Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

ploié que
des poifons au lieu de remede.
Omnes quotquot venerunt, fures funt & la-
trones. Tous ceux qui n'ont pas annoncé
JESUS-CHRIST crucifié, tous fans diftinc-
tion, foit Juifs, foit Gentils, ont ufurpé
la place du Pasteur & du Sauveur des brebis.
Aucun n'a connu le caractere des brebis,qui
ne font ni juftes par elles-mêmes, ni inca-
pables de le devenir. Aucun n'a travaillé à
les rendre humbles', ni à les remplir d'une
utile confiance. Aucun en un mot ne leur a
parlé un langage femblable à celui de J. C.
Et auffi aucune brebis, digne de ce nom,
les a écoutés. Et non audierunt eos oves.

ne

§. II. JESUS-CHRIST crucifié découvre ce double état de grandeur & de baffeffe aux plus fimples fidéles, mais fans les enfler, & fans les décourager.

1.MAIS depuis J. C. & fur-tout depuis qu'il eft mort pour nous fur la croix, laquelle de fes plus foibles & plus fimples brebis ne fçait pas ce qui a été caché à tous les fages du fiécle Laquelle, en le voiant crucifié pour elle, peut ignorer fa propre grandeur,&fa propre baffeffe? Laquelle, fi elle eft interrogée avec clarté & avec ordre, n'eft pas en état de répondre fur l'origine de fa grandeur, & fur la caufe de fa baffeffe: fur le mélange qui s'eft fait en elle de l'une & de l'autre : fur la caufe de ce mélange : fur l'efpérance de fortir de fa baffeffe pour arriver à une grandeur qui en foit entierement exemte: fur les moyens qu'elle doit employer pour rétablir une grandeur, dont les reftes lui font précieux, & pour faire un faint ufage des reftes humilians de fa baffeffe: enfin fur la premiere

caufe

caufe de fa nobleffe & de fa dignité, & fur la caufe du rétablissement qu'elle efpére ?

[ocr errors]

2. Elle na befoin ni de grands raisonnemens, ni de profondes réfléxions, ni même d'une grande connoiffance de la religion, qui feroit au-deffus de fon état: Il lui fuffit de fçavoir, que celui qu'elle voit attaché à la croix, eft fon Dieu; qu'il s'eft fait homme pour elle, & qu'il eft mort pour elle. Car, dit-elle, pour qui a-t-il fouffert tant de chofes, & une mort fi honteuse? & pourquoi les a-t-il fouffertes Si l'homme n'étoit pas d'un prix, en un certain fens infini, conviendroit-il qu'un Dieu mourût pour lui Et fi l'homme n'étoit pas condanné à être éternellement malheureux, s'il n'étoit pas rejetté de Dieu, indigne & inca pable par lui-même de retourner à lui, feroit-il néceffaire qu'un Dicu méritât la réconciliation par tant de douleurs, & tant d'abaiffemens ?

3. Ainfi par la grandeur du remede qu'il a fallu emploier, J. C. crucifié montre à tous les hommes, & même aux plus fimples de ceux qui croient en lui, quelle est seur grandeur, & quel est l'excès de leur mifere. Car que peut-on comparer à un Dieu qui donne fa vie pour eux? Et que peut-on comparer à un mal & à une mifere, dont il n'y a que la mort cruelle & honteufe d'un Dieu qui puiffe être le remede? Ainfi Jesus crucifié abaiffe infiniment plus l'homme que la raison feule ne peut faire, mais fans le defefpérer: & il l'éleve infiniment plus que fa présomption & fon orgueil ne peuvent faire, mais fans l'enfler. Il ne lui ôte pas les biens qui lui font reftés, pour l'humilier & pour l'abattre. Il ne lui cache pas nom Partie I.

D

CHAP. V.

CHAP. V. plus la profonde mifere où il eft tombé pour lui donner une vaine confolation. II l'inftruit & le guérit par la vérité, fans rien exagerer ni dans fes biens, ni dans fes maux. Il ne lui montre pas les forces qu'il n'a plus: il ne lui ôte pas auffi une légitime efpérance. de les recouvrer. Il le tient dans un jufte milieu, entre la présomption & le défespoirs & en fe manifeftant à lui comme voie & comme vérité, comme moyen & comme terme, comme remede & comme vie, il le releve de terre en lui faifant comprendre qu'il eft tombé très-bas, & il le guérit en Tui faifant fentir jufqu'à quel excès va fa maladie,

4. Sous un tel maître, & avec un tel mcdecin, l'homme devient humble à proportion de ce qu'il efpére, & il eft rempli de confiance à proportion de ce qu'il fçait qu'il ne doit rien attendre de foi-même. Il eft un ver il eft l'opprobre de fon ancienne digaité. Il le fait, & il en convient. Mais ce ver, cet homme couvert d'opprobre, fçait bien ce qu'il a été par fa création, & ce qu'il peut devenir par le puiffant Médiateur qui

racheté. Il defcend jufques dans l'abîme où il s'eft précipité, mais plein d'efpérance d'en fortir, Il s'unit à fon Libérateur, & ofe attendre de lui un état encore plus élevé & plus heureux que celui dont il eft déchû; mais fans fe fonder ni fur fes propres forces, ni fur fon mérite; & en confidérant ce que la Sageffe éternelle lui avoit donné dans fa premiere origine, & ce que cette Sageffe incarnée lui reftitue par une création nou velle, il eft encore plus confolé par l'efpérance de fon rétablissement, qu'affligé de fes anciennes pertes.

§. III. L'homme ainfi éclairé reconnoît la noblesse de fon origine & de fa deftination, il en pleure la perte. Il comprend le prix de cette ancienne image par tout ce qu'il en a couté à JESU 6CHRIST pour la réparer. Il comprend · par la même raifon combien elle étoit défigurée.

re

1. L'HOMME étant devenu ainfi éclairé, humble, courageux, reconnoiffant, monte, également touché de repentir & de confiance, jufqu'au commencement des tems où Dieu le forma à fou image, & lui communiqua fa reffemblance. Il fe fouvient qu'il fut le terme de fes ouvrages, & qu'au lieu d'être tiré du néant, comme les autres êtres, par une feule parole, Dieu délibera comme dans un espece de confeil fur fa grandeur future, & fur l'augufte place qu'il lui deftinoit dans l'univers. Il fe fouvient que les mains mênies de Dieu figurerent l'argile dont il fut formé, & que l'efprit de vie qui lui fut communiqué, fortit de la bouche & du cœur, pour ainfi dire, de Dieu même. Il fe fouvient qu'il porta dès-lors l'empreinte & le caractere de la Divinité; qu'il devint fon expreffion & fon image, non par la plenitude, mais par la capaci té; non par fon fonds, mais par fes defirs; non qu'il fût la vérité même, ni le fouverain bien, mais parce que fon efprit ne pouvoit être borné que par une vérité infinie, & que fon cœur étoit plus grand que tous les biens limités ; non qu'il fût la liberté même, mais parce que

CHAP. V.

CHAP. V. tout, excepté Dieu, lui étoit indifférent, & que comme lui, il n'avoit befoin que de fui pour être heureux, fans qu'aucun des autres êtres lui fût néceffaire.

2. Il fe fouvient de cela, & il pleure en s'en fouvenant. Mais au milieu même de Les larmes, il admire avec quelle facilité de fi grands biens lui furent accordés, & avec quelle profufion tout lui fut donné en un moment: vie, dignité, justice immortalité, empire fur tout le monde materiel & vifible, dont l'image de Dieu qui faifoit fa gloire, le diftinguoit infiniment. Il s'étonne de ce que de fi grandes chofes font rapportées dans la Genefe d'une maniere fi abregée, & en apparence fi fimple. Il fe figure que fi la fublime dignité de l'homme avoit été plus lentement accordée, moins gratuitement, moins parfaitement dans les premiers inftans, l'homme auroit mieux connu fa véritable grandeur, le prix de ce qu'il avoit reçû, fa bonté & la magnificence de celui dont il le tenoit, & qu'étant plus reconnoiffant, il auroit été auffi plus obéissant & plus fidéle,

fes re 3. Mais tournant tout à coup gards vers JEsu s crucifié, qui eft cette Sagefle dont les mains avoient formé le premier homme, & la voiant clouée fur une croix, revétue de la reflemblance de f'homme, & de l'homme pécheur, avec tous les caracteres extérieurs de l'homme dégradé, exclus du Ciel & du Paradis terreftre, condamné à la pénitence & à la mort: & fçachant qu'elle s'eft réduite en cet état pour rétablir l'homme en celui dont il est déchu : il passe de son premier

« AnteriorContinuar »