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CHAP. II. tiers où marche la Sageffe, & le lieu où effe fe retire: fa fainte curiofité pour confidérer ce qu'elle fait, & pour écouter ce qu'elle dit, afin de régler fes actions fur un fi parfait modéle: la joie de l'avoir trouvée, & fon application à bâtir auprès de fa maifon une cabane, où il foit en sûreté avec fa famille contre tous les malheurs & tous les dangers qui font inévitables dans le reste de la terre. Cette divine Sageffe eft certainement celle qui eft née du Pere célefte, & qui s'eft incarnée pour nous, lorfque les tems ont été accomplis. Mais il faut lire le texte, avant que d'en faire l'application à JESUS-CHRIST qui eft devenu notre modéle, & principalement fur la croix, auprès de laquelle celui qui eft véritablement fage, fixe fa demeure, & y trouve un afyle contre tous les dangers ou publics ou particuliers. Ledli. 14. 12. » Heureux l'homme qui va après la Sagef

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fe, comme tâchant de découvrir fes tra» ces», vadens poft fapientiam, quafi inveftigator; & marchant dans les routes » par où elle paffe, qui regarde par les fe » nêtres, & qui écoute à la porte : qui refpicit per feneftras & in 1anuis illius audiens qui fe tient auprès de fa maison, » & qui enfonçant un pieu dans fa murail "le, fe bâtit une petite cabane auprès d'elle, où fes biens fe confervent pour jamais dans un grand repos» qui requief cit juxta domum illius, & in parietibus ejus figens palum ftatuit cafulam fuam ad manus illius. Il établira fes fils fous fon ombre, » & il demeurera fous fes rameaux & fous >>fes branches: » Sub tegmine ejus & fub ramis ejus. » Il trouvera fous elle un cou» vcrt contre l'excès de la chaleur, & il fe

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repofera dans fa gloire » Protegetur fub · CHAP. II. tegmine illius à fervore, & in gloria ejus requiefcet.

2. Avant que JESUS-CHRIST qui eft la Sageffe éternelle, fe fût rendu visible en prenant notre chair, il étoit notre régle & notre modéle. Mais il étoit très-difficile de découvrir fes pensées & fes fentimens, de marcher fur fes traces, de fuivre fes veftiges peu marqués, & peu fenfibles. Il falfoit être extrêmement attentif, pour démê ler les voies de celles qui nous égarent; & l'on étoit dans une crainte continuelle de s'y méprendre. On étoit contraint d'écouter à la porte ce que la Sageffe difoit dans le fecret. On tâchoit de s'élever jufqu'à l'une des fenêtres, pour voir ce qui fe paffoit au-dedans de fa maison, qui demeuroit fermée. On fe logeoit auprès: on s'établissoit dans fon voifinage, en attendant qu'elle parût elle-même. On mettoit fous fa garde les biens & fa famille, afin qu'elle en prît foin quand elle voudroit bien fe manifefter au-dehors.

3. Mais depuis que cette Sageffe éternelle, après nous avoir envoyé fes Prophétes, eft venue nous dire elle-même: Me voici; Ecce ego, ecce ego : & que fes fecret- Ifai. 65. tes pensées nous ont été découvertes par Les actions & par fes exemples, fes pas font fi vifiblement imprimés dans le fentier où elle a marché, qu'il eft aisé de les difcerner. Et comme ils fe terminent tous au Calvaire, qui eft le centre & la fin des mysteres qui ont précédé fon dernier facrifice, ils y conduifent tous ceux qui défirent fincerement de l'imiter. C'est là qu'elle a établi fa demeure, & c'est là que fes difciples éta

CHAP. II.

bliffent la leur. Ils enfoncent un pieu dans fa croix, pour fervir d'appui & de fondement à leur cabane. Ils mettent leurs biens & leur famille fous les pieds de JESUSCHRIST, afin que le fang qui en découle les purific. Ils fe mettent à couvert fous l'ombre & la protection de fes bras étendus. Ils connoiffent le prix d'un tel afyle. Ils fçavent que tout le refte du monde eft condanné à l'embrafement: & bien loin de rougir de la Croix de leur Sauveur, ils y mettent leur gloire, parce qu'elle eft maintenant la fource de leur juftice, & qu'elle eft auffi le principe de leur bonheur futur, & de leur immortalité: In parietibus ejus figens palum, ftatuet cafulam fuam ad manus illius ... Protegetur fub tegmine illius à fervore, & in gloria ejus requiefcet.

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§. 4. Explication de la double humiliation de JESUS-CHRIST qui eft notre modéle. Comme Dieu il s'eft anéanti en prenant la forme de ferviteur. Comme homme il s'eft humilié jufqu'à la mort de la Croix.

I. RIEN en effet n'eft plus glorieux pour l'homme, que d'entrer dans les fentimens de JESUS-CHRIST qui eft son Dieu auffi-bien que fon libérateur; & qui eft fon modéle, non feulement par l'humiliation de la nature humaine jufqu'à la mort de la croix, mais auffi par l'anéantiffement où la nature divine eft comme defcenduë en s'uniffant la forme de ferviteur. Nous n'aurions osé parler ainfi, fi faint Paul ne l'eût fait avant nous. Mais après que le Saint Efprit a confacré cette expreffion,

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mous la devons regarder comme très-exa- CHAP. II. de, quoiqu'elle foit auffi très-étonnante. Soyez, dit l'Apôtre aux Philippiens, dans ce Philip. 1. la même difpofition & dans le même sen- « 5.8. timent où a été JESUS-CHRIST, qui ayant ce la forme & la nature de Dieu, n'a point cru que ce fût pour lui une ufurpation d'ê «e tre égal à Dieu: mais il s'eft anéanti lui- « même, en prenant la forme & la nature « de ferviteur, en fe rendant femblable aux «< hommes.... Il s'eft rabaiffé lui-même, « en se rendant obéiffant jufqu'à la mort de « la croix. Saint Paul diftingue en JESUSCHRIST deux abaiffemens : l'un de fon humanité jusqu'à la mort de la croix, l'autre de fa divinité jufqu'à la forme de ferviteur. Il appelle l'un une humiliation, & l'autre un anéantissement; & il veut que l l'un & l'autre foient notre modéle, & que nous entrions dans tous les fentimens de JESUSCHRIST aneanti jufqu'à la forme de ferviteur ou d'esclave, & humilié jufqu'à la mort de la croix. Hoc fentite in vobis quod & in Chrifto Jefu..... Semetipfum exinanivit formam fervi accipiens:... humiliavit femetipfum, factus obediens ufque ad mortem,

mortem autem crucis.

2. Mais comment peut-il être vrai que Dieu s'anéantifle ? Comment peut-on même s'imaginer qu'il s'abaiffe & qu'il s'humilie? Une grandeur & une majefté effentielle peut-elle jamais être autre chofe que grandeur & que majefté? Et une nature infiniment immuable peut-elle fouffrir un changement aufli indigne d'elle, que l'humiliation & l'abaiffement? Il faut certaisement exclure tout changement réel: &

CHAP. II. ce n'est pas auffi de quoi il s'agit. Mais en exceptant ce feul point, on doit convenir que forfque la divinité fe manifefte, l'éclat & la gloire doivent accompagner fa manifeftation; & que fi elle s'en prive, jufqu'à s'expofer à être méconnue & à être confondue avec la forme d'efclave, dont elle a bien voulu fe revêtir, elle obscurcit sa majefté, & elle anéantit la diftinction exterieure & fenfible qui devoit être entr'elle, & la forme de ferviteur qui lui fert de nuage & de vêtement.

3. On doit auffi convenir que lorfque la divinité confent à fe priver de la gloire qui lui eft dûë, & à fupprimer tous les témoignages de fa prefence, elle les facrifie alors à fa miséricorde & à fon amour, & qu'elle leur préfere fa compaffion pour les hommes, & le deffein qu'elle a de les inftruire & de les corriger par l'exemple & par le mérite d'un tel abaiffement. Or c'eft dans cette préférence de la charité & de la compaffion du Verbe éternel pour les pécheurs à fa propre gloire, que confifte l'humilité du Verbe. C'eft dans le choix d'un moien qui nous eft falutaire, mais qui couvre & qui obfcurcit fa majefté, que confifte fon abaiffement. C'eft dans l'acceptation d'un état où le Verbe fera caché, où fa charité ne fera pas connue, où la forme d'efclave paroîtra feule, & fera prife pour le feul objet exiftant, que confifte l'anéantiffement du Verbe. Et l'on ne peut defavouer qu'une difpofition fi admirable dans le Verbe, avant qu'il fe faffe chair, ne foit un exemple d'humilité encore plus étonnant, que l'humiliation & l'obéif

fance

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