ge qui font la preuve auffi-bien que la gloi- CHAP. VII. re d'une charité généreufe. 2. On voit plufieurs perfonnes de ce caractere foible, marcher pendant quelques jours avec une espece de ferveur & de zele, & puis, fans aucun nouveau fujet, tomber dans la langueur, & ramper avec peine dans le chemin meme où elles couroient avec joie. Le tems feul fuffit pour les laffer. Elles reffemblent à ces horloges, dont le mouvement n'a qu'une certaine mefure & une certaine durée, & qui s'arrétent pour toû jours, fi l'on n'a foin de les remonter. Elles paroiffent n'agir que par refforts & par faillies, & n'avoir point en elles un principe durable de mouvement & de vie ; & l'on n'oferoit les abandonner à leur foi & à pro à l'efprit de grace qui eft en elles, fans 3. S'il arrive, comme il eft difficile qu'il n'arrive pas, que ces perfonnes tombent dans quelques fautes qui ne faient pas de pure furprife, & qui foient reprochées plus vivement par la confcience, quoiqu'el CHAP. VIII. les foient compatibles avec la justice, cë reproche falutaire de la confcience les jette auffi-tôt dans la confternation & le trouble, & enfuite dans une efpece de découragement qui leur ôte le goût des exercices de pieté, & la confiance dans la priere, & qui Teroit capable de les abattre entierement, & d'ouvrir la porte aux plus dangereuses tentations, fi l'on n'accouroit promtement pour rendre à l'ame la paix que fon orgueil lui a fait perdre, & pour arrêter les progrès d'un découragement & d'une décadence dont les fuites feroient funeftes. 4. Si ces inégalités étoient rares, & fill'on fçavoit en faire ufage,en devenantplus humble, plus vigilant,plus appliqué à la priere, plus attentif à chercher dans elles & dans de faintes lectures le remede à de telles foibleffes, elles deviendroient des moiens pour s'avancer & pour s'affermir dans la charité. Mais ces inconftances & ces variations font fréquentes ; &, ce qui eft encore plus déplorable, elles font fans remede de la part des perfonnes qui les éprouvent, parce qu'elles attendent toujours qu'une main étrangere les releve, & qu'elles demeureroient toujours par terre, fi on ne les aidoit à fortir de leur abattement, & à faire quelques nouveaux pas dans le chemin de la vertu, mais fans efpérer qu'elles y marchent long-tems avec courage & avec perféveran ce. 5. Que deviendroient ces perfonnes, fi elles étoient traitées comme cet Officier de la Reine d'Ethiopie, à qui faint Philippe, A. 8. 35% l'un des fept Diacres, ne donna qu'une feule inftruction pour le préparer au batême,' & qui perdit auffi-tôt de vue & pour tou jours le maître qui l'avoit inftruit? Au- CHAP. VIIL, roient-elles été remplies, comme cet Offcier, d'une fainte joie, après que le S. Evangelifte fut difparu? Et auroient-elles pu fe refoudre, comme lui, à continuer un long voiage, fans demander de nouveaux éclairciffemens, de nouvelles leçons, & de nouveaux avis pour toute la fuite de leur vie ? Ampliùs non vidit eum ; ibat autem per viam fuam gaudens. Ces perfonnes auroient-elles été fatisfaites de la conduite de S. Paul & de S. Barnabé, qui annoncerent l'Evangile dans plufieurs villes de l'Afie mineure fans s'arrêter long-tems dans aucune, & qui fe contenterent de recommander à Dieu,& de confier à fa grace, ceux qu'ils avoient convertis Commendaverunt eos Domino in quem crediderunt. Combien auroient-elles eu de queftions à faire à ces faints Apôtres, avant leur départ? Combien fe feroient-elles affligées d'être fi tôt privées de leur préfence & de leurs confeils? Combien auroient-elles été tentées de regarder leur falut comme dépendant d'une inftruction plus longue, & d'un fecours plus affidu ? 6. Les Apôtres avant leur départ avoient ordonné des Evêques & des Prêtres, qui devojent continuer leurs foins, & confoler les fidéles de leur abfence. Mais ces Evêques & ces Prêtres auroient dû eux-mêmes être inconfolables d'avoir été fi promtement féparés de leurs maîtres : & au lieu d'effuier les larmes des fidéles, ils auroient dû en répandre de continuelles, de ce qu'ils étoient chargés d'un redoutable miniftere, dans le tems où ils n'étoient eux-mêmes que des néophytes. Mais le S. Efprit confoloit & les pafteurs & les fidéles par une fecrettg CHAP. VIII. joie, qui tempéroit leur douleur : & la grandeur de leur foi leur faifoit trouver dans J. C. dans fa grace, dans la priere, & dans l'Ecriture, un courage & une force capables de foutenir, dans l'absence même des maîtres qu'ils venoient de perdre, les plus grandes tentations & le martyre. 7. C'est donc à la foibleffe de la foi & à l'imperfection de l'amour qu'il faut attribuer ces befoins continuels, ces craintes inquiétes, ces viciffitudes perpétuelles, qui font fi ordinaires parmi des perfonnes qui font profeffion de vertu. Si elles avoient crû en J. C. comme il faut, & fi les vérités de l'Evangile avoient jetté dans leur cœur de profondes racines, leur conduite seroit plus ferme, plus égale, plus indépendante des appuis humains. Elles s'exhorteroient elles-mêmes par de ferieufes réfléxions, par de faints cantiques, par une infatigable perfévérance dans la priere, felon cette parole de l'Apôtre: Docentes & commonentes vofmetipfos, pfalmis, hymnis, & canticis fpiritalibus. Elles conferveroicnt dans leurs cœurs les fages avis qu'elles auroient reçus. Elles les compareroient avec leurs befoins, avec leurs dangers, avec leurs devoirs, fins tomber dans la néceffité d'en demander toujours de nouveaux, & d'apprendre toujours les regles de la pieté, fans parvenir à 1 s obferver: femper difcentes, & nunquam ad 2.Tim. 3.7 feientiam veritatis pervenientes. Colof. 3.16. 8. Elles remedieroient promtement aux inégalités paffageres, dont la vie la plus pure & la plus fervente n'eft pas exemte, en devenant plus ponctuelles & plus litterales dans tous les exercices de vertu. Elles expie xoient leurs fautes par des actions contrai res, fant attendre qu'elles leur fuffent or- CHAP. VIII. 9. Elles fe prépareroient ainfi contre les 2 |