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tiques arbitraires ont épuisé leur zéle, auf- CHAP. VIII. fi-bien que leurs forces.

17. Il arrive même quelquefois que ces hommes, fi avides en apparence de la croix & des fouffrances de J. C. refusent de le fuivre dans des occafions décifives, où le devoir eft clairement marqué, & ou des perfonnes moins préparées par des exercices extérieurs de pénitence, n'héfitent pas à fe déclarer pour lui. Cette différente conduite eft une preuve que le cœur n'est pas toujours auffi mortifié que le corps; qu'il peut conferver de fecrets attachemens avec un renoncement à tout ce qui paroifloit: univerfel & fincere, parce qu'il étoit public; qu'il peut s'endurcir contre le froid, contre la faim, contre des befoins preffans,. & demeurer très fenfible à la louange ou à la cenfure au commerce ou à l'abfence dess amis, à la liberté ou au danger de la per-dre, au peu de bien qu'on s'eft refervé, ow au facrifice abfolu qu'il en faudroit faire. Cette épreuve, à laquelle on fuccombe après s'être fi ouvertement déclaré pour la croix de JESUS CHRIST eft un triste témoignage que nous l'embraffons rarement d'une maniere pleine & parfaite; qu'il y a dans notre coeur des exceptions & des réferves qui lui font inconnues: & notre efprit fécond en excufes & en raifons, ne manque jamais de prétextes pour faire re garder comme exceffif, tout ce qu'il a ré folu de ne pas faire.

CHAP. VIII.

V. CARACTERE

De notre amour pour JESUS-CHRIST.

Cet amour doit aller jufqu'à donner
notre vie pour JESUS-CHIST,
& même pour nos freres.

§. I. Tous les caracteres de l'amour dont il
ere parte iufqu'ici, prouvent cette vérité.
JESUS-CHRIST nous en a fait une obliga-
tion, en nous en donnant le modéle. Les
occafions de la mettre en pratique ne font
rares, que parce que l'amour propre l'at
tachement aux biens préfens nous aveuglent
fur ce point. Le feul moyen de s'y bien pré-
parer, eft d'être fincerement disposé à don-
ner fa vie pour JESUS-CHRIST. Le défaut
de rene difpofition a fouvent causé la perte
de la foi.

1. Tous les caracteres de l'amour que nous devons à Dieu qui nous a donné fon Fils, & à J.C.qui s'eft livré pour nous; dont nous avons déja parlé, ont dû nons faire comprendre que cet amour doit aller jufqu'à donner notre vie, & qu'il en exige le facrifice, au moins dans la préparation du cœur, fi la gloire d'une immolation réelle lui eft refufée. Car un amour qui eft fans bornes & fans réferve, ne fouffre aucune exception : & comme il eft plus puiffant que la mort, au lieu d'être arrêté par elle, d'ef d'elle-même qu'il veut triompher. Un amour fécond en bonnes œuvres, ne connoît point d'action plus grande, nj

plus digne de lui, que le martyre. Un CHAP. VIK, amour ferme & perfévérant, fait que la couronne eft attachée au dernier moment, & que c'eft du terme que dépendent fa gloire & fon mérite. Un amour plein de défir d'avoir part aux fouffrances de J. C. ne peut être fatisfait, qu'en expirant avec lui fur la croix, & en y demeurant auffi long-tems que lui.

2. Ce n'est donc point un devoir qui lui foit inconnu, & qui le furprenne, que l'obligation où il eft de donner fa vie pour J. C. La premiere lecture de l'Evangile l'en a perfuadé:& il ne peut oublier que J.C. en a fait une loi, non-feulement à fes Apôtres, mais à tous les difciples, dont il a voulu que le renoncement & le facrifice fussent univerfels, & compriffent celui de la vie. Après le célébre témoignage que faint Pier re lui rendit, en confeffant qu'il étoit le CHRIST & le Fils de Dieu, il ajoute auffitôt qu'il falloit que le Fils de l'homme fouffrit beaucoup, & qu'il fût mis à mort: Oportet filium hominis multajati, & occi Lus. 9. 223 di. Et fur ce que faint Pierre ofe lui dire que Dieu ne permettroit pas que rien de tel

lui arrivât: Abfit à te Domineis non erit ti- Matt.16, 22x bi hos non feulement il traita cet Apôtre de tentateur & de fcandaleux, mais en confirmant ce qu'il avoit dit de fes fouffrances & de fa mort, il fe tourna du côté de ceux qui le fuivoient, & leur adreffant la parole, il leur dit à tous: ad omnes:« Si quel-" Lue 9. 23. Ú qu'un veut venir après moi, qu'il fe re- « 24. nonce foi-même, qu'il porte fa croix «< tous les jours, & qu'il me fuive. Car ce- ce lui qui voudra fauver fon ame (c'est-à-di- «s dire fa vic) la perdra; & celui qui la e

CHAP. VIII. » perdra pour l'amour de moi, la fauvera.se Les termes ne peuvent être plus clairs. Il s'agit du facrifice réel de la vie de J. C. Oportet filium hominis occidi. C'est un facrifice femblable que J. C. exige, puifque c'est celui de l'ame ou de la vie; & c'eft de tous fes difciples qu'il l'exige, puifque ce n'eft qu'à cette condition qu'ils peuvent le fuivre, & devenir fes difciples: Dicebat autem ad omnes: fi quis vult poft me venire, abneget femetipfum • qui enim voluerit animam fuam faluam facere, perdet illam. Il faut donc que du côté du cœur & de l'amour, un tel facrifice foit férieux & réel, & que ce foit la divine providence, maîtreffe des évenemens & des occafions, qui en fufpende l'accompliffement.

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Rom, 6.8.

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3. C'est une vérité très - certaine, dit faint Paul, que fi nous mourons avec L C.nous vivrons auffi avec lui.Si nous fouffrons avec lui, nous régnerons auffi avcc » lui. Si nous le renonçons, il nous repon» cera auffi.« On ne peut pas expliquer d'nne « maniere figurée ces paroles, fi nous » mourons avec J. C. nous vivrons aufli : avec lui, << en les entendant d'une mort. intérieure & fpirituelle, qui foit une imis tation fécrette & morale de la mort de J.. C. Cette explication peut convenir à ce que dit le même Apôtre dans l'Epître aux Romains: Si nous fommes morts avec » C. nous croions que nous vivrons aufli » avec J. C. Car il n'eft queftion en cet endroit que de l'imitation de la mort de J. C. & de fa réfurrrection par le batême comme tout ce qui précédé & ce qui fuit dans le difcours de faint Paul en eft la preuye. Mais il n'y a que l'interprétation fim

ple & littérale qui convienne à ce qu'il dit CHAP. VY à Timothée dans fa feconde Epître, ou fon deffein de l'exhorter au martyre eft vifible: Fidelis fermo fi commortui fumus, & convivemus: fi fubftinebimus, & conregnabimus. On ne peut détourner à un autre fens ces paroles fi fuftinebimus: On ne peut donc auffi détourner à un fens moral & figuré celles qui précédent: fi commortui fumus. Les fouffrances font réelles : la mort eft donc réelle. La condition de foufftir pour J.C.& avec J.C.eft indifpenfable: la condition de mourir avec lui & pour lui eft indifpenfable. Pour régner avec lui, il faut fouffrir, pour vivre avec lui il faut mourir. La menace d'être renoncé par JE SUSCHRIST, regarde également ceux qui refufent de mourir & ceux qui refusent de fouffrir: fi negaverimus, & ille negabit no. Il faut donc convenir que le facrifice de no tre vie fait partie de notre vocation à l'Evangile, & qu'il n'y a rien de furprenant ni dextraordinaire, quand il plaît à Dieu de nous mettre dans l'heureufe néceffité d'accomplir nos promeffes, & d'accorder à notre amour pour lui la liberté d'aller auffi Loin qu'il le défire. Car il ne nous a paso 2. Tim. x. gå· donné, dit faint Paul, un efprit de timi- s dité, mais de courage & d'amour. Non enim dedit nobis Deus fpiritum timoris, fed virtutis & dilectionis.

4. Après que J. C. s'eft rendu obéiffant. pour nous jufqu'à la mort, & à la mort de facroix,'il n'y a aucun genre de mort que. nous ne devions accepter pour lui témoi gner notre reconnoiffance. Il a ôté à la croix tout ce qu'elle avoit de terrible &, de honteux, avant qu'il y fût attaché. C'est sur

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