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arbres eurent été coupez. Trois ans après, fous Odyß. Liv le confulat d'Atilius Regulus, ils en bâtirent encore une de 200. vaiffeaux en trois mois. Homere ne s'éloigne donc pas de la vraisemblance, quand il écrit qu'Ulyffe abattit vingt arbres, les tailla, & les dreffa, & en bâtit fa nacelle, qu'il y fit un bon mât, & des antennes la munit d'un bon gouvernail, & que tout l'ouvrage fut fait en quatre jours. Enfin les Carthaginois réduits à l'extrémité, par la perte grande bataille navale contre le Conful Lutatius, furent obligez de demander la paix, & de la recevoir aux conditions qu'il plût aux Romains de leur impofer,

d'une

De tous les Generaux Carthaginois qui avoient fervi à cette guerre, celui qui avoit fait le plus de peine aux Romains, étoit Amilcar Barca pere d'Annibal; c'étoit un homme d'une prudence confommée, & d'une valeur fi heroïque, qu'on l'appelloit un autre Mars. Polybe lui donne ce grand éloge, que les foldats Romains l'emportoient pour la valeur fur les foldats Carthaginois, mais que pour les Capitaines, Amilcar étoit fuperieur à tous ceux de fon temps, & en valeur & en prudence. Il en donna de nouvel les marques dans la guerre qu'il eut à foûtenir en Afrique contre les Afriquains, que les foldats étrangers avoient fait foulever. Il remporta plufieurs grandes victoires, & finit glorieufement cette guerre,

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Il paffa enfuite en Espagne avec une armée pour y établir la domination des Carthaginois ; mais il ne bornoit pas là fes vûës; il cherchoit à tirer de là des fecours & des forces pour renouveller la guerre contre les Romains; car il avoit toûjours fur le cœur, cette paix onereuse & honteuse que ses citoïens avoient eû la baffeffe d'accepter. Avant que de s'embarquer, il fit un facrifice, & le facrifice fini, il fit retirer tout le monde & prenant par la main son fils Annibal qui n'avoit que neuf ans il lui demanda s'il vouloit venir avec lui en Espagne. Le jeune enfant ravi, lui répondit, non feulement qu'il le vouloit, mais qu'il le conjuroit de l'emmener avec lui. Sur cela Amilcar l'approcha de l'autel, le fit jurer que toute la vie il feroit l'implacable ennemi des Romains, & l'emmene felon le rapport de Polybe. Tite-Live paroît avoir fuivi de faux memoires, quand il a écrit qu'Annibal ne passa en Efpagne que treize ans après, & âgé de vingtdeux ans. Polybe eft plus croïable & d'autant plus que fon témoignage eft confirmé par Annibal lui-même, qui dit long-temps après, qu'il étoit forti de Carthage à neuf ans, & avant que de pouvoir être inftruit des loix & des usages de la patrie. Amilcar passa ainfi en Espagne où il fit la guerre pendant près de neuf ans, foûmit aux Carthaginois plufieurs peuples, & mourut glorieusement dans une bataille contre le Roy Oriffon

Après la mort, les Carthaginois donnerent le commandement de l'armée à fon gendre Afdrubal, qui commandoit la Flotte. Il gouverna pendant huit ans avec beaucoup de fageffe & de prudence, fit beaucoup de grandes choses, moins par la force que par l'infinuation, & par les liaisons qu'il avoit contractées. Il rendit furtout un très-grand service à son païs, en bâtiffant Carthage la neuve, qui augmenta confiderablement la puissance des Carthaginois, & qui leur fervit de boulevart pour la défense de l'Èfpagne & de l'Afrique.

Les Romains voïoient avec un œil d'envie

les grands progrès que les Carthaginois faifoient en Espagne; mais la guerre des Gaulois dont ils étoient menacez, les empêcha de s'y oppofer & de leur déclarer la guerre. Ils envoyerent feulement des Ambassadeurs à Afdrubal pour conclure avec lui un nouveau traité, qui ne feroit que comme une explication de celui qu'ils avoient déja fait avec Lutatius. Il fut dit dans ce traité que les Carthaginois ne pafferoient pas l'Ebre, & qu'on laifferoit libres les Sagontins.

Voici le temps où Tite-Live a placé le voïage d'Annibal en Espagne. Il rapporte qu'Afdrubal qui ignoroit le ferment qu'Amilcar avoit éxigé de fon fils encore enfant, & qui vouloit lui inspirer la même haine que fon pere avoit eue pour les Romains, & qu'il confervoit luimême, écrivit à Carthage pour demander qu'on

lui envoïât Annibal, qui n'avoit pas encore vingt-deux ans, afin qu'il apprît le métier de la guerre, & qu'il fe rendît capable de lui succeder,

Dès que ces Lettres furent arrivées à Carthage, on les porta au Senat. Hannon s'opposa de toute fa force à cette demande par des raisons de morale & de politique. Il dit que le commerce d'Afdrubal feroit auffi dangereux pour ce jeune Prince, que celui d'Amilcar l'avoit été pour Afdrubal qu'il avoit corrompu; qu'ils ne devoient nullement permettre que leurs jeunes gens, fous prétexte d'apprendre le métier de la guerre, allaffent s'expofer à la brutalité de leurs Generaux. Craignons-nous, ajoûta-t'il, qu'Annibal ne voye trop tard cette puissance immenfe, & cette espece de Roïauté qu'Amilcar a laiffée, & que nous ne foyons pas affez-tôt soûmiş au fils de celui qui a donné à fon gendre nos armées comme un heritage paternel? Pour moi je fuis d'avis que nous gardions ici Annibal, & que nous lui apprenions à vivre dans l'égalité avec fes citoyens, & à obéïr à nos Loix & à nos Magiftrats, de peur que cette étincelle ne cause un jour un furieux embrasement.

Les plus gens de bien étoient de fon avis; mais le plus grand nombre fut contre Hannon, Annibal fut envoïé en Espagne. Dès qu'il y fut arrivé, il attira fur lui les yeux de toute l'armée. Tous les vieux foldats croïoient voir Amilcar même qui leur étoit rendu. Ils remarquoient le

même feu dans fes yeux, & les mêmes traits fur fon vifage. Bien-tôt la confideration de fon pere n'eût plus de part à la faveur qu'on lui porta. Jamais on n'a vû un efprit plus propre à deux chofes auffi differentes que l'obéiflance & le commandement; auffi ne pouvoit-on remarquer qui il étoit plus cher à fon General, ou à toute l'armée. Quand il y avoit quelque grande action à faire, Asdrubal ne la confioit qu'à lui, & il n'y voit point d'Officiers avec lequel les foldats fuffent plus affûrez & ofaffent d'avantage. Sa prudence & fon fang froid égaloient fon intrepidité & fon audace au milieu des plus grands périls, & il n'y avoit point de travaux au-dessus de fes forces & de fon courage. Il étoit également fait à fupporter le froid & le chaud Dans fon boire & dans fon manger, il fe bornoit au feul befoin de la nature, & ne donnoit rien à la volupté ; ni le jour ni la nuit, il n'avoit aucun temps reglé pour ses veilles & pour fon sommeil. Il ne donnoit au repos que le temps que lui laiffoient les affaires dont il étoit chargé, & il ne cherchoit ni un bon lit ni le filence. On l'a fouvent vû coucher à terre, couvert de fa feule • cotte d'armes au milieu des Gardes & du bruit du camp, toûjours auffi fimplement vêtu que le moindre de fes camarades; il ne fe diftinguoit que par la magnificence de ses armes & de fes chevaux. Il alloit toujours le premier au combat, & fe retiroit le dernier. Ses grandes vertuss

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