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CHAP. II.

» condamné le péché dans la chair; afin' » que la juftice de la Loi fût accomplie en nous, qui ne marchons pas, felon là chair, so mais felon l'efprit. » J'expliquerai bien tôt ce qu'il y a d'obfcur dans ces profondes paroles: il me fuffit maintenant d'emploier ce qu'elles ont de clair, pour autorifer ce que je viens de dire de la chair de J. C. femblable à celle des pécheurs, qui devoit les repréfenter par cette reflemblance, & qui devoit les perfuader qu'elle étoit offerte pour eux.

4. Car fi elle avoit paru auffi pure & auffi innocente qu'elle l'étoit aux yeux de Dieu, elle auroit dû être impaffible & immortelle: ou, fi elle avoit été facrifiée, elle n'auroit paru l'être que pour les juftes. Elle auroit êté la confiance aux pécheurs, dont elle auroit été abfolument différente; elle n'auroit point été choisie comme une victime, dans le troupeau qu'elle devoit fantifier. Elle nous auroit été étrangere, incapable de repréfenter notre état, notre condamnation, notre mifere; & elle eût été plus propre à nous faire fentir notre éloignement de Dieu, qu'à raprocher de nous notre Médiateur.

5. Il falloit que le véritable Jacob fe couvrit de la reffemblance d'Efati; qu'il ca chât fes mains pures fous des peaux étrangeres; qu'il prit notre nom, en conservant fa voix; qu'il fût béni de fon Pere en con

celle des pécheurs, que nels. De peccato, doit
Dieu a condamné & abo- s'entendre de JESUS-
ti le péché réel qui étoit CHRIST, damnavit pec-
dans la chair des pé-carum in carne, doit s'en
cheurs, c'est-à-dire tendre des hommes.
dans les hommes char-

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feffant qu'il étoit Efati; & qu'ainfi fa bé- CHAP. II.] nédiction, dont il n'avoit pas besoin pour lui-même, tombât directement fur celui qu'il repréfentoit. Voilà ce qui nous raflure; & qui nous donne la confiance de nous unir à Jacob, puifqu'il ne rougit point de paffer pour Efaii: Il n'a pu prendre de nous qu'une furface, qu'une peau, qu'une ref femblance extérieure, & étrangere par rapport au péché : mais il nous a réellement communiqué fes bénédictions & fon droit à l'héritage éternel; & après avoir porté quelque tems une chair femblable à la nôtre, afin qu'il pût fouffrir & mourir pour nous, il nous a laiffé le mérite de fes fouffrances & de fa mort, & il a comblé notre chair d'honneur & de gloire en la ti rant du tombeau.

6. Mais avant que le Pere déchirât le cilice dont il avoit revêtu fon Fils, en lui donnant une chair glorieufe & immortelle, felon cette parole du Prophète : Confcidifti Pf. 29. 12 Гасс т тент, & circumdedifti me latitia : il étoit néceffaire que ce calice cichât l'Agneau de Dieu fous la reffemblance du bouc émiffaire; & qu'en portant toutes nos iniquités & tous nos anathêmes, il parût luimême en être digne, puifqu'il étoit revêtu d'une chair qui n'étoit devenue fujette à la mort, & aux miferes qui précédent la mort, qu'aprés la malédiction dont Dieu l'avoit frapée. Il étoit l'hoftie destinée à effacer le péché: mais il falloit pour l'effacer & pour l'abolir, qu'il fût regardé par les hommes comme pécheur, & traité par fon Pere même comme s'il l'eût été. C'est ainfi que Dieu par le péché, c'eft-à-dire, par l'oblation de la chair de fon Fils femblable à

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celle des pécheurs, a condamné le péché réel, qui avoit corrompu les hommes, & qui avoit rendu leur chair criminelle; & qu'en le condamnant, il l'a aboli, afin que la juftice de la loi fût accomplie en nous : c'est-à-dire, afin que le péché étant détruit, & la cupidité étant vaincue, nous obfervaffions par un amour pur & fincere ce qui eft commandé par la loi ; » parce qu'après la mort de J. C. nous ne marchons plus » felon la chair qui eft ennemie de la loi, mais felon l'efprit qui en fait aimer tous les commandemens.

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7. Ces vérités font enfeignées en termes encore plus forts & plus énergiques dans la feconde Epître aux Corinthiens. » Nous » vous conjurons, leur dit l'Apôtre, au » nom de J. C. de vous reconcilier avec Dieu puifque pour l'amour de nous il a traité celui qui ne connoiffoit point le » péché, comme le péché même, afin qu'en lui nous devinffions la juftice de Dieu: Eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit: ut nos efficeremur juftitia Dei in ipfo. Remarquez, s'il vous plaît, ces deux chofes, qui paroiffent infiniment oppofées, & qui font néanmoins réunies en J. C. ne point connoître le péché, c'est-à-dire, en être non feulement éxemt, mais incapable, & être traité, non par les hommes, mais par fon Pere comme le péché même ;, c'eft-àdire, comme réuniffant en lui tous les pécheurs, & comme repréfentant dans fa chair tous les crimes commis depuis que dans Adam elle étoit devenue criminelle.

8. On pourroit donner un fens plus doux à ces paroles: Eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit: en les inter

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pretant aink: Dieu a rendu victime pour CC CHAP. II; le péché, celui qui ne connoiffoit point ce le péché:n & cette interprétation, qui certamement n'a rien que de vrai, pourroit être fondée fur le langage des Ecritu res, qui donne fouvent le nom de péché aux victimes offertes pour le péché, & qui difent des Prêtres en ce fens, qu'ils mangent les péchés du peuple, parce qu'ils fe nourriffent des hofties que le peuple offre à Dieu pour l'expiation de fes péchés. Mais il eft vifible que cette interprétation ne remplit point le fens de faint Paul, qui met un rapport néceffaire entre le traitement fait à J. C. par fon Pere, comme s'il avoit été le péché même; & le traitement que nous recevons de fon Pere, comme fi nous étions devenus fa juftice à caufe de fon Fils, eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit, ut nos efficeremur juftitia Dei in ipfo. Il est évident que J. C. felon l'Apôtre, a pris notre place, non feulement comme une victime offerte par nous, ou pour nous : mais comme chargé de nos iniquités: & qu'il nous a cédé la fienne, comme fi nous étions devenus juftes comme lui, & qu'il fût devenu pécheur comme nous.

9. Rien n'eft plus étonnant qu'une telle charité. Mais pour la couvrir, & pour rendre plus vraisemblable un échange aufli incomprehenfible que celui de nos péchés, dont J. C. fe charge, & de la juftice divine que J. C. nous mérite, il prend tout l'appareil extérieur du péché, en naissant paffible & mortel; en y ajoutant la pauvreté, & le travail; & ce qui eft bien plus étonnant, en y joignant la circoncifion, le facrifice offert pour purifier fa mere, l'argent

CHAP. II.

preferit pour racheter la vie, comme s’H eût été lui-même du nombre de ceux qui devoient attendre un libérateur. Et enfin le Batême de faint Jean qui étoit un Batême de pénitence, & qui paroiffoit convaincre de péché ceux qui le recevoient.

10. Mais tout ce dehors, fi propre à cacher l'amour du Pere qui immoloit fon Fils pour nous, comme s'il eût été le péché même, afin de nous épargner, comme fi nous avions été le jufte même & la justice de Dicu tout ce dehors, dis-je, n'étoit qu'un voile, qui n'empêchoit pas que J.C. ne fût la fainteté même, & qu'il ne fût aux yeux de fon Pere l'auteur & le confommareur de la justice. Car la circoncifion & le Batême de faint Jean n'étant que des fignes & ne connant pas la juftice, ils pouvoient être communs aux juftes & aux injuftes. Ils fignifioient feulement que quiconque les recevoit, s'engageoit à la pénitence, ou pour fes péchés, ou pour ceux des autres. Et ils pouvoient convenir à l'Agneau qui ôte les péchés du monde, fans qu'il fût pour cela moins pur & moins faint, quoiqu'il le parût moins aux yeux des hommes. Il étoit le remede efficace contre le venin du ferpent, quoiqu'il en cût la reffemblance & la figure. Il étoit la réfurrection & la vie, quoiqu'il parût conforme au premier Adam, qui avoit tué fa poftérité. Il étoit l'homme nouveau, quoiqu'il fût attaché à la croix, comme héritier de la condamnation du vieil homme.

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