femme. Il nous invite au contraire, & nous exhorte d'aller à lui. Il nous offre fa table, & le pain des enfans.. Il nous a tous affociés aux brebis de la maifon d'Ifrael, & nous ne compofons avec elles qu'un feul troupeau fous un même pafteur. Mais fes moindres délais nous rebuten:. Nous cédons aux plus légeres épreuves. Notre confiance en lui ne dure qu'autant que fon fecours eft préfent. Nos prieres tombent & languiffent, dès que nous n'avons pas un témoignage sensible qu'elles font écoutées. Tout notre travail nous paroît inutile pour nous-mêmes, & pour les autres, dès que le fuccès n'y répond pas affez promtement. Chaque difficulté nous arrête. Tout nouvel obstacle nous étonne. Notre efpérance timide & pareffeufe, fe rend avec molleffe au priemier choc, & elle cft même affez aveugle pour prendre fon découragement pour humilité, & pour donner ce nom à un orgueil réel, qui ne peut fouffrir les retardemens, & qui les prend pour un refus abfolu.

17. Mais, ô mon Seigneur, qui avez admiré vos dons en admirant la foi de cette

CHAP. VI.

CHAP. VI. femme, permettez-nous de vous dire à notre tour: Que votre charité eft grande ! & que le faint artifice dont vous vous êtes fervi pour nous en perfuader eft admirable ! Votre fecret eft deformais découvert. Il ne vous eft plus poffible de nous diffimuler votre miséricorde & votre amour. Nous ne pouvons plus être trompés, ni par vos dé- : lais, ni même par vos réponses, quelque : dures qu'elles paroiffent. Nous fçavons quel en eft le fens, & quel en eft le but. Vous voulez éprouver notre espérance, & l'affermir par l'épreuve. Vous voulez qu'elle foit digne de vous, & digne de vos dons. Nous regardons comme une exhortation puiffante à croire toujours, & à espérer toujours, ce que vous femblez opposer à notre foi & à notre efpérance. Et les louangés que vous avez données à la Cananée nous apprennent à les mériter comme ellepar une humilité & par une patience préparée à tout fouffrir, & par une confiance en votre miséricorde qui s'enflamme par vos refus.

18. Ainfi traitez-nous comme il vous plaira. Obfervez à notre égard un rigoureux filence. Paroiffez peu touché des prieres de vos ferviteurs, auffi-bien que de nos cris & de nos larmes. Dites-nous même, s'il eft poffible que vous alliez jufque là, que vous êtes envoié pour d'autres que pour nous. A joutez à cela les termes les plus humilians. Nous fuporterons tout: nous croirons tout: nous espérerons tout.Car nous fommes certains que vous admirerez vous-même notre persévérance, fi la certitude où nous fommes que vous êtes la miséricorde même nous fait furmonter

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furmonrer tout ce qui feroit capable de CHAP. VI. nous en faire douter.

19. Avant que vous vous fuffiez dévoilé, les dehors qui vous cachent pouvoient nous infpirer de la défiance & de la timidité. Mais ces voiles ne fervent plus qu'à nous découvrir ce qu'ils paroiffent cacher. Ils font devenus tranfparens; & ils ajoutent quelque chofe de plus vif à notre efpérance, que s'ils étoient entierement levés, parce qu'ils font une preuve que vous prenez plaifir à voir qu'ils ne nous arrêtent pas, & qu'ils nous animent par une espece d'énigme & de myftere, dont nous avons la clef.

§. VII. L'amour & la bonté de JESUSCHRIST pour les pécheurs ne paroiffent pas moins après fa réfurrection. Il donne le nom de freres à fes Difciples. Il fe montre à faint Pierre, aux deux Difciples d'Emmais, à Magdeleine, aux Apôtres dans la pêche miraculeuse. Il conferve fes plaies dans fa gloire. Il benit fes Difciples en montant dans le Ciel.

1. MAIS, dira peut-être quelque brebis timide, qui m'affurera que le pafteur que l'Evangile représente comme fi compatiffant & fi tendre, a confervé les mêmes difpofitions pour nous après fa réfurrection; & que fon nouvel état, fi éloigné de notre mifere, ne lui a pas infpiré d'autres fenti

mens?

2. Qui vous en affurera? Ce fera l'Evangile même: car il eft immuable & éternel, Evangelium aternum, comme il est ap

pellé dans l'Apocalipfe. Il nous apprend Apoc. 14.66 que J. C. étoit hier ce qu'il eft aujourd'hui,

Partie I.

F

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