Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CHAP. IV. ne. Hac vox capitis falus eft totius corporis. Hac vox omnes fideles inftruxit, omnes Confeffores accendit, omnes Martyres coronavit. Car, dir le même Pere, qui pourroit vainere la haine du monde conjuré contre la vertu, qui pourroit réfifter à l'attrait des tentations qui fe cachent dans les ténébres, & qui pourroit furmonter ce que les perfécutions ont de plus terrible, fi JESUSCHRIST ne difoit pour tous, & dans tous à fon Pere: Que votre volonté foit accomplie? Nam quis mundi odia, quis tentationum tenebras, quis poffet perfecutorum fupeare terrores, nifi Chriftus in omnibus & pro omnibus diceret Patri: Fiat voluntas tua?

4. Joignez à l'effet de cette priere de JESUS-CHRIST faite dans le jardin, l'efficace de celle qu'il fit pour nous fur la croix, & qu'il accompagna de fes larmes. Joignez-y le mérite de fa patience invincible, de fon filence qui ne fur interrompu que par fa charité de fon abaiffement profond dewant fon Pere, du facrifice intérieur de fon efprit affligé & de fon cœur brifé, de son obéiffance fans bornes & pour les douleurs & pour les opprobres, de fa mort en baiffant la tête fous les ordres de fon Pere. Joignez-y les plaintes d'un abandon, qu'il détournoit de nous en s'y foumettant, Joignez-y enfin le dépôt de notre perfévérance & de notre patience jufqu'à la fin de la vie, confiées entre les mains du Pere, avec l'efprit de fon Fils; & vous aurez alors le riche tréfor, & le fonds inépuifable de patience, de courage, d'amour, ou tous les Martys ont puifé, en le laiffant néanmoins tout entier à ceux qui les imitent. In eo enimin quo paffus eft ipfe tentatus, fotens eft &tis, qui tentantur, auxiliari.

$. III. C'est des foibleffes de JESUS-CHRIST qu'eft venu le courage & la fermeté invioTable des Martyrs. Exemples: Saint Ignace, S. Laurent, Sainte Potamiene.

I. IL ne faut plus s'étonner de ce qu'ont fait & fouffert les Martyrs, après qu'on a vû de quelle fource venoit leur courage & leur force. En s'approchant de la croix, ils y trouvoient JESUS CHRIST. C'étoit à lui plûtôt qu'à la croix qu'ils étoient attachés. C'étoit à la puiffance de fa grace & de fa divinité plûtôt qu'à l'infirmité de fa chair qu'ils étoient unis. Car, dit faint Paul,

το

CHAP. IV.

Quoique JESUS-CHRIST ait été crucifié« 2. Cor. 1 3. 4. felon la foibleffe de la chair, il vit néan- «< moins maintenant par la vertu de Dieu. « Etfi crucifixus eft ex infirmitate, fed vivit ex virtute Dei. C'est-à-dire, que l'infirmité de fa chair, dont nous avons été le motif, s'eft convertie en force pour nous par fa réfurrection; & cette force s'eft rendue auffi fenfible dans les Martyrs, que l'infirmité de notre chair s'étoit rendue fenfible en J. C.

2. Ils ont furmonté les plus cruels & les plus longs tourmens avec un courage, que les tourmens mêmes paroiffoient redoubler. On en voit des exemples dans des actes finceres qu'on en a recueilli, qui font nonfeulement au-deffus des forces humaines, mais au-deffus de toute adm:ration. On ne peut lire aujourd'hui fans être faifi d'étonnement, ce qu'ont fouffert les Martyrs de Lion & de Vienne fous Marc Aurele, les Confeffeurs témoins de leur perfévérance rendent compte aux Eglifes d'Afie: ce

dont

Eufebe, Hift;

lib. S.

Id. lib. de

1. Hift. Eccl.

Acti fincera Ruynard

CHAP. IV. qu'Eufebe a écrit des Martyrs de Palestine : ce que rapporte Sozomene des Martyrs de Perfe: ce que nous lifons dans les actes parMartyr. Pa- ticuliers, mais originaux, des fouffrances læfi. incroyables & plufieurs fois réïterées des Sagom. lib. faints Martyrs Taraque, Probe & Andronic, dans les actes des faints Martyrs d'Afrique, entre lefquels les deux illuftres femmes, Perpetue & Felicité, fe diftinguerent fi fort par leur humble patience, malgré la foibleffe de leur fexe : ce que Victor de Vite, auteur contemporain & bien informé, nous dit des fuplices affreux des Catholiques dans la perfecution des Vandales, & de leur invincible fermeté; fans parler d'une infinité d'autres exemples, qu'on a recueillis avec foin, & qui doivent être précieux à tous ceux qui aiment JESUS-CHRIST, parce qu'ils font fa gloire & fon triomphe.

3. Car c'étoit lui qui combattoit dans fes Martyrs: c'étoit lui qui les animoit : c'étoit lui qui leur infpiroit non-feulement la patience dans les douleurs, mais le defir même & l'empreffement de fouffrir pour lui. La lettre de faint Ignace aux Romains est connue de tout le monde. On fçait combien il craignoit qu'ils n'emploiaflent leurs follicitations pour faire changer fon fupplice, & pour lui conferver la vie, & avec quelle ardeur il les conjure de ne pas s'oppofer au bonheur & à la gloire où il afpire de devenir le pain de JESUS-CHRIST, étant moulu par les dents des bêtes. Mais ce qui me touche le plus dans cette lettre que l'efprit de JESUS-CHRIST a dictée, & ce qui a le plus de rapport au fujet que je traite, eft l'aveu que fait ce grand Martyr', que c'eft JESUS CHRIST lui-même qui

[ocr errors]

l'exhorte intérieurement & qui le preffe, CHAP. IV. & qui comme un feu brûlant ne lui laiffe aucun repos jufqu'à ce qu'il ait confommé fon facrifice. « C'eft celui, dit-il, qui eft « mort pour nous que je cherche ; c'est ce- «, lui qui eft reffufcité pour nous que je «. veux. Laiffez-moi la liberté d'imiter les c fouffrances de mon Dieu. Que celui qui «, l'a déja dans fon cour, comprenne ce que je défire, & qu'il ait compaffion de moi, " puifqu'il eft inftruit des liens qui m'atta- « chent à ce que j'aime. C'est par le défir ar-ce dent que j'ai de mourir que je vous écris. ce Car l'objet unique de mon amour eft cru- « cifié: & mon amour pour lui fait aussi que je le fuis. Le feu qui m'anime & qui me c pouffe, ne peut fouffrir aucun mélange, aucun tempérament qui l'affoibliffe: mais ce celui qui vit & qui parle en moi, me dit e continuellement au fond de mon cœur " Hâtez-vous de venir à mon Pere. Si quis. illum in feipfo poffidet, intelligat quid volo,

сс

сс

сс

compatiatur mihi, ut qui fciat qua me conftringant. Scribo vobis amore captus moriendi. Meus amor crucifixus eft. Et non eft in me ig nis ́amans ullam aquam ; sed vivens & loquens in me, intus mihi dicit: Veni ad Pa

trem.

[ocr errors]

.2

[ocr errors]

4. Il eft dit de S. Laurent, que le feu que JC. allumoit dans fon cœur, amortiffoit par fon activité le feu extérieur qui brûloit fon corps: Segnior fuit ignis.qui foris uffit, S. Leo ferm. quàm qui intus accendit. Et il eft dit encore de lui, qu'étant faintement enivré du fang de J. C. & qu'étant plein de la force & de la vie qu'il avoit puifée dans l'Euchariftie, il devint non-feulement invincible dans des tourmens très-cruels & très-longs, mais

CHAP. IV. mour de Dieu en J. C. notre Seigneur 7 c'eft-à-dire, de l'amour que J. C. nous a mérité, dont il eft la fource, & qu'il nous infpire. Aucune créature, telle qu'elle puiffe être, ne peut vaincre cet amour, parce que celui qui l'infpire eft le Dieu tout-puiffant. Ce n'eft point la créature qui le don ne: ce n'eft point auffi la créature qui peut le furmonter. Saint Paul ne feroit affuré de rien, s'il fe fondoit fur l'inconftance de la volonté humaine. Tout feroit capable de l'affoiblir, & tout le mettroit en danger: mais c'eft dans la force de J. C. qui eft celle de Dieu même, qu'il fe fonde : & fa confiance n'eft ni vaine, ni préfomptueuse, ni expofée au danger d'être vaincue.

2. Comme il paroît plus aifé, felon nos penfées, que Dieu agiffe fur la matiere, dont tout le monde convient qu'il eft le maître abfolu, que fur les volontés qui demeurent toujours libres, plufieurs s'imaginent que les Martyrs, & principalement ceux dont les tourmens font horreur, fentoient peu ce que les perfecuteurs leur faifoient fouffrir; & ils croient que J. C. adoucifloit leurs peines en diverfes manieres, ou par des extafes & des raviflemens:

ou par
des douceurs & des confolations fi
fenfibles, qu'elles les rendoient indifférens
à tout ce qui fe paffoit au dehors: ou par
des miracles qui arrêtoient l'activité du
feu, qui délivroient les Martyrs, qui pu-
niffoient les tyrans, & qui tournoient con-
tre les perfécuteurs ce qu'ils avoient prépa
ré contre les confeffeurs de fon nom. C'est
fur de femblables préjugés, que des hom-
mes téméraires ont ofé feindre de faux ac-
tes, ou altérer les actes finceres des Mar

« AnteriorContinuar »