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CHAP. V. été clouées fous les pieds de J. C. afin qu'elles fuffent effacées par fon fang: c'eft par elle que nous fommes morts à une loi,dont les défenfes irritoient nos paffions au lieu de les guérir: c'eft à elle que les puiffances de l'enfer dont nous cuffions été la victime & la proie, ont été attachées comme au trophée de J. C. c'est elle enfin d'où nous viennent toutes nos bénédictions, & que nous ne devons jamais pour cette raison, nous laffer de bénir: Crux tua, dit faint Leon à J C. omnium fons benedictionum omnium eft caufa gratiarum: per quam credentibus datur virtus de infirmitate, gloria de of probrio, vita de morte. Mais ces vérirités ont été traitées ailleurs avec étenduë, & elles pourront l'être encore dans la fuite; & nous devons nous renfermer dans celles qui font particulierement enfeignées par faint Paul, dans les paroles que j'ai citées.

S. Leo Scrm.

8. u p

§. II. JESUS-CHRIST a crucifié le monde i la victoire qu'il a remportée par la croix fur la concupifcence du monde, eft entiere : fon triomphe ef complet,

1. ON y doit confidérer trois chofes. 1. Comment J. C. a crucifié le monde : 2. Comment il l'a crucifié par rapport à nous. 39. Comment il nous à crucifié par rapport au monde : car tout cela eft renferme dans ce peu de paroles; mais dont la profondeur étonne, quand on veut la fonder » Pour moi à Dieu ne plaife que je me glorifie en autre chofe, qu'en la croix de J. C. par qui le monde eft crucifié pour moi, & par qui je fuis crucifié pour le

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monde. e. Je commence par l'explication CHAP. V. du premier de ces myfteres; c'eft-à-dire, de la maniere dont J. C. a crucifié le monde ; & je pafferai enfuite à l'explication des deux

autres.

1. Jean. z

2. L'Apôtre faint Jean dans fa premiere Epître, parle ainfi du monde à tous les Chiétiens: » N'aimez point le monde, leur » dit-il, ni ce qui eft dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du 25. 17. Pere n'eft point en lui. Car tout ce qui eft » dans le monde, n'eft que concupifcence » de la chair, & concupifcence des yeux, » & orgueil de la vie : ce qui ne vient point » du Pere, mais du monde. Or le monde » paffe, & la concupifcence du monde paffe

avec lui:mais celui qui fait la volonté de » Dieu, demeure éternellement. Je n'éxamine maintenant dans ces paroles admirables, que la définition du monde par la concupifcence qui en eft comme l'ame & l'efprit; & la divifion de la concupifcence, en fes trois branches principales, dont l'amour qui régne dans le monde, eft comme le tronc & la racine & je réferve à un autre lieu la confidération des vérités importantes, que l'Apôtre nous enfeigne dans celui-ci.

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3 Par la concupifcence de la chair, tous les interprêtes conviennent qu'il faut entendre l'amour de tout ce qui flate les fens, & de toutes les voluptés interdites, ou comme criminelles par elles mêmes, ou comme fuperfluës, ou comme défirées précifément pour le plaifir. Ils conviennent auf fi que par l'orgueil de la vie, il faut entendre l'amour d'une gloire humaine qui finic avec la vie; & qui eft injufte, ou parce

CHAP. V.

qu'elle eft vaine & frivole, & fondée fur des
chofes de néant; ou parce qu'elle eft im-
pie, en ufurpant la gloire qui n'eft duë qu'à
Dieu; ou parce qu'elle eft fondée sur l'in-
gratitude, en retenant les dons de Dieu
dans l'injuftice. Mais à l'égard de la concu
pifcence des yeux, les interprêtes fe divi-
fent;
les uns l'entendant du défir de voir &
de connoître, & les autres du défir d'avoir &
d'acquerir. C'eft-à-dire, que les uns donnent
pour objet à la concupifcence des yeux tout
ce qui peut être l'objet de la curiofité; &
que les autres lui donnent pour objet, tout
ce qui peut l'être de l'avarice ou du defir
des richeffes.

;

4. Le fentiment de ces derniers me paroît plus équitable & mieux fondé. 1o. Parce qu'il faut interprêter la concupifcence des yeux, comme on interprête la concupifcence du cœur. Celle-ci ne confifte pas dans le défir d'aimer, puifqu'on le fait déja; mais dans le défir d'avoir ce qu'on aime : & il en eft ainfi de l'autre, qui ne con-fifte dans le défir de voir mais pas dans le défir d'avoir ce qu'on voit. 2o. Parce que c'est par les yeux que la concupifcence des biens fenfibles fe manifeste, & que l'avidité de l'ame eft comme peinte dans celle des yeux. 3. Parce que c'est l'usage ordinaire de l'Ecriture, d'exprimer l'amour & la paffion pour tout ce que l'on poffede, ou que l'on veut acquérir, par la concupif cence ou le défir des yeux : c'eft ainsi que Dieu reproche au peuple Juif par Ezechiel La paflion pour les Dieux étrangers: Infa Exech.23.16. nivit super eo concupi cea.is oculorum. Il en avoit vû les repréfentations peintes fur la muraille, & il vouloit en avoir les ido

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Defiderable oculorum vef

les. J'ôterai, dit encore le Seigneur par CHAP. V. >> le même Prophéte, la force de ce peuple, >> fa joie, fa dignité, les objets du défir de > fes yeux fur lefquels il fe repofe, fes fils & fes filles: Tollm ab eis fortitudinem Exech.24.25. eorum, & gaudium dignitatis, & defiderium oculorum eorum, Super quo rcquiefcunt anima eorum, filios & filias eorum. Il eft vifiDefiderabible que cette expreffion, defiderium oculo- le oculorum eft absolument la même que, concul tuorum, id. pifcentia culorum, & qu'on ne peut leur 24. 16. donner un fens différent non plus qu'à celle ci, defiderabile oculorum, qui cft emploiée deux fois par le même Prophête, ni à celle dont fe fert l'Ecclefiaftique: infatibilis oculus avidi. 40. Parce que faint Jean auroit Eccli. 14.9. omis dans la divifion de la concupifcence en Les trois efpeces, celle qui eft la plus commune & la plus connue, qui eft l'amour des richeffes & des biens extérieurs, dont l'amour de la volupté & l'orgueil de la vie, dépendent prefque néceffairement. 5o. Parce que l'objet de la curiofité, qui eft la fcience, ou légitime, mais défirée avec excès; ou défendue, parce qu'elle s'efforce d'aller au-delà des bornes qui lui font prefcrites, n'eft qu'une partie des richeffes ou des biens, que la concupifcence des yeux renferme dans fon étendue.

5. Après ces éclairciffemens, tournons les yeux vers J. C. attaché à la croix, & confidérons avec faint Paul comment il y crucifie le monde, & la concupifcence du monde avec les trois funeftes branches, qui avoient corrompu & infecté tous les hommes. Ne le regardons pas fimplement comme un homme de douleurs, raffafié d'opprobres & -réduit à une honteufe nudité; comme fouf

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trorum. Id.

24.21.

CHAP. V.

frant intérieurement & extérieurement ? tout ce qu'on peut fouffrir; comme attaché à un bois maudit de Dieu & des hommes; comme privé de toute confolation, & de tout fecours; comme un ver de terre, & l'opprobre des hommes; comme exclus de tout, & jugé indigne de tout. Un tel fpectacle eft grand: mais ce qu'il cache, l'eft encore d'avantage. Tirons le voile qui nous en dérobe la vue; & voions combien la vitoire que cet homme fi pauvre, fi méprifé, fi accablé de douleurs, remporte fur le monde & fur la concupifcence du monde, eft pleine & parfaite.

6. En quoi déformais le monde peut-il fe glorifier de retenir quelque chofe de fon vainqueur? D'où n'eft-il pas exclus ? Où eft, je ne dis pas fa volupté ou fa magnificence, mais fon orgueil A-t-il vû jamais une patience fi humble, fi muette, fi pleine de charité pour des ennemis qui lui infultoient, comme ne venant que d'impuif fance & de fo blesse ? A-t-il jamais été le témoin d'un facrifice fi pur, fi fincere, fi religieux, fi parfait ? A-t-il pû remarquer dans aucun de ceux qu'il a convertis en heros, une fi profonde paix au milieu des plus vives douleurs, une obéiffance aux volon tés de Dieu fi pleine & fi conftante, une piété fi éminente, & fi conforme à l'holocau fte extérieur dont elle eft l'ame & l'efprit ? A-t.il jamais oiii parler d'un détachement fi général de tout, excepté de la vertu, d'u ne pauvreté où l'on fût fi peu occupé de ce que l'on quitoit, d'un dépouillement accompagné de tant de modeftie & de tant de dignité Enfin où a-t-il vû dans une fi profonde humiliation, une humilité encore

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