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CHAP. VII.

Pfal. 39.

§. III. On fait reflexion que toute la vie de JESUS CHRIST, depuis le moment de fon Incarnation jufqu'à la Croix, a été un facrifice continuel qu'il a offert pour nous: & l'on rougit de ce que notre vie partagée par mille occupations baffes & indignes, répond fi mal à un tel facrifice.

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1. UN homme qui eft dans ces difpofitions, remonte jufqu'au premier moment où JESUS-CHRIST s'eft revétu de notre chair, & où il s'eft offert à fon Pere, pour tenir lieu des holocauftes & des facrifices pour le péché, qui étoient incapables de nous juftifier. Et il le regarde dès-lors, non feulement comme acceptant la croix qui lui fera un jour préparée par les hommes, mais comme y étant déja cloué par fa volonté, par fon obéiffance pour fon Pere, & par fon amour pour nous. Il ne confidere toute la vie de JESUS-CHRIST que comme un long & perpétuel facrifice, qui commence à fon incarnation, & qui finit à fa mort. Il comprend que tous les travaux de JESUS-CHRIS, toutcs fes fouffrances toutes fes prieres, toutes fes contradictions, de la part des pécheurs, toutes fes humiliations depuis la crêche où il fut mis en naiffant, jufqu'au bois où il fut fufpendu fur le Calvaire, ont été pour nous, & nous ont eus pour but ; & il ne peut affez admirer, comment des hommes fi indignes d'êtré aimés, ont été l'objet continuel de fa charité, & la fin d'une vie fi précieufe & fi divine, fans que rien ait interrompu l'attention continuelle que J. C. a eue pour eux. 2. Ces réfléxions le conduifent à d'autres,

dont il eft humilié le premier, & qui font CHAP. VII. en effet très-humiliantes pour la plupart des fidéles, qui paffent les premieres années de leur vie dans les ténébres de l'ignorance, & dans le vice; qui retournent lentement & lâchement à la juftice par la pénitence; qui partagent l'amour qu'ils doivent à J. C. par mille fortes de defirs, qu'ils croient légitimes, parce qu'ils ne font pas manifeftement criminels; qui fe livrent à un ftérile loifir, ou à des occupations dont ils font choix au hazard, ou par des vûes où l'amour d'euxmêmes a beaucoup de part; qui marquent des bornes étroites à leur pieté, & aux exercices qui fervent à la nourrir; qui confiderent comme un joug tout ce qui les rappelle à la religion; qui fe délaffent en la mettant à part, ou en l'oubliant pour de longs intervalles; qui font confolés, & mis en liberté par cette efpece de tréve qui refpirent, quand tout ce qui paroifsoit d'un devoir rigoureux, eft acquitté, & dont le cœur rentre dans fa fituation naturelle, quand il eft rendu à lui-même & à fes defirs, & que J. C. ne le tient plus dans un refpect incommode, & dans un recueillement qui l'importune & qui le gêne.

3. Eft-ce donc là, dit cet homme touché & plein de réfléxions, ce que nous devons à un Dieu, qui s'eft fait homme pour nous, & non-feulement homme, mais pauvre, foible, paffible, mortel? qui n'a vécu que pour nous; qui ne nous a jamais oubliés un inftant, qui nous a affociés à tout ce qu'il a fait, dit, pensé, fouffert pendant toute La vie ; qui brûloit d'impatience de la donner pour nous, & de fe plonger pour nous dans un batême de fang & de douleurs : qui

CHAP. VII. fera éternellement notre victime dans le ciel, après l'avoir été fur la croix ; qui nous

In manibus porte écrits dans fes mains, par les plaies meis defcripfi qu'il y conferve; & qui tient fon côté oute. Ezech. 49. vert pour nous recevoir dans fon cœur; qui

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fera toujours notre pontife & notre médiateur; & qui en s'immolant à fon Pere dans toute l'éternité comme notre chef,nous unira toujours à fon facrifice comme fes membres? Eft-il poffible qu'il y ait tant de différence entre fon amour & le nôtre; & que cette différence ne vienne pas de ce qu'il nous a aimés le premier, ni de ce que fa charité eft infinie, au lieu que la nôtre est bornée: car ces différences entre lui & nous font inévitables; mais de ce que fon amour eft grand, perpétuel, génereux, magnifique; & le nôtre foible, interrompu, partagé & mêlé de mille baffeffes?

5. IV. On confidere que fi le bonheur de JESUS-CHRIST avoit dépendu de nous, il n'auroit pu faire plus que ce qu'il a fait pour le nôtre; & l'on s'excite par ce motif à l'aimer fans mefure. JESUS CHRIST pour tout fruit de fon amour pour nous › nous commande de l'aimer.

1. SI J. C. avoit eu befoin de nous, continue cet homme dont je repréfente les réfléxions, fi fon bonheur avoit dépendu de notre volonté & de notre pouvoir; s'il avoit été contraint de recourir à notre miséricorde, & s'il avoit été réduit à la néceffité de nous fléchir par tous les moyens poffibles, qu'auroit-il pu faire de plus que ce qu'il a fait ? Nous feroit-il même venu dans l'efprit d'exiger rien de tel? Mettons en pa

rallele la divinité, la fainteté, la fouveraine indépendance de J. C. avec tout ce qu'il a fait pour nous, qui étions fes ennemis; & comparons enfuite ce que nous faifons pour lui, avec ce qu'il a fait pour nous : & confondons-nous par cette double compasaifon, qui nous accable. C'est nous qui fommes injuftes & miferables: c'eft nous qui avons befoin d'une miséricorde infinie: c'eft nous qui devons tout emploier pour fléchir la justice de J. C. qui peut feul décider de notre bonheur ou de notre malheur éternel. Et notre conduite néanmoins, comparée avec les humiliations & les fouffrances de J. C. dont fon amour pour nous a été la feule caufe, porteroit à croire que tous les biens ont dépendu de nous, & que c'eft pour lui-même & non pour nous, pour fes interêts & non pour les nôtres, qu'il a fait tant de chofes pour nous perfuader de fon amour & pour mériter le nôtre.

CHAP. VII.

2. Combien ces confidérations, qui font fi vraies & fi naturelles, deviennent-elles preflantes pour quiconque eft capable de reconnoiffance & d'amour? Combien agiffent-elles fur un cœur fidéle ? Quels aiguillons n'y laiffent-elles point, & quels defirs n'y excitent-elles pas de répondre, autant qu'il eft poflible, à la charité de J. C. par une charité qui n'ait plus d'autres bornes que celles qui font inséparables de l'imperfection de la vie préfente, & d'une nature tirée du néant? Philip. 3.127 Je marche, dit faint « Paul, dans le deffein d'atteindre J. C. & « de le prendre comme il m'a pris : «↑ Sequor autem, fi quomodo comprehendam, in quo &

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* C'est le fens fimple & | dans l'édition de Mons littera! du texte : la ver eft la meilleure. fion qui eft à la marge

CHAP. VII, comprehenfus fum à Chrifto fefu. Je ne l'au rois jamais aimé, s'il ne m'avoit aimé le premier. Je n'ai pu le prévenir, quoique ma juftice & ma félicité dépendiffent de fui. Sa miséricorde purement gratuite est venue me prendre & me faifir, lorfque je n'y penfois point, & que j'en étois indigne. Mais au moment que je me fuis fenti enlevé par fa main falutaire du milieu des ténébres & de l'ombre de la mort, j'ai faifi cette main bienfaifante, je m'y fuis fortement attaché: & femblable à un homme qu'on tireroit de la flamme ou des eaux, je me fuis retourné vers mon libérateur avec une vive & prompte reconnoiffance, & j'ai tâché de le tenir auffi étroitement, que j'éprouvois que j'en étois tenu.

3. Je fens bien (c'eft toujours l'Apôtre qui parle pour expliquer fa pensée ;) que mon amour eft infiniment au-deffous de celui que J. C. a pour moi, & qu'il y a une distance immenfe entre ce qu'il a fait pour moi, & ce que je tâche de faire pour lui, en répandant par tout fa connoiffance, & en fouffrant tout pour fon Evangile. Mais je le fuis à la trace: Sequer autem: j'étudie fes pas je m'applique à imiter fa charité, fon zele, & fa patience: & par toutes fortes de moyens, fi quo modo, par tout ce que la reconnoiffan ce & l'amour peuvent me fuggérer, je m'efforce de le prendre & de le tenir ferré, de m'unir intimement à lui, en n'agissant que pour lui & par fon efprit, en allant au-devant de tout ce qui peut lui plaire, en acceptant avec joie tout ce qu'il veut que je fouffre: je m'efforce, dis-je, de m'attacher inséparablement à lui: fi quo modo comprehendam: & ma joie ne fera parfaite, que lorfque j'aurai rempli toute la mesure de

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