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d'efpérance d'y monter auffi après elle. Au- CHAP. VH, rions-nous douté de l'amour du Pere, & de la charité du Fils, dans de telles circonftances ? Et n'aurions-nous pas regardé l'incar nation de J. C. fuivie de tout ce que j'ai marqué, comme une preuve infiniment audeffus de nos pensées & de nos defirs?

2. Sil falloit, pour nous juftifier, un facrifice extérieur & fanglant, ne fuffifoit-il pas que J. C. fût immolé, comme Ifaac, par la main même de fon Pere? Etoit-il néceffaire que fon facrifice fût tellement caché fous l'ignominie d'un fupplice, que perfonne ne reconnût l'oblation volontaire du Fils dans le crucifiement d'un homme condanné comme criminel? Pourquoi ajouter l'opprobre à la mort de la victime? Pourquoi deshonorer un mystere fi augufte, & qui eft le fondement de la religion? Pourquoi mêler tant d'outrages, tant d'indignités, tant de blafphêmes à une action fi divine? Aurions-nous exigé rien de tel, finous avions eu l'intelligence de ce myftere, pour être pleinement affurés que le Pere qui livroit fon Fils unique à la mort pour nous & que le Fils qui donnoit fa vie pour notre falut, étoient pleins de compaffion & de charité à notre égard?

3. Mais ce qui auroit furpaffé nos pensées & notre attente, n'a pas fuffi à l'amour que le Pere & le Fils nous ont porté. Le Fils auroit été épargné, s'il n'avoit pas été mis par fon Pere à notre place, & qu'il n'eût pas confenti à fouffrir tout ce que nous avions mérité de fouffrir. 11 a été nécessaire, afin que l'amour de Dieu fût fatisfait, que l'homme ne dût plus rien à fa justice. S'il étoit demeuré chargé de quelque dette, la

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CHAP. VII, charité divine eût été comme bornée & mise à la gêne. Il falloit que l'homme fût libre de tout, exemt de tout, rétabli dans tous fes droits, mis à la place du fils & de l'héritier & pour cela il falloir que le fils s'affervît à tout, portât tout, fût en tout femblable aux pécheurs, excepté le péché, & que les pécheurs dont il prenoit la place, lui fuffent préférés.

4. Ainfi fon facrifice, quoique très-volontaire, n'a eu dans l'extérieur que l'apparence d'un fupplice mérité. Le Pere qui le recevoit en fecret, & qui en étoit la premiere caufe, cachoit fon autorité fous celle des juges, & fon action fous celle des impies qui verfoient le fang de fon Fils. La flagellation, les dérifions, les foufflets, les crachats, les blafphêmes, pour épargner les pécheurs, tomboient fur le Fils, qui ne devoit être é pargné en rien. Et c'eft en cette continuelle préférence de l'interêt des pécheurs à la gloire de fon Fils unique, du Fils de fon aColof. 1.13. mour, Filius dilectionis fua, du Fils en qui il met toute fa complaifance, que le Pere a voulu que les pécheurs connuffent jufqu'à quel excès il les a aimés.

§. V. Cet amour incompréhensible, n'a d'autre fource qu'une bonté infiniment gratuite.

1. Y a-t-il un plus grand amour que celui que le Pere a pour fon Fils unique? Et néanmoins il nous a plus aimés que le bonheur que la gloire, que la vie de ce Fils, quand ce Fils a été parmi nous. Ce feroit une impiété & un blafphême, que de dire qu'il nous a plus aimés que la perfonne de fon Fils, ou que l'adorable humanité qui lui eft:

perfonnellement unie: puifque nous ne fom- CHAP. VII. mes aimés que par rapport à elle, & comme étant fes membres. Mais il n'en eft pas moins certain pour cela, que le Pere a voulu que fon Fils unique fût paffible & mortel, & que nous en avons été la feule cause; qu'il l'a traité, pour nous épargner, comme s'il eût été coupable; qu'il l'a frappé pour nous & qu'il l'a brisé, comme parle l'Ecriture par des coups redoublés; qu'il l'a raflafié d'opprobres; & qu'il a exigé qu'il accomplît en fa perfonne cette étonnante parole:

Maudit foit celui qui eft fufpendu au « bois «. Il ne faut donc qu'être attentif à ces deux points, en qui tout cela se passe, & pour qui, pour comprendre à quel excès l'amour de Dieu eft allé, dans le tems même où nous en étions le plus indignes.

Deut. 21.23

2. Quomodò nos amafti, Pater bone, s'é- Lib. 10. Conf crie avec raison faint Augustin, qui Filio tuo C. 43° unico non pepercifti, fed pro nobis impiis tradidifti eum? Quomodò nos amafti, pro quibus ille, qui non rapinam arbitratus eft effe aqualis tibi, factus eft fubditus ufque ad mortem, mortem autem crucis? A quoi peut-on comparer une telle charité? Y a-t-il rien de plus grand que le Fils de Dieu, égal en toutes chofes à fon Pere? Y a-t-il rien de plus humiliant que la mort, & un tel genre de mort que celui de la croix? Y a-t-il rien de plus méprifable que le pécheur? Y a-t-il rien de plus indigne de tout amour, que le pécheur orgueilleux & impénitent? Par quels motifs, pour quelles caufes eft-il donc arrivé que le Pere ait livré fon Fils unique pour les pécheurs, dans le tems qu'ils ajou toient à tous leurs crimes l'orgueil & l'impénitence?

CHAP. VII.

Tite 3.4.

Luc. 1.73.

3. Ne cherchons point de motifs ni de caufes dans un amour, qui eft femblable à l'effence divine, & qui, comme elle, n'a ni principe, ni fin: qui eft incompréhenfible comme elle, & qui n'a d'autre origine qu'une bonté infiniment gratuite: qui ne fuppofe point le mérite, mais qui le donne, & qui aime à fe répandre fur les fujets qui en font le plus indignes, afin que la gloire de fa grace en éclate davantage, & que rien ne foit capable de l'obfcurcir.

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» La bonté de Dieu notre Sauveur, dit faint Paul, & fon amour pour les hommes a pa»ru, non à caufe des œuvres de juftice que > nous cuffions faites, mais à caufe de fa » miséricorde. C'eft par les entrailles de cet» te miséricorde que le Soleil levant, c'eft» à-dire, J. C. nous eft venu vifiter d'enhaut, » pour éclairer ceux qui étoient enfevelis » dans les ténébres & dans l'ombre de la » mort, & pour conduire nos pieds dans le Ephef. 1. 4. » chemin de la paix. C'est parce que Dieu eft riche en miséricorde, qu'étant pouffé » par l'amour extrême dont il nous a aimés, il nous a rendu la vie en J. C. lorfque > nous étions morts par nos péchés, & qu'il » nous a fauvés par fa grace Deus, dives eft in mifericordia, propter nimiam caritatem fuam, quâ dilexit nos, cùm effemus mortui peccatis, convivificavit nos in Chrifto, aujus gratiâ eftis falvati.

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qui

4. Cet excès d'amour, ces richeffes de la miséricorde, qui font un abîme fans fond, étonnent l'Apôtre. Mais qui n'en doit pas être étonné, puifque J. C. lui-même en est Joan. 3, 16. l'admirateur ? Sic Deus, dit-il, dilexit mundum, ut Filium fuum unigenitum daret, ut omnis qui credit in eum, non pereat, sed

habeat vitam aternam. « Dieu a tant ai- « CHAP. VII.
mé le monde, qu'il a donné fon Fils uni- «<
que, afin que quiconque croit en lui ne «
périffe point, mais qu'il ait la vie éternel- «<
le. C'eft le Fils unique lui-même qui admire
un tel don : c'eft celui-là même qui fe livre
pour nous, qui paroît étonné de la grandeur
de la charité de fon Pere: Sic Deus dilexit
mundum. C'est ainsi, c'eft jufqu'à cet excès,
c'eft jufqu'a ce prodige, que Dieu a aimé le
monde qui ne le connoiffoit pas; qui étoit
un amas d'injuftes & de réprouvés ; qui n'a-
doroit que les démons, ou fes paffions; qui
méritoit de périr éternellement, & dont la
perte étoit conclue par un arrêt irrévoca-
ble, fi le Pere n'avoit détourné l'anathême
général fur fon propre Fils.

§. VI. C'est dégrader Dieu de fa qualité de
fouverain bien, que de croire qu'il ne peut
pas rendre dignes de fon amour ceux qui en
Sent indignes par eux-mêmes. Son amour est
tout gratuit, & tout puissant.

1. ON entend déformais le fens de cette
parole: Deus caritas eft. Dieu eft charité.
Dieu est amour. Dieu eft la bonté & la mi-
séricorde même. Lui feul peut aimer ainsi,
parce que lui feul n'a befoin de rien, ne
fuppofe rien d'aimable dans ce qu'il aime,
ne peut être vaincu dans fon amour par au-
cune indignité du pécheur. « Vous êtes «
mon Dieu, lui dit le Prophéte, parce que «
vous n'avez befoin d'aucun de mes biens: «
Deus meus es tu, quoniam bonorum meorum
non eges. Et quel bien en effet pourrions-
nous avoir, que nous n'euffions pas reçu de

Joan. 4. 8.

Pfal. 15.26

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