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§. 2. Defcription de l'état où étoit l'univers avant la croix de JESUS-CHRIST. Regne univerfel de l'idolatrie. Incertitude & ti midité parmi les philofophes fur les points les plus effentiels de la religion. La croix a prouvé les vérités du falut, les a rendu populaires, & a inspiré le courage de les dé fendre.

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1. AVANT la Croix de JESUS-CHRIST dans quel état étoit l'univers? Quel ufage avoient fait les hommes du fpectacle de la nature, & de l'admirable fageffe qui éclate dans tous les ouvrages du Créateur? Le vrai Dieu avoit-il un temple dans toute la terre, excepté l'unique temple de Jérufalem? La raifon avoit-elle garanti quelque peuple de l'idolatrie, quoiqu'elle foit fi opposée à la loi naturelle? Ceux qui faifoient profeffion d'une plus haute fageffe, n'avoient-ils pas converti en problemes les vérités les plus conftantes, & obfcurci par leurs vains raifonnemens les anciennes traditions fur l'immortalité de l'ame, la réfurrection des corps, les biens ou les maux préparés à la vertu ou au vice, que le fimple peuple, malgré fes ténèbres, confer voit plus religieufement que les philofophes? Ceux d'entr'eux à qui Dieu avoit manifefté fon unité, fa providence, & fa juftice, n'avoient-ils pas retenu ces connoiffances dans le fecret, par une ingrate & timide lâcheté ? Un-feul d'entr'eux s'eft-il élevé contre l'impiété qui avoit fubftitué au Dieu vivant & véritable des idoles muettès, & des figures non feulement d'hommes, mais de bêtes & de reptibles? Un seul

СНАР. 1.

CHAP. I.

Aug.

Socrates.
Xenophon.

s'eft.il abftenu d'aller dans les temples, quoiqu'il n'approuvât pas dans fon corur Scholas ha le culte fuperftitieux qu'il autorifoit par fa bebant priva. préfence & par fon exemple: L'unique dont ta, templa la religion fut mife à l'épreuve, ne traitacommunia. S. t-il pas de calomniateurs ceux qui l'accu foient de n'adorer pas les dieux que les Athéniens adoroient? Son Apologifte, qui étoit auffi fon difciple & fon ami, le défend-il autrement, qu'en affurant qu'il a toujours reconnu les mêmes divinités que le peuple? Et Platon lui-même n'est-il pas contraint d'avouer que ce lâche prévaricateur ordonna un facrifice impic, quoiqu'il Fragmen fût certain de mourir ? Un petit extrait d'u um Epiftola ne lettre de Platon nous fait voir combien Platonis ad il craignoit de s'expliquer fur la nature & l'unité de Dieu, & combien par conséquent il étoit éloigné de lui rendre graces, de le confeffer devant les hommes, & de s'expofer au moindre danger en lui rendant témoignage. Les actions honteufes qu'on attribuoit aux faux Dieux, le faifoient rougir; mais il fe contentoit de dire, ou qu'ils n'étoient pas coupables de ces crimes, s'ils étoient Dieux,ou qu'ils n'étoient pas Dieux, s'ils les avoient commis: fans ofer dire qu'il n'y avoit qu'un feul Dieu, & fans avoir le courage de s'élever contre le culte public fondé fur les crimes mêmes dont il avoit honte.

Dion.

Plato de

republic. lib.

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2. Quelle apparence y avoit-il qu'on pût jamais détromper des hommes charnels, groffiers, prévenus, attachés à un culte qui favorifoit toutes leurs paffions, & qui juftifioit tous leurs vices; qu'on pût leur perfuader des vérités auffi fublimes que celles qui font le fondement de la religion

chrétienne; qu'on pût les rendre capables CAP. I. d'un culte intérieur & fpirituel, où les fens ne comprennent rien, & dont la cupidité eft ennemie ? Et qui, s'il avoit été confulté fur le choix des moyens pour réuffir à ce grand ouvrage, auroit pensé à la Croix & aux opprobres dont elle étoit couverte ? 3. Cependant c'eft de cette Croix qu'eft venue toute la lumiere & toute la fageffe des nations. C'eft en y voyant le Fils de Dieu attaché, qu'elles ont connu la vanité de l'idolatrie; l'unité de l'effence divine dans des perfonnes diftinctes; la corruption générale de la nature humaine, dont l'origine eft infectée; le befoin qu'avoient les hommes d'un médiateur; l'impuiffance où ils étoient de retourner à Dieu par leurs feuls efforts, ou par des moyens qui ne reformaffent pas leurs volontés; la néceffité de vivre fous les yeux de Dieu, & d'avoir un cœur droit & fincere, qui ne démentît pas l'extérieur des actions; la certitude des biens & des maux, qui ne fe découvrent qu'après la mort; & l'obligation indispenfable de rendre compte de toute fa vie devant un jufte juge, à qui tout eft connu, & tout eft préfent.

4. La Croix de JESUS-CHRIST qui eft la preuve de ces vérités, les a rendues fenfi bles & populaires. De fimples femmes fans lettres les ont comprifes des artifans & des hommes destinés aux travaux de la campagne en ont été perfuadés : des enfans leur ont rendu témoignage. Tous les ont crûes fans hésitation, fans variation, fans être arrêtés, ou par les difficultés, ou par la lenteur naturelle de l'efprit. Plufieurs 'ont donné leur vie pour les foutenir, &

СНАР. 1.

tous ont été convaincus que leur perfuafion devoit aller jufques-là.

5. Que l'on compare ces vérités aux foibles lumieres des philofophes fur un petit nombre de points. Que l'on compare auffi la fermeté & la vive perfuafion de tant de peuples qui les croient, avec l'incertitude, l'inconftance, la timidité des plus grands hommes du paganifine fur des articles effentiels. Que l'on compare enfin la haute fageffe d'un jeune enfant dans le chriftianifme, avec celle de la Synagogue entiere, à qui tout étoit donné cacheté & ouvert de voiles, qui ne répondoit qu'en bégaiant & en héfitant fur des points capitaux, & qui étoit même remplie de préjugés contre beaucoup d'autres.

§. 3. La folie de la Croix a enfeigné aux hommes tout ce qui est nécessaire pour les rendre fages. Craindre de retourner dans les ténébres, en quittant la fimplicité de la foi. C'eft la fource de tous les nouveaux Sypêmes fur la Religion.

1. JESUS CHRIST du haut de fa Croix eft devenu le maître univerfel que tous les hommes ont écouté. Il les a tous rendu fages, éclairés, fpirituels, par ce qui paroi foit en lui une folie; & il a au contraire convaincu de folic tout ce qui paroiffoit fage parmi cux, avant qu'il en fut connu. Il n'eft plus queftion après lui de raisonner, de chercher, de faire des plans fur la ReTertull. de ligion: Nobis curiofitate opus non eft poft prafcrip. c. 8. Chriftum Jefum, nec inquifitione poft Evan8.233. gelium, dit excellemment Tertullien. I nous fuffit de fçavoir & de connoître JE

SUS-CHRIST Crucifié, pour tout fçavoir, CHAP. I. comme faint Paul s'en glorifie. Et nous dcvons être perfuadés que ce ne peut être que par la séduction du ferpent que nous nous dégoûtons de la fimplicité de la foi, pour courir après l'appas de nouvelles vérités, à l'exemple d'Eve, & pour devenir comme elle, plus habiles que Dieu n'a voulu : Ti

meo,

difoit faint Paul aux Corinthiens, ne 2. Cor. 11. 3. ficut ferpens Evam feduxit aftutiâ fuâ, corrumpantur fenfus veftri, & excidant à fimplicitate, qua eft in Chrifto.

2. C'eft principalement une vaine & inquiéte philofophie qui infpire le dégoût de la fimplicité de la foi, en faifant naître le defir de chercher quelque chofe de nouveau, de plus clair, de plus fatisfaifant, & l'efpérance de le trouver. Elle porte avec impatience le joug qui lui eft imposé. Elle veut voir, & fortir de cette espece d'enfance, ou l'on fe contente de croire. Elle s'efforce de pénétrer les confeils de Dieu, de concilier des vérités qui paroiffent opposées, de dévoiler des myfteres qu'on lui confie fans lui en rendre raison. JESUSCHRIST Crucifié l'importune & la met à la gêne. Elle fe trouve plus en liberté en ne confultant que l'idée abftraite d'un premier Etre, qui ne peut lui en découvrir les volontés libres & les décrets, & qui lui permet de fe les figurer comme il lui plaît. Ee le fruit de fa témérité eft de perdre ce qui étoit trouvé, de rendre douteux ce qui étoit certain, d'ajouter aux falutaires obfcurités des myfteres les ténébres de l'erreur, & de rentrer après la lumiere de l'Evangile, dans tous les vains fyftêmes qui ont partagé & séduit les philofophes payens.

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