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fance du Verbe fait chair jusqu'à la mort de CHAP. ÍI.” la croix.

pour

4. Cette difpofition incompréhenfible du Verbe éternel n'eft pas feulement une preuve de fa charité & de fon humilité, felon l'explication que je viens de donner: mais elle eft, felon faint Paul, une démonftration de la parfaite égalité du Pere & du Fils dans l'effence divine. JESUS-CHRIST, dit l'Apôtre, ayant la forme & la nature de » Dieu, n'a point cru que ce fût pour lui » une ufurpation d'être égal à Dieu; mais il » s'eft anéanti lui-même, en prenant la for» me & la nature de ferviteur. » C'est-àdire que JESUS-CHRIST n'a renoncé un tems à la gloire dûe à fa divinité, en s'anéantiffant jufqu'à la forme de ferviteur, que parce qu'il étoit certain de fon égalité avec fon Pere; car s'il en avoit été l'ufurpateur, & qu'il n'y eût pas eu par fa naissan ce un droit éternel & néceffaire, il ne se feroit pas privé d'un éclat extérieur, qui auroit été fon unique titre. En renonçant à cet éclat, il auroit tout perdu, puifque fa majefté n'auroit été qu'empruntée, ou plûtôt ufurpée. Mais il fçavoit bien qu'il demeureroit fur le trône, en fouffrant que la gloire du trône difparût. Il fçavoit bien qu'il étoit toujours le Fils propre, naturel, & confubftantiel de fon Pere, quoiqu'il s'unît à la forme de ferviteur, & que la forme de ferviteur parût feule aux yeux des hommes. Il ajoûtoit la gloire de l'humilité à celle de la divinité: & ne pouvant devenir plus grand en s'élevant, il acqueroit une nouvelle grandeur par un abaiffement volontaire, plus furprenant & plus capable de nous étonner, que fa puiffance & fa majesté

Partie I.

B

HAP. 11 naturelle. Mirabilior nobis fit in Deo humilitas, quàm poteftas.

S. Leo,ferm. Lo de passe

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5. Voilà notre modéle: Hoc fentite in vobis quod & in Chrifto Jefu. JESUS-CHRIST eft Dieu il s'eft anéanti. JESUS-CHRIST eft homme il s'eft humilié jufqu'à la mort de la croix. C'eft parce qu'il eft égal à fon Pere, qu'il s'eft anéanti: c'est parce qu'il étoit le Roy de gloire, comme fils de l'homme, qu'il a expiré fur la croix. Rien ne paroiffoit lui moins convenir que l'anéan tiffement & l'humiliation, rien n'a été plus digne de lui que l'un & l'autre rien n'a plus fait éclater fa bonté: rien n'a été plus propre à inftruire & à réformer l'homme : rjen n'a mieux prouvé que JESUS-CHRIST étoit Dieu & le Seigneur de la gloire, que fon confentement à fe priver pour nous d'un éclat, dont il demeuroit non feulement le maître, mais le principe & la fource.

§. 5. Un tel modéle est proposé à tous : mais fans qu'aucun puiffe atteindre jusqu'à la perfection de l'original. Chacun en exprime quelque trait: & de-là vient la différence. du caractere des Elus. Notre gloire eft d'offrir chacun nos travaux & nos fouffrances. pour concourir à l'expreffion parfaite de ce divin modéle.

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1. UN tel modéle eft proposé à tous, mais fans qu'aucun de fes imitateurs puiffe atteindre jusqu'à la perfection de l'original. L'un le copie par un endroit, l'autre tâche de l'exprimer par un autre. Sa croix l'étale aux yeux de tous: mais les vûës & les difpofitions de ceux qui l'étudient pour le repréfenter dans eux-mêmes, font auffi diffée.

rentes que les dons & les graces qui diver- CHAP. II. fifient les caracteres des Saints. Les Martyrs font ceux qui approchent le plus de la vérité: mais entre les Martyrs, combien у 2t-il de degrés, de diftinctions, & de varietés. Il en eft de même de ceux qui ont joint à l'innocence du batême les faintes auftérités de la pénitence: leur amour pour JESUSCHRIST les applique à mille vertus différentes, chacun felon fon attrait. Les mortifications de ceux qui travaillent à reparer

la perte du batême par un nouveau batême de larmes, font auffi de mille genres différens, quoique la croix de JESUS-CHRIST foit leur principal point de vûë. Les croix particulieres & perfonnelles que la divine Providence diftribue dans tous les états, font comme les petites portions de la vraie Croix répandues dans tout le monde, & qui font le tréfor de plufieurs Eglifes particulieres, comme le dit faint Cyrille de Jerufalem Ligno crucis univerfus tandem orbis S. Cyrill. ca terrarum particulatim oppletus eft. Mais com- tech. 4. p.276 me toutes ces portions ne font pas l'arbre entier de la Croix, & qu'elles n'en diminuent pas l'integrité, au rapport de faint Paulin: il n'y aura jamais aucune comparaiS. Paulin à fon entre les fouffrances des Saints de cha- Severe. que état & celles de JESUS-CHRIST; & le modéle de fa charité, de fon obéissance, de fa patience, fera toujours inimitable, quoique les juftes de tout état s'appliquent uni quement à l'imiter.

2. Car ces juftes ne font pas la justice même, ni la vérité même comme JESUSCHRIST, quoiqu'ils fouffrent pour la juftice & pour la vérité. Ceux qui les font fouffrir font leurs égaux, & non leurs créatu- ·

CHAP. II. res, comme tous les hommes le font par rapport à JESUS-CHRIST, qui pourroit leur ôter la vie en ceffant feulement de la leur conferver. Quelque grandes que foient leurs épreuves, elles ne feront jamais égales aux fupplices éternels qu'ils ont mérités, & dont ils ne font délivrés que par grace. Il n'y en a aucun parmi eux qui ne doive dire, comme le faint pénitent:» Nous n'endu

rons que ce que méritent nos mauvaises actions; mais celui-là, qu'a-t-il fait ? Eft-il d'ailleurs en notre pouvoir d'éviter ce que nous fouffrons, comme JESUSCHRIST étoit le maître de ne rien fouffrir ? Si nous en perdions le fruit par l'impatiennous ajouterions à nos maux, bien loin ce > d'en diminuer le fentiment. Beaucoup d'infidéles fouffrent autant, ou même plus que nous, fans en rien efperer. Nous pourrions être comme eux fans confolation & fans efperance. On nous calomnie on nous ôte les biens & la liberté, on nous laiffe fans protection & fans défense; mais ce qu'on nous ôte, JESUS-CHRIST nous le conferve. Il convertit nos pertes en des facrifices de religion. Il met en sûreté pour une vie éternelle, ce qu'une mort prompte ou lente nous raviroit. C'est un honneur inestimable qu'il nous fait en nous affociant à sa croix: c'eft par un privilege particulier qu'il nous en fait c'eft part: la foi & par la ́ patience qu'il nous infpire, que nous l'acceptons avec foumiffion, ou même avec joie. Y'a-t-il eu de notre part quelque chofe de femblable par rapport à lui? Nous lui devons tout. Nous en avons tout reçû. Son oblation cft fans exemple. Il eft feul l'agneau de Dieu. Nous autres, au lieu d'être des vic

par

times de fa colere, nous le fommes devenus de fa miséricorde.

3. Ces fentimens, qui diftinguent les fouffrances des juftes, & de ceux qui s'appliquent à le devenir, des fouffrances des impénitens & des infidéles, ne diminuent pas leur zéle pour atteindre, autant qu'ils le peuvent, à la perfection du modéle qui leur eft proposé, & pour contribuer par diverfes imitations particulieres à le reprefenter dans fon tout.. Ils fçavent que depuis le jufte Abel jufqu'au dernier élû qui terminera le fiécle & le tems, les fouffrances des Saints font deftinées à exprimer le facrifice entier de JESUS-CHRIST. Ils offrent chachun leurs travaux & leur patience, pour concourir à cette expreffion pleine & parfaite. Ils font jaloux de la gloire qu'ils ont d'y contribuer: & comme chaque facrifice an cien avoit fon caractere particulier, & fon rapport à quelques circonftances particulicres de celui de JESUS-CHRIST, ils tâchent d'être fidéles & diligenspour conferverleta ractere de celui qu'ils doivent offrir, ou par l'humiliation, ou par le dépouillement, ou par la douleur, ou par le filence: s'eftimant heureux à proportion de ce que Dieu en accepte en fecret la bonne odeur, & que l'attention des hommes à les louer, ou à les plaindre, n'en altere pas la pureté.

CHAP. II.

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