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CHAP. V.

çue, comme vous l'avez dit vous-même à vos a Apôtres. Vous nous avez rendu par ticipans de votre divinité, quoique dans un 2. Pet. 1. 4. degré très-inférieur à vous: divina confortes natura. Vous nous avez élevés jufqu'à La qualité d'enfans b de Dieu : & quoique notre gloire foit encore fecrette & cachée, nous fçavons que lorfque vous paroîtrez, nous vous ferons femblables. Vous nous avez fait affeoir auprès de votre Pere, en prenant place à la droite de fa majefté comme notre chef & notre Pontife, felon cette grande parole de votre Apôtre: » Que Eph. 146. Dieu [ votre Pere] qui eft riche en miséricorde, pouffé par l'amour extrême dont » il nous a aimé lorfque nous étions morts: » par nos péchés, nous a rendu la vie avec » vous, & à caufe de vous, par la grace du » quel nous fommes fauvés; qu'il nous a reffufcités avec vous, & qu'il nous a fait affeoir avec vous dans le ciel : ficavit... conrefufcitavit... confedere fecit im cœleftibus uniffant ainfi toujours notre gloire avec la vôtre, auffi-bien que notre juftice.

>> convivi

3 Il y a bien loin de cette gloire à ma baffeffe. Je fuis poudre, & condanné à retourner en poudre: & néanmoins il m'eft commandé de me regarder en vous comme déja reffufcité, & comme affis dans le licu le plus éminent du ciel. Faites, Seigneur, que ces deux chofes me foient toujours pré fentes que je fois utilement & falutairement humilié de ma basseffe, & que je fois

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plein d'efpérance pour la grandeur que vous CHAP. V. m'avez acquife: que je me fouvienne dans tous les tems de la maniere indigne dont je m'étois livré au séducteur, pour un fruit, pour une efpérance vaine: & de la maniere fi généreufe & fi gratuite dont vous nous 'avez rachetés, felon ce que vous aviez dit par l'un de vos Prophétes: Gratis venundatief- Ifai. 52. 3. 1 tis, & fine argento redimemini. Mais furtout, que je n'oublie jamais que ce n'eft que pour moi que ma rédemption a été gratuite, mais qu'elle vous a couté, non de grandes fommes d'or & d'argent, mais votre propre fang, versé pour moi fur le bois où vos plaies vous tenoient fufpendu. Que j'aie toujours dans l'efprit cette parole da premier de vos Apôtres: Que ce n'a « 1. Pet, r. 18, point été par des chofes corruptibles, tel ce les que l'or ou l'argent, que nous avons été rachetés de la vanité paternelle & hé- « réditaire de notre premiere vie, mais ce par le précieux fang que vous avez répandu, vous qui êtes l'agneau fans tache & fans re défaut. Et que je porte gravé dans le fond de mon cœur cet avertiffement que me don' ne un autre Apôtre: « Que nous ne fom- " 1. Cor. 6. 20.. mes pas à nous, parce que nous avons été «< rachetés un grand prix, & que nous fom- « mes obligés de glorifier & de porter Dieu dans notre corps, & dans notre esprit, puifque l'un & l'autre font à Dieu«. Non eftis veftri empti enim eftis pretio magno.. Glorificate & portate Deum in corpore veftro, [&infpiritu veftro, qua funt Dei. ].

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* Selon le grec.

CHAP. V.

mi eux,

§. VI. Il faut exhorter les Chrétiens a con noître leur véritable grandeur, & à n'en pas dégénérer. C'est une chofe commune parde préférer les moindres biens à leur ame, quoiqu'elle fort au-deffus de l'univers entier. Quelle différence entre un homme qui court fans ceffe après les faux biens, & un homme détrempé par la Croix de JESUS CHRIST, qui ne fonge qu'à Sauver fon ame?

Votre

1. RECONNOISSEZ, ô Chrétien, nous dit un grand Pape, quelle eft votre dignité, & après avoir été afsocié à la Divinité du Fils de Dieu, ne retournez pas ancienne baffeffe, par une vie qui vous dégrade & vous deshonore. Souvenez-vous de l'augufte Chef, dont vous êtes devenu le membre. Souvenez-vous de la fainteté du corps, où fa grace vous a fait entrere 5. Leo ferm. Agnofce, ô Chriftiane, dignitatem tuam, & divina confors factus natura, noli in veterem

1. de nativit. Domini.

vilitatem degeneri converfatione redire. Memento cujus capitis, & cujus corporis fis mem

brum.

2. Mais devroit-il être néceffaire qu'on nous fit fouvenir de notre dignité, & d'une telle dignité, qui furpaffe toute intelligence? A-t-on befoin de dire à un Roi qu'il eft Roi? Et quelle comparaifon peut-on faire d'une Royauté, qui ne feroit que temporelle, avec un Royaume éternel? Ne rougit-on pas d'une naiffance baffe d'un état humiliant, d'une mifere extrême, fans qu'on prenne foin d'en infpirer de la confufion & de l'éloignement ? Quelqu'un de liɣré de la mendicité, de la captivité, d'une

par

affaire honteufe & criminelle, eft-il porté, CHAP. V. s'il n'eft retenu fes amis, à fe rengager dans le malheureux état d'où il eft forti? N'eft-ce pas une grande preuve de notre mifere, que de la fentir i peu ? N'eft-ce pas un grand témoignage de notre baffeffe, que d'être fi peu touchés de notre véritable grandeur ?

fi

3

3. Nous fommes par notre premiere deftination, & encore plus par notre création nouvelle, au-deffus de tout ce qui doit finir avec le tems; au-deffus de l'univers entier, confideré comme l'affemblage de tous les biens qui ne font ni la juftice, ni la vérité: & ce feroit pour nous une extrême folie, de perdre notre ame pour acquerir tout le monde; puifque rien ne peut entrer en comparaifon avec elle, ni tenir lieu d'échange à fon égard. Et cependant tout en-. tre en comparaifon avec elle, & souvent tout lui eft préféré. On délibere sérieusement entr'elle & les moindres biens: entre elle & une efpérance fouvent mal fondée des biens les plus legers: entr'elle & lacrainte des maux paffagers, & fouvent imaginaires. On oublie à chaque moment ce qu'elle eft, & ce qu'elle a couté. C'est être fage, que de s'en fouvenir; c'est être vertueux, que de lui donner la préference. Er l'effet du plus grand courage confifte, à être plus touchés de notre interêt perfonnel que de tout autre, en nous eftimant plus. nous-mêmes, que ni la liberté, ni la vie felon cette parole du grand Apôtre: Non A, 10, 11. facio animam meam pretiofiorem quàm me. » Je fais plus d'état de moi que de ma vie. «< 4. Mais ce courage, qui eft fi conforme àl'équité, & fi étroitement lié avec nos vé➡

CHAP. V. ritables interêts, & qui par conséquent devoit être fort commun, eft devenu trèsrare. Une ame immortelle, achetée fi cherement par fon Libérateur, deftinée à un bonheur infini, & qui eft le bonheur de Matth. 25. Dieu même, felon cette parole, intra in gaudium Domini tui; eft prefque toujours. facrifiée à un bonheur préfent, ou plûtôt au defir & à la recherche d'un tel bonheur.. Mais demandez à ceux qui le cherchent avec tant d'empreffement, s'ils fçavent ce qu'ils cherchent, & s'ils en ont une jufte idéc. Demandez-leur fi quelqu'un d'eux Ta trouvé, s'il a pû s'y fixer; s'il a pû le fixer -lui-même ; s'il n'a pas échapé à leurs mains, quand ils ont cru l'avoir faifi, s'ils n'ont pas éprouvé que c'étoit une ombre fans réalité qui les avoit séduits; s'ils n'ont pas été dégoutés fucceffivement de tous les biens dont ils avoient fait dépendre leur félicité, avant que de les avoir obtenus. Demandezleur fi cette expérience, qui les a détrompés à l'égard de tout ce qu ils ont obtenu, les a corrigés, & leur a ôté le defir de chercher quelque chofe de nouveau. Demandezleur s'ils ont enfin compris que leur cœur êtoit plus vafte & plus grand que tout ce qu'ils ont eu, & que tout ce qu'ils ont efpere: fi ce gouffre infatiable n'a pas paru auffi avide, & auffi plein de defirs, après tout ce qu'on y a jetté, que s'il étoit demeuré abfolument vuide: & fi une faim fi dévorante, à qui rien ne fuffit, ne les a pas enfin convaincus qu'elle a un autre objet, qu'ils s'efforcent inutilement de remplacer par tous les biens particuliers qu'ils entaffent, & qui ne font à l'égard du bien infi ni que le cœur a perdu, mais dont il eft un

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