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CHAP. IV.

comment efpérer qu'une loi immortelle &
divine pût mourir ? Et que fervoit-il
l'homme de mourir temporellement, paif-
que la loi qui lui furvivoit néceffairement
le condamnoit également pendant fa vie &
après fa mort, & qu'elle étoit inexorable fur
le châtiment qu'il méritoit, comme infidele
& comme adultere? C'étoit donc pour
lui un
malheur fans reffource, que de vivre fous
une loi, qu'il n'aimoit pas, qui le condam-
noit, & à laquelle il ne pouvoit fe fouftraire.

2. L'éxemple d'une femme qui devient libre après la mort de fon mari, ne pouvoit qu'augmenter notre défefpoir: car notre état étoit fans iffue. Nous ne pouvions ni le fupporter ni en fortir; il falloit obéir, ou être puni; & l'un & l'autre nous étoit infupportable. Notre cœur plein d'un amour adultere, regardoit la loi comme fon ennemie, parce qu'elle l'étoit de les injuftes défirs: il s'efforçoit de fe mettre en liberté, mais il ne faifoit par-là qu'augmenter fa fervitude. Une loi févere & jaloufe le fuivoit par tout, condamnoit fes pensées les plus fecretes,nelaiffoit aucun afile où il pût vivre loin de fes yeux & de les reproches.Elle ne pouvoit lui rien permettre d'injufte, ni rien diffimuler. Elle étoit toujours plei ne de menaces, de défenfes, de préceptes, dont l'unique effet étoit d'intimider & d'affliger. On fouhaitoit en vain qu'une loi fi pure & fi fainte fût abolie. On murmuroit en vain contre la fouveraine juftice, dont elle étoit comme le raion & l'écoulement. On s'efforçoit en vain de la regarder dans des tems comme moins réelle, ou foi-même comme devant mourir avec le corps: fa vive lumiere diffipoit auffi-tôt ces tenebres

Formées par la concupifcence & par le défi CHAP 18, de l'impunité: & la confcience que le vice joint à l'erreur ne pouvoit corrompre, ren doit témoignage en tremblant, à la loi qui la condamnoit. Que faire dans ces extrémi tés? Où aller? Ou trouver du repos ? Comment éviter une loi toujours vivante & toujours inexorable ?

3. Je repréfente un tel état d'une maniere qui paroîtra vive à quelques-uns, quoiqu'elle n'ait aucun rapport à l'excès d'une telle mifere mais il nous importe fi fort de connoître la fervitude dont J. C. nous a délivrés par fa mort; & il y a fi peu de perfonnes qui faffent de férieufes réfléxions fur l'état où nous ferions demeurés, fans le moien incompréhenfible qu'il a choisi pour nous en tirer, qu'on ne peut trop infifter fur les paroles de l'Apôtre, qui nous découvrent la fituation violente où nous étions, & la miféricorde inefpérée qui nous en a délivrés. Nous aurions pâ étre traités comme l'ont été les Juifs avant la venue de J. C. & comme l'ont été tous les peuples avant la lumiere de l'Evangile. Nous étions auffi indignes qu'eux,d'être affranchis du joug d'u ne loi qui condamnoit nos vices fans les guérir, & qui nous prefcrivoit nos devoirs, fans nous les faire aimer. Nous méritions par nos défobéiffances que fon joug devînt tous les jours plus pefant, & que nous en fuffions éternellement accablés. Notre af franchiffement a coûté à J. C. un prix infini. Nos liens n'ont été rompus, que par fa mort. Il n'eft devenu notre époux, qu'après avoir ôté à la loi l'empire qu'elle éxerçoit fur nous, fans nous changer; & il ne lui a ôté cet empire, qu'en lui ôtant la vie par

CHAP. IV. le facrifice de la fienne. Une telle grace mérite bien qu'on la connoiffe, & qu'on s'en fouvienne: & il ne faut pas fouffrir plus long-tems que notre ignorance ferve à couyrir notre ingratitude..

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§. IV. Les Gentils affervis comme les fuifs, fous le joug de la loi naturelle qu'ils ne pouvoient obferver par leurs propres forces, ont été affranchis de ce joug par la mort de JESUS-CHRIST, qui leur a valu lagrace d'accomplir avec fruit cette loi

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I AINSI, mes freres, continuë faint Paul, vous êtes vous-mêmes morts à la loi par le Corps de J. C. pour être à un autre qui eft reffufcité d'entre les » morts; afin que nous produifions des fruits ›› pour Dieu. » Avant que d'entrer dans ce que ces paroles ont de plus fecret, je dois remarquer deux chofes. La premiere, que les fidéles deRome, & par une fuite néceffaire les autres Gentils convertis à la foi, avoient vêcu fous la domination de la loi, & qu'ils lui avoient été aflujettis par une alliance qui ne pouvoit finir que par la mort de l'une des parties. Cela eft évident, puifque l'Apôtre dit d'eux qu'ils ont été affranchis de la loi, par la mort de J. C. & qu'ils feroient encore dans la fervitude s'ils n'étoient morts eux-mêmes avec J. C. Itaque vos mortificati eftis legi per corpus Chrifti, ut fitis alterius. Or il eft manifefte

que

les fideles de Rome & les autres Gentils, n'avoient jamais été fujets à la loi particuliere aux Juifs, & qu'ils n'avoient jamais été compris dans une alliance dont la circoncifion étoit l'entrée. Il eft donc auffi manifefte que la loi dont parle l'Apôtre, eft est

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la loi naturelle, commune à tous les hom- CHAP. IV. mes, fans diftin&tion de Juif ni de Gentil. La feconde chofe que j'obferve, eft que les fidéles affranchis de la loi par la mort de J. C. commencerent, par cette liberté, à l'avoir pour époux, & à devenir féconds en bonnes œuvres, dignes de plaire à Dieu, & d'en être récompenfés. Or il eft évident qu'on peut être affranchi des cérémonies Judaïques, fans avoir J. C. pour époux & fans devenir féconds en bonnes œuvres précisement èn vertu d'un tel affranchiffement: comme au contraire on peut être uni à J. C. vivre de fon efprit, & porter des fruits dignes de lui, en demeurant affujettis aux obfervances légales, comme Moife, David, Ifaïe & les autres faints Prophêtes. Donc il n'eft point queftion des obfervances légales; mais de la loi naturelle, qu'on ne peut obferver que par la grace de J. C. qui eft la racine féconde de toutes les bonnes œuvres & de toutes les véritables vertus.

2. » Vous êtes vous-mêmes morts à la loi » par le corps de J. C., pour être à un au

tre qui eft reffufcité d'entre les morts. » Il femble que faint Paul abandonne ici la comparaison qu'il a faite de la femme qui est liée par la loi à son mari tant qu'il eft vivant, mais qui devient libre à fa mort saver la loi qui domine fur l'homme pour autant de tems qu'il vit. Car afin que la comparaison fût jufte, il faudroit que l'homme furvêcût à la loi pour paffer à une autre alliance comme la femme furvit à fon mari, pour en pouvoir epoufer un autre après la mort; au lieu que c'eft l'homme qui meurt pendant que la loi fübfifte; mortificati eftis legi : c'é

FU

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СНАР. ІV.

toit ce femble la loi qui devoit mourir & non pas l'homme.

3. On pourroit peut-étre répondre que le terme dont fe fert faint Paul, peut être entendu de la loi, auffi-bien que de l'homme; Vivit. gr. parce que vivit & le terme grec qui y ré

font com

muns aux deux genres νόμος. qui fignifie lex eft mafculin

pond, peuvent convenir à la loi, qui dans le texte original, eft du même genre que l'homme. Mais il me paroît certain que dans le raifonnement de faint Paul, c'est l'homme qui meurt, & non pas la loi ; & que ce feroit lui faire violence ? que d'entendre de la loi, ce qu'il dit de l'homme. Il eft vrai que dans un autre fens, la loi meurt auffi : & ce fens fera bien-tôt expliqué. Mais il ne faut pas maintenant le confondre avec celui que nous éxaminons. Il ne s'enfuit pas de-là, que le raisonnement de l'Apôtre ne foit très jufte : car fon principal deffein eft de montrer, que l'alliance. de la loi & de l'homme,doit durer jufqu'à la mort des contractans; comme l'alliance de l'homme & de la femme, qui eft rompue par la mort. Et il importe peu que ce foit l'homme ou la loi qui meure, pourvû que la mort de l'un des deux foit réelle. Il est vrai que l'homine mort, ne peut pas être représenté par la femme qui furvit à fon mari, s'il eft fimplement mort, & qu'il ne reffufcite pas : mais l'homme mort avec J. C. reffufcite avec lui; & il furvit ainfi à fa mort. Par fa mort il eft affranchi de la loi; & par fa refurrection il appartient à un autre. Sa mort fait ceffer fa premiere allian ce, & par fà réfurrection il en contracte une nouvelle.

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