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mour que JESUS CHRIST a eu pour nous, CHAP. VII. & celui que nous lui devons, au-deffus de toute comparaison ; & une ame reconnoiffante, qui eft attentive à ces différences, & qui en connoît le prix, ne trouve point de plus douce confolation que de fe fouvenir de l'état d'où JESUS-CHRIST l'a tirée, & que de fe livrer aux plus vifs tranfports d'un amour qui ne pourra jamais égaler le

fien.

§. II. JESUS-CHRIST ne nous a pas feulement délivrés des peines éternelles, mais il nous a procuré des biens infinis. Pour les bien connoître, il faut avoir reçu fon efprit, & les yeux éclairés du cœur. Et pour lors on eft pénétré de la charité de JESUSCHRIST pour nous.

1. QUAND il n'auroit fait que nous dé livrer des fupplices éternels, notre reconnoiffance devroit être éternelle. Mais il n'a pas borné fon amour à nous tirer de la mifere. Il nous a fait paffer de l'ignominie à la gloire, & de l'extrême indigence à des richeffes inefperées. De la pouffiere & de la honte même du gibet, il nous a fait monter fur le trône. Il nous a fait rois & prêtres, d'efclaves & d'impies que nous étions. Il a rompu l'indigne alliance que nous avions faite avec la mort & avec celui qui en eft le prince, pour nous faire entrer dans une même focieté avec lui, & avec fon Pere: ut focietas noftra fit cum Patre, & cum Filio 1. Joan. 1. Ja ejus Jefu Chrifto. Il nous a mérité la grace de l'adoption, à nous qui n'étions que des efclaves rebelles. Il nous a communiqué avec abondance fon efprit, afin que nous

CHAP. VII. cuffions l'innocence & la liberté des enfans, & que nous euffions la confiance de parlerà Dieu comme à notre pere. Il nous a rendu fes freres & fes cohéritiers. Il a voulu que fon bonheur fût le nôtre, & que fa gloire nous fût commune avec lui. Et par un excès incompréhenfible de fon amour pour nous, il a demandé & obtenu que nous fuffions aimés de fon Pere comme lui-même en eft aimé, tâchant, malgré la diftance infinie qui fera toujours entre lui & nous, d'y mettre toute l'égalité que la grace peut rendre poffible; & voulant, autant que la vérité & la juftice peuvent le permettre, nous affocier en tout à fa dignité & à fes privileges, dont le plus grand & le plus précieux cft Joan. 17. 16. l'amour de fonPere: Ut dilectio,qua dilexisti me, in ipfis fit, & ego in ipfis : » afin que l'a» mour par lequel vous m'avez aimé soit en cux, & que je fois moi-même dans eux. 2. JESUS-CHRIST demandoit pour nous cette grace fignalée en allant commencer le myftere de fes fouffrances dans le jardin de la montagne des Oliviers, & il l'obtint fur la croix. Par quel amour faudroit-il répondre à un tel amour? à un amour fi généreux, fi magnifique, fi prodigue de fes biens, fi exceffif, & fi infini dans fes defirs, fi attentif à notre gloire, fi peu jaloux de la fienne, fi porté à oublier tout ce quimet quelque différence entre celui qui aime, & ceux qui font aimés? Vt dilectio quâ dilexifti me, in ipfis fit, & ego in ipfis. Eft-il donc poffible, Seigneur, que nous foions aimés de votre Pere, comme vous en êtes aimé? Ne fuffit-il pas que nous en foions aimés à caufe de vous? L'intervalle entre Yous & nous peut-il ceffer d'être infini

Mais fans approfondir des paroles qui font CHAP. VII. un abîme, quoiqu'elles ne puiffent manquer d'être exactes, quelqu'un pourra-t-il déformais être affez malheureux pour met tre des bornes à l'amour qui vous est dû? Votre exemple, quand tout feroit égal entre nous, ne confondroit-il pas fon amour timide & mefuré, qui regleroit les mouvemens par des intervalles concertés, & qui n'iroit à vous que par étude & par une efpece de méthode ? Mais vous êtes mon Dieu : vous êtes le bien infini: vous m'aimez avec excès, vous voulez & vous obtenez que je fois aimé comme vous l'êtes vous-même ? Que tous les ménagemens périffent; ou qu'ils foient le malheureux partage de ceux qui ne connoiffent ni votre amour, ni les biens qu'il nous a procurés.

3. C'eft en effet cette double ignorance & de votre amour & des biens ineftimables dont il eft la fource, qui rend notre reconnoiffance fi peu vive & fi peu fenfible, & qui rallentit un amour qui devroit s'efforcer d'égaler le vôtre. Plufieurs n'ont pas reçu votre efprit, qui feul peut nous inftruire des biens immenfes que vous nous avez mérités; & comme ils n'en jugent que par les fens, ou par l'efprit du monde qui ne les connoît & ne les aime point, ils demeurent froids & indifférens, ou mêmes ftupides, au milieu des richeffes & des tréfors qui font l'étonnement des perfonnes plus éclairées, & qui peuvent dire avec l'Apôtre: « Nous n'avons pas reçu l'efprit cs 1. Cor. 2.15 du monde, mais l'efprit de Dieu, afin que « nous connoiffions les dons que Dieu nous " a faits. Vt fciamus qua à Deo donata funt nobis. Il faut d'autres yeux que ceux du

CHAP. VII. corps, pour en bien juger. Il faut une autre lum ere que celle de la fageffe humaine pour en connoître le prix. Il faut méme quelque chofe de plus que la feule révéla tion, pour en fentir l'importance & la grandeur. Il n'y a que le cœur éclairé par l'amour, quien juge bien. Son amour, font fes yeux: & plus fon amour eft ardent plus fes yeux font capables de difcerner quelle eft l'efpérance à laquelle Dicu nous a appellés, & quelles font les richeffes & la gloire de l'heritage des faints: Det Ephef. 1.17. vobis (Deus,) dit faint Paul, en priant pour nous auffi-bien que pour les Ephefiens, Spiritum fapientia & revelationis, in agnitione ejus illuminatos oculos cordis veftri, ut fciatis qua fit fpes vocationis ejus, & qua divitia gloria hereditatis ejus in fanétis.

18.

4. Ce font de grandes paroles que celles que nous venons d'entendre: Det vobis Deus Spiritum fapientia & revelationis: illumina tos oculos cordis veftri, ut fciatis qua fit fpes, qua divitia gloria hereditatis ejus in fanctis. Sans cet efprit de fageffe & d'intelligence, fans ces yeux éclairés du cœur, tout le myftere de la religion, tout le fruit de l'incarnation & de la mort de J. C. tout ce que nous devons à fon amour, demeure inconnu & couvert de ténébres: ou il nous laiffe auffi froids & auffi immobiles, que fi nous n'y avions aucun interêt. Mais quand l'efprit de Dieu devient la lumiere du nôtre; quand il donne au cœur des yeux éclairés ; quand il nous intereffe par un vif fentiment aux biens déja reçus, & par une vive espérance aux biens qui nous font promis: tous les autres objets difparoiffent; tout ce qui tenoit le cœur dans l'engourdiffement, s'é

ce que

vanouit, & l'on commence à comprendre CHAP. VII. dit faint Paul, « que tout lui paroît » une perte au prix de la haute connoiffance Philip. 3. → de J. C. & qu'il regarde comme des ordu

res toutes chofes, pour l'acquerir lui» même, & pour le gagner, en lui facrifiant » tout le refte. Omnia detrimentum feci, arbitror ut ftercora, ut Chriftum lucrifaciam.

8.

5. Ce que le cœur fent plus alors, & ce qui le pénétre le plus, cft l'amour que J. C. a cu pour nous, & dont il nous a donné des preuves qui font au-deffus de l'intelligence de l'ange & de l'homme, & dont la foi même paroît accablée: fupereminens fcientia Ephef. 3.194 caritas Chrifti. Il ne peut fe laffer de fonder cet abîme, & de s'y perdre en le fondant. Il en eft occupé jour & nuit. Plus il y penfe, plus il y veut penfer : & il lui arrive rarement d'y penfer, fans y découvrir quel que chofe de nouveau, qui eft la récompenfe de fes re herches, & un attrait pour les continuer. Mais comme c'eft le cœur qui fait ces recherches, & qu'il les fait par befoin, & pour nourri fon amour & non par une curiofité stérile, il n'est content, que lorfqu'il aime davantage; & il ne veut voir ni connoître ce qu'il y a de fublime dans la fcience de JESUS CHRIST & de fes myfteres, que pour y découvrir de plus en plus jufqu'à quel excès JESUSCHRIST nous a aimes, & combien il feroit jufte de l'aimer avec le même excès, fi tout notre amour ne lui étoit pas dû, & s'il n'étoit pas néceffairement borné par les limites d'une volonté qui ne peut être infinic.

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