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fed & in finu vivimus. Ainfi l'Apologifte de CHAP. VIN
la Religion Chrétienne ratifie ce qu'on lui
avoit objecté. Il y ajoute même, en difant
que Dieu eft dans nous, que nous vivons
avec lui, que nous vivons dans fon fein ; &
que ce qu'il y a de plus fecret dans nos pen--
sées, lui eft parfaitement connu. Il met la
gloire & le bonheur des Chrétiens, dans
ce que
l'infidele regardoit comme une fer--
vitude & une gêne; & en cela il ne parle
pas en fon nom, mais au nom de tous les
Chrétiens, dont il défend la Religion ; &
il eft humiliant pour ceux qui penfent au--
trement, de n'avoir pour eux que l'Apolo--
gifte du Paganisme.

4. Ce qui les trompe, eft de confidérer comme une gêne, ce qui eft une fuite naturelle de la charité. Ce feroit lui faire violence, que de lui interdire le fouvenir de ce qu'elle aime, ou que de ne le lui permettre, que pour des tems & des momens ré glés. L'amour eft la vie du cœur, & l'on ne peut pas commander au cœur de ne vivre que par intervalles. C'eft le mouvement qui» le confole, & il ne craint que le repos. Il n'a pas befoin qu'on l'avertiffe d'aimer, ni qu'on emploie l'artifice ou la méthode pour le porter à penfer à fon objet; mais c'eft de lui au contraire, que viennent les pensées qui occupent l'efprit; c'est lui qui en eft la fource; & c'est lui qui tourne toute l'attention de l'ame vers l'unique chofe qu'il défire comme fon bien & fon bonheur.. left vrai, que lorfque la charité n'eft pas dans le cœur, ou qu'elle y eft très-foible & très-combattue, l'amour injufte qui do-mine alors, regarde comme une fervitude & comme un pénible devoir, de penser à ce

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CHAP. VIII. qu'il n'aime pas, & à ce qui condamne' tour ce qu'il aime. Mais un Chrétien en cet état, ne left que par la foi, ou par un commencement d'amour trop foible pour le changer; & il n'eft pas étonnant qu'il foit contraint & gené par ce qui confoleles autres.

5. Quand l'amour de Dieu aura prévalu dans fon cœur ; non-feulement il penfera fouvent à lui & avec joie, mais il défirera avec ardeur , que toutes fes pensées lui foient connues, que tous les gémiffemens attirent fon atttention, que toutes les actions fe faffent en fa préfence. Il fe regarderoit comme très-malheureux, fi Dieu étoit diftrait par rapport à fes prieres & à fes dé firs, ou s'il y étoit indifférent, ou s'il vou loit même le difpenfer de la douce confola tion de foûpirer devant lui. Il croiroit perdre le fruit de tout ce qui lui feroit inconnu, & il le perdroit en effet ; & fon interêt le plus preffant, eft que le fond de fon cœur, & tous les mouvemens qui l'agitent foient vûs, approuvés & recompensés, par celui qui peut feul le rendre jufte & heureux.

6. On ne fçait donc ce qu'on dit, quand on éxagere comme une fervitude infurpor table, l'obligation de rapporter à Dieu tout ce qu'on fait. Non-feulement rien n'est plus doux à la charité que cette obligation; mais rien ne lui feroit plus dur, que de faire autrement. Que lui offriroit-on en effet, pour la dédommager d'une fi fenfible perte? Que mettroit elle à la place de Dieu ? Qui la confoleroit, ou de l'avoir oublié, ou d'en être oubliée ? Quel feroit le terme, ou quelle pourroit être la récompenfe de toutes les actions dont il ne feroit pas la fin, qui périroient en chemin, qui fe per

droient dans un égout, qui ne remonte- CHAP. VI. Foient pas jufqu'à celui qui en eft le principe? Eft-ce refpirer que de ceffer de vivre? Peut-on appeller rafraichiffement, repos, liberté, ce qui nous détache de Dieu, & nous replonge dans nous- mêmes? Eft-ce dans nous que réfide le bien ? eft-ce de nous que nous devons l'attendre ? Qui a jamais défalterer fa foif en s'éloignant d'une fource d'eau-vive? Par quel prodige croiroit-on devenir plus libre & plus heureux, en fe refufant par intervalles à celui qui eft la liberté & la félicité même, & qui nous rend indépendans de tout le refte, quand il lui plaît de nous attacher à lui feul ?

7. Je comprens fans peine qu'on peut s'affliger de ce qu'on aime peu, & de ce que la foibleffe de la charité rend les devoirs du Chriftianifme moins faciles & moins confolans. Mais alors, ce n'eft que de fa propre injuftice que l'on fe plaint. On voudroit que la charité fût plus domi nante & plus vive, bien loin de penser à l'affoiblir. On défireroit que tout ce qu'elle ordonne, fût éxécuté auffi fidélement & auffi parfaitement qu'elle l'ordonne;bien loin de s'en trouver trop chargé, ou d'en murmurer.Et c'eft en effet tout ce que nous demandons à Dieu dans nos prieres, qui ont toujours pour objet, l'infufion & l'accroif fement de la charité, & fa victoire fur la cupidité. C'eft celle-ci qui ne peut fouffrir le joug de fon ennemi. C'eft elle qui murmure contre la juftice chrétienne, à la quelle elle ne peut être volontairement affujettie; & c'eft d'elle qu'on a fait l'Apologie dans les objections aufquelles je sépons,

CHAP. VIII.

8. Ne fuffit il pas, dit-on, d'agir par rai fon, fans être obligé de remonter toujours à un motif qui lui foit fupérieur, & dont la foi foit le principe Mais je répons que fi cela fuffit quelquefois, on en doit néceffairement conclure qu'il peut fuffire toujours. Car Dieu eft le même dans tous les tems. Son droit fur nous & fur nos actions, eft invariablement le même. S'il ne demande de nous en beaucoup d'occafions, que d'agir raifonnablement & fans rapport à la foi, la foi n'eft que de bienséance, & non de néceffité, puifqu'on peut fans elle plaire à Dieu, & qu'on peut même lui plaire fans penfer à lui, pourvû que ce qu'on fait ne foit pas criminel. On repliqueroit en vain, que la Religion a des devoirs & des éxerci-ces qui lui font propres, & dont on ne peut s'aquitter dignement que par la foi. Car on ne prouve point par-là, que la Religion & les exercices, qui ont avec elle une étroite liaison, foient indifpenfablement néceffaires; puifque l'on peut plaire à Dieu par le fimple ufage de la raifon, fans aucun rap-port à la foi, qui est la base de la Religion révélée.

9. Mais entend-on bien ce qu'on dit, quand on affure qu'il fuffit d'agir par raifon en beaucoup de rencontres, fans être obligé de rapporter à Dieu ce qu'on fait ? Y-a-t-il un devoir plus conforme à la rai-fon, que celui de rapporter à Dieu comme à la derniere fin, toutes les chofes dont il eft le principe Qu'avons nous que nous n'aions reçû de lui, & dont nous ne lui devions des actions de graces ? L'ignorance d'une telle vérité, feroit-elle excufable? Et fi l'on en eft perfuadé, l'ingratitu

de qui retient une telle vérité dans l'injufti- CHAP. VIII. ce, n'eft-elle pas criminelle? La raifon, quand elle n'auroit que les lumieres naturelles, permet-elle à l'homme de s'attribuer le bien qu'il fait; d'oublier celui qui le lui fait connoître, & qui le lui fait aimer; de s'arrêter dans lui-même, ou dans aucune créature dont il n'a que l'ufage? Et fi la raison eft aidée de la révélation, & éclairée par une lumiere furnaturelle; combien reprochet-elle à ceux qui oublient Dieu, non par fimple fragilité, mais par principe, leur irréligion & leur folie?

10. On demande s'il eft poffible à la foibleffe humaine d'agir toujours par des vûës fi fublimes, & même fi divines, qu'on puiffe dire avec vérité qu'on agit d'une maniere digne de Dieu ? Mais cette queftion regarde plutôt faint Paul que fes Difciples: car ils ne font que répeter ce qu'il a dit plus d'une fois; que nous étions obligés de vivre d'u ne maniere digne de Dieu & de l'Evangile de J. C. C'est donc à l'Apôtre à répondre & il le fait, en n'attribuant pas à la foiblef fe humaine une fi haute perfection, mais à l'Esprit de Dieu, qui nous applique & qui nous pouffe vers le bien; à l'efprit de grace & d'adoption, qui habite dans les enfans. de Dieu; à l'Efprit de J.C. qui prie en nous par des gémiffemens ineffables, qui aide notre foibleffe, & qui nous rend capables d'agir d'une maniere digne de lui. Ce n'eft pas Rom. 8..1. 63. que nous foions entierement dépouillés de notre infirmité pendant cette vie: car le mê- Gal. 5. 17. me Apôtre enfeigne, que la chair a des » défirs contraires à ceux de l'efprit, comme l'efprit en a de contraires à ceux de la chair; que ces deux principes font oppo.

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