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Thmuïs, d'une famille trés-noble, & des pre-
miers de la ville; & avoit été élevé avec grand
foin: enforte qu'il parloit fort bien grec, & n'a-
voit point befoin d'interprete comme les autres,
qui ne fçavoient que l'egyptien. Il demanda d'a-
bord à Caffien & à Germain s'ils étoient freres; &
comme ils eurent répondu qu'ils ne l'étoient que
fpirituellement, il les entretint de l'amitié, mon-
trant que la veritable eft celle qui eft fondée fur la coll. xv11.
vertu. Enfuite il les mit dans une cellule feparée, c. 2.
pour y paffer la nuit: mais ils ne pûrent dormir,
tant ils étoient agités par le zele que fon difcours
avoit excité dans leurs cœurs.

C.

c. 3.

Ils fortirent donc de la cellule, & s'affirent en. viron à cent pas, dans un lieu plus écarté. Alors Germain dit en gemiffant: Que ferons-nous ? Ces faints nous montrent par leurs exemples, quel est le chemin de la perfection, & nous y pourroient conduire, fans la promelle que nous avons faite de retourner promptement à nôtre monaftere; & fi nous y retournons une fois, on ne nous permettra plus de revenir ici. Ils demeurerent quelque tems à s'affliger tous deux de cette penfée, fe reprochant leur mauvaise honte, qui leur avoit fait faire cette promefle pour obtenin leur congé. Enfin, Caffien dit: Confultons ce vieillard, & prenons ce qu'il nous dira pour un oracle divin. Ils attendirent l'heure des prieres no&urnes ; & quand elles furent finies, ils s'affirent à l'ordinaire fur les nattes où ils avoient couché ; & Jofeph les voïant triftes, leur en demanda le . 4. fujet. Germain le lui expliqua,& Jofeph leur dit: Etes-vous perfuadés de tirer un plus grand profit c. 7. pour les chofes fpirituelles en ce pais-ci? Nous croions,dit Germain,qu'il n'y a point de comparaifon. Alors Jofeph leur fit un entretien fur l'en, c. 8. 9. &c. gagement des promeffes, leur montrant qu'il eft quelquefois meilleur de ne les pas accomplir. Il y approuve même le men fonge officieux,&prétend

A S

l'alle

c. 5.

C. 6.

C. 33.

IV.

Pynufe.

Coll. 20 c.1.

XV.

24. 58.

l'autorifer par des exemples de l'écriture: fuivant l'erreur de quelque orientaux. Les deux amis perfuadés par le difcours de Jofeph, refolurent de demeurer en Egypte, & y pafferent fept ans: pendant lefquels ils écrivoient fouvent à leurs freres .. Dans le voisinage de Panephyfe,ils virent l'ab-. bé Pynufe, qui leur étoit déja connu, pour avoir éte dans leur monaftere de Palestine. Il étoit prê tre & fuperieur d'un grand monaftere, & honoInftit.c.30. ré par toute la province pour fes vertus & fes miracles. Ne pouvant à fon gré exercer l'humilité ;. Sup. liv. il prit un habit feculier, & s'en alla dans la Thebaide au monaftere de Tabenne, fondé par faint Pacome. Il fçavoit que la regularité y étoit grande; & efperoit s'y cacher dans la multitude des. moines, joint la diftance des lieux. On le laifla long-tems à la porte à poftuler,& fe jetter aux genoux des freres.Ils le regardoient comme un vieil. lard qui quittoit le monde,quand il n'en pouvoit jouir, & qui cherchoit à s'aflurer du pain, plûtôt qu'à procurer fon falut. Enfin, aprés plufieurs refus,on l'admit, & on le fit travailler au jardin fous. un jeune frere. Il lui obéïffoit avec extrême foumiffion: fechargeoit de tous les travaux les plus bas & les plus degoûtans, & fe relevoit même la nuit pour les faire fecrettement. Aprés avoir été ainfi caché pendant trois ans, quoique fes freres. le cherchaffent par tout la paîs : enfin quelqu'un, qui venoit de la baffe Egypte, le vit & le reconnut à grande peine, le trouvant avec un méchant habit, qui labouroit la terre tout courbé, pour femer des herbes, & qui portoit du fumier. Il douta trés-long-tems fi c'étoit lui: mais l'aïant reconnu au vifage & à la voix, il se, jettà à fes pieds, au grand étonnement des moines de Tabenne qui le regardoient comme le dernier de la communauté. Ils furent bien plus furpris, quand ils apprirent fon nom, que la renommée avoit rendu celebre. Touchez d'une fenfible douleur, ils lui demanderent

manderent pardon de la maniere indigne dont ils l'avoient traité par ignorance. Lui de fon côté pleuroit abondamment d'avoir eté découvert; & d'avoir perdu l'occafion de s'humilier, qu'il avoie tant cherchée. Ses freres le rammenerent à son monaftere, le gardant avec grand foin, de peur qu'il ne leur échapât encore.

Toutefois il s'enfuit quelque-tems aprés & paffa c. 31. en païs étranger, pour n'être point reconnu.Etant forti de nuit, il s'embarqua, & vint en Palestine au monaftere de Bethléem,où Caffien &Germain demeuroient alors. Il y fut reçû comme novice, & l'abbé le mit dans la même cellule qu'eux. Mais Coll. il y demeura peu de tems: des moines Egyptiens c, 2. qui étoient venus aux lieux faints faire leurs prie. res, le reconnurent bien-tôt, & le ramenerent

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fon monaftere. Caffien & Germain étant venus en Egypte, le chercherent avec grand foin; & furent témoins d'une inftruction qu'il donna en prefence de toute la communauté à un moine qu'il venoit de recevoir, aprés l'avoir laiffé à la porte pendant plufieurs jours. Nous vous avons refufé long-tems, dit-il, non que nous ne defirions de tout nôtre cœur vôtre falut, & celui de tous les autres, & que nous ne voulions aller bien loin audevant de ceux qui veulent fe convertir: mais de peur de nous rendre & vous auffi trés-coupables devant Dieu, fi pour avoir été trop facilement re ců vous tombiez dans le relâchement. Enfuite il lui fit une grande inftruction fur le renoncement parfait, que demande la vie monaftique. Les deux amis.en furent touchés, qu'ils tomberent c. 3. prefque dans le defefpoir; tant ils fe trouvoient élaignés de la perfection de leur état. Ce fut une occafion à l'abbé Pynufe de les entretenir de la 6.4.5. &c. c. 12. in fi. penitence, & des moiens de reparer les fautes paflées. Il les pria inftamment de demeurer dans fon monaftere: mais le defir de voir le fameux defert de Scetis les empêcha de s'y arrêter.

A 6

Ils

Piammon
Jean.

c. 1.

Inflit. x. . კ6.

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Ils traverferent donc leNil,& pafferent à Diol. Coll. xv. eos, petite ville à l'une des fept 'embouchures de ce fleuve, où il y avoit plufieurs anciens & celebres monafteres. Il y avoit auffi des anachoretes dans une isle fermée d'un côté par le Nil, & de l'autre par la mer, qui ne contenoit que des fables fteriles;& où ils n'avoient d'eau que celle du fleuve,distant de leur habitation de plus de trois milles, enforte qu'ils la menageoient avec plus de foin,qu'on ne conferve ailleurs le vin le plus précieux. Encore ce chemin étoit des montagnes fabloneufes trés-difficiles à pafler. Un de ces anachoretes nommé Archebius, voiant le defir de Caffien & de Germain de demeurer en ce lieu-là, leur laifla fa cellule toute meublée, feignant d'avoir déja refolu de loger ailleurs;&aprés en avoir bâti une autre avec bien de la peine,il la laiffa encore par le même artifice à d'autres freres furvenans, & en bâtit pour lui une troifiéme. Cet Archebius étoit d'une famille de Diolcos: il fe reti a dés l'enfance dans un monaftere qui n'en é. toit qu'à quatre milles; & pendant cinquante ans qu'il y vêcut, il ne revint pas à la ville, & ne vit aucune femme, pas même fa mere. Toutefois fçachant qu'aprés la mort de fon pere, elle étoit inquietée pour une dette de cent fols d'or qu'il avoit laiffée: il fit fi bien qu'en travaillant jour & nuit pendant une année fans fortir de fon nonattere, il gagna cette fomme, acquitta la dette, & mit fa mere en repos.

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Dans cette folitude de Diolcos, Caffien&Germain virent l'abbé Piammon, le plus ancien de tous les anachoretes & leur prêtre. Il avoit le don de miracles,& en fit plufieurs en leur prefence. Il lesreçût avec beaucoupd'humanité;&leuraiant de mandé le fujet de leur voiage,il leur parla destrois genres de moines qui fe trouvoient en Egypte : Les Cenobites vivant en communauté:les Anacho. xetes, qui aprés s'étre formés dans la communau

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té, paffoient à une folitude plus parfaite: les Sara baïtes, qui étoient des vagabonds & de faux moines. Il rapporte aux tems des apôtres l'institution' des Cenobites, comme un reste de la vie commune des fidéles de Jerufalem ; & dit qu'ils ont produit les anachoretes, dont il compte pour les premiers faint Paul & faint Antoine. Quant auxSarabaïtes, le libertinage & l'avarice les faifoient vi- c. 6. vre fans regle; & ils s'étoient fort multipliés. Les c. 7. Cenobites & les anachoretes étoient à peu prés en nombre égal dans l'Egypte; dans les autres païs il y avoit beaucoup plus de Sarabaïtes. Ce que j'ai re. connu, difoit Piammon, du tems de la perfecution que Lucius évêque des Ariens excita fous l'empire de Valens : lorfque je portois des aumônes Sup. liv. à nos freres relegués dans les mines de Pont d'Ar- XVI. 36 menie.Ily avoit une quatriéme efpece de moines: fçavoir des Ermites libertins, qui fe retiroient de Fobéiffance pour vivre feuls fous le nom d'anachoretes:

Quelques jours aprés, Caffien & Germain allerent au monaftere de l'abbé Paul, habité de plus

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de deux cens moines: mais alors il s'y en étoit af Coll.' xB** femblé une multitude infinie des autres monaste, “. I. res,pour celebrer l'anniverfaire du precedent abbé. Comme ils étoient dans une grande cour rangés douze à douze pour prendre leur repas, un jeune frere tarda un peu trop à apporter un plat. L'abbé Paul lui donna un fouflet qui s'entendit de fort loin:mais le jeune homme ne murmura point,ne changea pas de couleur, ne perdit rien de fa mode. ftie;& tous les affiftans en furent extrêmement é, difiés. Le plus ancien de ce monaftere, étoit le venerable Jean,diftingué par fon humilité,qui lui a voit fait quitter la vie d'anachorete,pour rentrer dans la communauté. Il entretint les deux amis de la difference de ces deux états,des avantages & des perils de l'un&de l'autre;& il mettoit la louverai- c. 9m ne perfection à en joindre les vertus; comme j'ai

c. 9%

6.3.4. Ú

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