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(CHAP. VII. rítés qui l'y prépareroient. Mais on fuppofe une foi pleine & entiere des myfteres de la religion chrétienne dans tous ceux qu'on a en vûe, & l'on ne penfe qu'à la rendre plus agiffance & plus vive; afin de les rendre eux-mêmes plus reconnoiffans.

Ifai. 7. 11.

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2.

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Qu'ils fe diffimulent donc un moment ce qu'ils croient, & qu'ils fe tranfportent en efprit jufqu'au tems qui a précédé la venue du Fils de Dieu, ou même jufqu'à celui où on ignoroit qu'il dût venir. Quelle preuve auroient-ils alors defirée de l'amour de Dieu pour les hommes, & quels témoigna ges en auroient-ils demandé s'ils en avoient eu le choix; Je fuppofe qu'un Prophéte, auffi autorisé qu'Ifaie, leur dife comme celui-ci le dit à Achas Roi de Juda: » mandez tel prodige que vous voudrez, foit dans ciel, foit dans les abymes», Dieu eft préparé à vous l'accorder. Ne bornez point fa puiffance. Donnez-lui toute l'étendue dont vous avez befoin. Choisissez le miracle, ou plû-tôt telle fuite de miracles, qui vous prouvera plus invinciblement qu'il vous aime: Pete tibi fignum à Domino Deo tuo in profundum inferni, five in excelfum fuprà. Aucun d'eux eût-il pensé à demander à Dieu l'incarnation de fon propre Fils? Un tel excès leur eût-il paru poffible? Un tel prodige ne leur auroit-il pas été mille fois plus incroiable, fi on le leur avoit indiqué, que l'amour de Dieu dont il auroit dû être la preuve? Comment donc auroient-ils osé demander que fon Fils unique, après s'être revêtu de notre chair, fût immolé pour nous, & qu'il le fût fur une croix, au milieu des opprobres & des douleurs ?

3. Il a bien pu venir dans la pensée des

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hommes que le fang des victimes pouvoit CHAP. VIIG effacer leurs péchés : & que fi celui des hofties ordinaires n'en avoit pas le pouvoir, celui d'un fils offert pour fon pere, en auroit peut-être la vertu. Cette pensée est repréfentée par un Prophéte en ces termes : « Qu'offrirai-je au Seigneur qui foit di- « gne de lui ? Le fléchirai-je par mes adora- « Michée. c. 6. V.6. & 7. tions & par mes profternemens? Puis-je « efpérer d'appaifer fa colere en répandant « le fang de mille beliers, & en lui offrant « plus de mille hofties pour mon péché? Ou « plûtôt fera-ce le facrifice de la vie de mon ce premier né qui expiera mon crime? Don- « nerai-je mon fils unique pour la rançon « de mon ame? Numquid dabo primogenitum meum pro fcelere meo, fructum ventris mei pro peccato anima mea ? Un pere coupable peut s'imaginer que le fang d'un fils innocent détournera le châtiment qu'il mérite. Mais qui eût pû penfer que Dieu, qui est la fainteté même, & qui eft à proprement parler le feul qui foit offensé par les péchés des hommes, livreroit lui-même fon Fils unique pour eux, & qu'il le facrifieroit pour les épargner? Ce prodige étonnera toujours également les Anges & les hommes: & c'en est un autre, qui doit auffi les étonner, qu'après un tel excès l'amour de Dieu pour nous foit encore regardé comme doureux par quelques-uns d'entre nous.

CHAP. VII.

Gen. 8. 21.

§. III. Tous les hommes étoient corrompus & ennemis de Dieu quand il a réfolu de livrer fon Fils pour eux.j

I.

POUR en connoître l'excès, confidérons les hommes dans l'état où Dicu les a vûs, lorfqu'il a formé le deffein de livrer pour eux fon Fils unique à la mort. Ils étoient alors entierement corrompus. Aucun d'eux ne faifoit le bien: aucun d'eux ne l'aimoit. Leurs pensées, & la pente de leurcœur, étoient uniquement tournées vers le mal, comme Dieu lui-même le dit :: Senfus

cogitatio humani cordis in malum prona funt ab adolefcentia fua. L'amour d'eux-mêmes étoit devenu leur regle, & la fin de toutes leurs actions. Ils vivoient tranquilles dans l'oubli de Dicu. Sa perte ne les affigeoit point. Ils n'étoient touchés ni de leur état, ni de ce qui devoit le fuivre : & rien n'étoit plus éloigné de leur cœur que Rom. c. 1. la pénitence & l'humilité. Ce que faint Paul dit de tous les hommes, foit Juifs, foit

2.

Gentils, dans l'Epître aux Romains, eft leur peinture. Ce qu'il dit en particulier Eph. ch. 1. des Gentils dans l'Epître aux Ephefiens, con

Tit-3.

vient à toutes les nations confiderées fans J.C. Et c'eft le portrait de tous, & dans tous les tems, qu'il fait dans l'Epître à Tire, en fe fervant de ces expreffions générales: » Nous étions auffi nous-mêmes autrefoisinfensés, defobéiffans, égarés du chcɔɔ min de la vérité, affervis à une infinité de paffions & de voluptés, menant une vie toute pleine de malignité & d'envie, di»gnes d'être haïs, & nous haïffans les uns les autres.

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2. Qu'y avoit-il donc alors dans les hom- CHAP. VII. mes qui pût porter Dieu à leur donner fon Fils? L'en prioient-ils ? y penfoient-ils ? N'étoient-ils pas tous ingrats, aveugles, endurcis, impies ? Pouvoit-il leur promettre alors fon Fils fans les aimer A-t-il pule leur donner, lorfque les tems ont été accomplis, fans les aimer: Et puifqu'ils étoient tous indignes d'être aimés pour eux-mêmes felon l'état où ils étoient alors, n'eft-il pas évident qu'il les a aimés pour les rendre aiinables ? Et que plus il eft certain que fon amour eft purement gratuit, plus il eft certain auffi que fon amour n'a d'autre fource que fa bonté, & qu'il eft auffi réel, auffi divin, auffi infini que cette fource?

3. On peut croire, dit faint Paul, qu'un homme de bien feroit capable de donner fa vie pour un autre d'une grande vertu, quoiqu'on n'en trouve pas d'exemple: Nam pro bono forfitan quis audeat mori. Mais il est inoui qu'un homme de bien veuille mourir pour un fcélérat, qui joindroit à fes crimes l'impénitence & l'ingratitude; qui ne connoîtroit pas fon libérateur, ou qui n'auroit que du mépris pour lui; ou plûtôt qui s'of-. friroit avec fureur pour lui ôter la vie en regardant fon fang comme fouillé, & fa mort volontaire comme un fupplice juftement mérité. C'eft néanmoins ce que Dieu a fait en abandonnant fon Fils entre les mains des pécheurs, qui l'ont traité com me s'il eût été le plus criminel d'entre eux; qui ont infulté à fa patience & à fa miséricorde, bien loin de lui en rendre graces; & qui ont regardé comme impur le fang même qui expioit leurs iniquités: mais tou jours avec la distance infinie, qui eft entre

Rom 5.7

CHAP. VII. le Fils de Dieu, & un homme jufte; diftance qui rend l'amour de Dieu pour nous un abyme incompréhensible, & qui donne a fa charité un prix, ou plûtôt un caractere, qui n'eft propre qu'à lui, & qui ne peut Rom. 5. 8. convenir qu'à lui feul: Commendat caritatem fuam Deus in nobis, quoniam cùm adbuc peccatores effemus, fecundum tempus Chriftus pro nobis mortuus eft.

§. IV. Dieu ne s'eft pas contenté que fon Fils s'incarnat: il a exigé qu'il fouffrit le fup plice le plus honteux & le plus cruel, pour nous prouver l'excès de fon amour.

1. Ne fuffifoit-il pas que Dieu, pour nous témoigner fon amour, confentit à l'incarnation de fon Fils, & qu'après nous. avoir parlé par fes Prophétes, il nous par

lât

par fa Sageffe, revêtu d'une chair femblable à celle de l'homme innocent, & différente de celle des pécheurs? N'étoit-ce pas pour nous une gloire infinie, que notre nature fût unie à fa divinité, fans que fa divinité fût unie à nos foibleffes, à nos befoins, à nos fouffrances, à notre mortalité? Cette Sageffe, couverte de notre chair comme d'un voile qui en eût tempéré l'éclat, mais non comme d'un fac & d'un cilice qui l'eût rendu méconnoiffable, nous cût inftruits des vérités falutaires, nous eût confolés dans nos miferes, nous eût attachés à elle par fes bienfaits & par fes mira cles: nous eût reconciliés à fon Pere par prieres, & par l'humiliation même de fon état, qui l'auroit rendu femblable à l'homme; & après nous avoir justifiés, elle feroit remontée dans le ciel, en nous laillant pleins

fes

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