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avoient d'hommes en état de porter les armes. Les Romains de leur côté mirent en campagne toutes leurs troupes, celles des Etruriens, & gé néralement toutes les forces de leurs fujets & de leurs alliez. Le Général des Sabins divifa fon armée en deux corps qu'il pofta dans deux differens camps. Tarquin partagea la fienne en trois: le Roi en perfonne commandoit les Romains; Aruns fon neveu conduifoit les Etruriens; & Servius Tullius fon gendre, homme courageux & d'une prudence confommée, étoit à la tête des Latins & des autres alliez. Tous les prépa ratifs étant faits de part & d'autre, on en vint aux mains. L'action commença du matin, & dura un jour entier. Mais à la fin les Romains remporterent la victoire, & ayant fait un grand carnage, ils prirent plusieurs prifonniers, & se faifirent des deux camps. Maîtres de la campagne ils ruinerent tout le païs par le fer & par le feu,

& fur la fin de l'été ils revinrent à Rome avec de grandes richesses.

Tarquin reçut alors pour la troifiéme fois les honneurs du triomphe. Au printems fuivant il leva une nouvelle armée, & fe mit en campa gne. Son deffein étoit d'affiéger quelques villes des Sabins, mais ils le prévinrent par une prompte foumiflion. Leur courage étoit tellement abbatu par leurs pertes précedentes, qu'ils ne pouvoient attendre d'une plus longue guerre que leur ruine entiere & une honteufe fervitude. Dans une

fi facheufe fituation il ne leur reftoit point d'autre parti que d'avoir recours à la clemence du vainqueur qui leur étoit connue, ils le firent, & ils obtinrent ce qu'ils demandoient. Ils envoyerent les principaux de chaque ville à Tarquin pour fe rendre à lui & pour le prier de leur accorder la paix à des conditions raifonnables. Le Roi ravi de pouvoir réduire cette nation fans aucun danger, reçut favorablement l'ambassade; il leur accorda la paix aux mêmes conditions. qu'il l'avoit accordée auparavant aux Etruriens; & pour cimenter la nouvelle alliance, il leur renvoya tous leurs prifonniers fans rançon.

Toutes les guerres étant terminées, Tarquin reprit les travaux qu'il avoit interrompus. Il y exerça les Romains avec autant de peines & de fatigues qu'il les avoit exercez dans les travaux militaires, & le peuple ne fut pas plus en repos dans la paix qu'il l'avoit été dans la guerre. D'abord il fit achever les murs & les fortifications de Rome. Enfuite il commença les immenfes travaux de ces égouts par où les eaux & les immondices de la ville s'écoulent dans le fleuve; ouvrage qui dans le tems même de la plus grande fplendeur de Rome, a toûjours été regardé comme une des plus éclatantes preuves de fa magnificence. Ne croiroit-on pas, comme remarque judicieufement l'Hiftorien Romain, que ce Prince prévoyoit dès lors que Rome devoit être un jour la maîtreffe du monde, & que ce fut

dans cette vûe qu'il l'orna d'ouvrages fi fuperbes? On creusa de vaftes montagnes d'un bout à l'autre, & on détourna des rivieres de leurs lits pour faire ces magnifiques égouts, qui étoient fi larges qu'on pouvoit y aller prefque par tout en batteau comme fur un grand feuve. Une quantité prodigieuse de décombres & d'immondices, les maifons qui étoient tombées, les incendies, les tremblemens de terre, ruinerent confidérablement ces égouts dans l'efpace de sept cens ans; ils étoient bouchez en plufieurs endroits, & les eaux ne pouvoient plus s'écouler. Agrippa étant Edile, on les fit nettoyer & reparer; on y fit même entrer fept nouvelles rivieres dont on détourna le cours; & la dépense de cet ouvrage seul monta à mille talens. De-là on peut juger qu'il en couta prodigieufement pour les faire d'abord, & que ce fut un travail immenfe. Nous voyons dans plufieurs Auteurs que ceux qu'on y employoit, étoient tellement faifis d'horreur en confidérant la difficulté de l'entreprise & les dangers qui en étoient inféparables, qu'il y en eut un grand nombre qui fe tuerent eux-mêmes, & qu'on ne trouva point d'autre moyen pour arrêter une fi pernicieufe manie que de crucifier les corps de ceux qui s'étoient défaits, afin qu'ils ferviffent d'exemple aux autres. On suppose que cela arriva fous le regne de Tarquin le jeune, qui continua les travaux que fon ayeul avoit laiffé imparfaits, & qui eft noté d'infamie dans l'Hif

toire comme un Tyran qui fe faifoit un plaifir de fatiguer & de confumer le peuple par les travaux les plus ferviles.

Vers le même tems, Tarquin entreprit un ouvrage d'une autre nature. Ĉe fut de bâtir un Temple à Jupiter, à Junon & à Minerve, comme il s'y étoit obligé par un vœu dans la derniere bataille contre les Sabins. L'entreprise étoit digne d'un Prince fi religieux. Comme il n'avoit point encore défigné de place pour l'édifice, il affembla les Augures & leur demanda leur avis. Ceux-ci confulterent les regles de leur art, & lui dirent qu'ils ne voyoient point d'endroit qui pût être & plus agréable aux Dieux & plus propre pour un Temple que le mont Tarpeïen qui commandoit fur la place publique. Mais il y avoit deux difficultez qui paroiffoient invincibles. La colline étoit roide, efcarpée, & prefqu'inacceffible. D'ailleurs il y avoit déja plufieurs autels & plufieurs petites chapelles confacrées aux Dieux; il auroit fallu les ôter pour faire place au nouvel édifice, & s'exposer à commettre un facrilege. Cette derniere difficulté n'étoit pas la plus grande; les Augures la leverent facilement. Ils refolurent de confulter les Dieux l'un après l'autre, & de ne point transporter leurs autels qu'ils ne donnaffent des marques vifibles de leur confentement. Tous les autres Dieux ou Genies leur permirent d'ôter leurs autels & de les mettre ailleurs. Il n'y eut que le Dieu Terme & la Jeuneffe Tome IX.

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qui furent fourds à leurs prieres, & qui ne vou lurent jamais ceder leurs places, quelques in-. ftances qu'on leur fît. On fut donc obligé d'enfermer leurs autels dans l'enceinte du Temple; l'un dans le vestibule de Minerve, l'autre dans le Temple même, proche le Sanctuaire. Les Augures conjecturerent de là que jamais les bornes de Rome ne changeroient, & que cette ville feroit toûjours floriflante; prédictions qui se sont verifiées pendant une longue fuite de fiecles. L'autre difficulté étoit beaucoup plus importante. Le Roi cependant en vint à bout. On pra-. tiqua par des travaux immenfes un chemin plus: facile pour monter au haut de la colline; & en rempliffant les creux & applaniffant les éminences, on fit fur le mont Tarpeïen dont le fommet étoit inégal & efcarpé, une grande place affez unie pour y bâtir un vafte & magnifique Temple. Mais il n'eut pas le bonheur de jetter les fondemens de l'édifice; car il ne vêcut que quatre ans après avoir terminé la guerre des Sabins, & tout ce tems-là fut employé à faire la place & les autres préparatifs.,

De tous les Augures que Tarquin confulta fur cette pieufe entreprise, le principal & le plus cé lébre étoit Attius Nevius, ce fut lui qui défigna, la place où l'on devoit bâtir le Temple,& qui pré-, dit à cette occafion la durée de l'Empire Romain, Nevius étoit né en Etrurie, d'un homme de la campagne, qui gagnoit fa vie à laz

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