donner une parure modefte, ils voudroient même ne la voir le plus fouvent, cette méthode, que revêtue d'un voile, qui la couvre en partie, & qui en lui donnant une nouvelle beauté, laiffe toujours appercevoir celle qu'elle a d'elle-même. Voilà ce qu'ils demandent, & pour dire la vérité, ils n'ont pas tort; cet ancien préjugé, que la Philofophie n'avoit rien que d'auftère & de rebutant, eft entiérement évanouï; on eft perfuadé qu'elle eft encore fufceptible des mêmes agrémens que lui avoient autrefois prêté les Platons, les Xenophons, les Cicerons, depuis que nous avons vu les Fontenelles, les Maupertuis, les Voltaires, enchainer auprès d'elle les Graces. Le premier en étalant à nos yeux le plus grand & le plus charmant de tous les fpectacles, les Planètes changées en Mondes, & ce nombre infini d'Etoiles fixes devenues au autant de Soleils étrangers, femble être, s'il eft permis de fe fervir de cette comparaifon, la Sa geffe même qui se joue dans tous ces Mondes. Le fecond, pour nous faire connoître celui que nous habitons, en parcourt une infinité d'autres fufpendus au deffus de nos têtes, & nous y transporte avec lui, on diroit qu'il n'eft pas habitant d'un feul, mais de tous en même tems, c'est leur éloignement différent leur mouvement inégal dans cet efpace immenfe qui lui fervent à régler la figure & à mefurer l'étendue du petit où nous fommes; fon ftile femble fuivre la rapidité de fon génie fans fe perdre en detours, fans faire d'apprêt, tout chez lui court à l'évenement, femper ad eventum feftinat, & in medias res. ... Le dernier enfin épris & rempli des mêmes beautés qui charmerent Athènes & captiverent Rome, Vers en enchanteurs, exacte Profe, nous en a donné comme elles les plus élégans modèles, & comme on y joignoit enfemble les Temples de quelques Divinités, on diroit qu'il a joint le Temple de la Philofophie à celui du Goût. C'eft à ces illuftres Auteurs pour qui la France confervera une reconnoiffance auffi durable que fa gloire, & leur nom, que nous Lommes redevables de pouvoir aller par des chemins femés de fleurs au Sanctuaire de la Philofophie, on marche avec plaifir für leurs pas, on eft für en les fuivant d'y être admis leur art a diffipé le nuage & l'enchantement qui nous le cachoient, & à la place de ce faux merveilleux que fon obfcurité faifoit refpecter, ne nous a plus fait appercevoir qu'un ordre fimple, & que fa fimplicité même fait admirer. a Ce font-là les Auteurs dont la France aime à prendre les leçons, hos edifcit, & ceux qu'elle contemple comme fes vrais modèles; mais on apperçoit ces modèles dans le Pays de la Perfection; & plufieurs font des efforts inutiles, des vœux impuiffants pour y être portés, on peut bien prendre & s'approprier, comme il m'eft arrivé fouvent, leurs expreffions, & quelques-unes de leurs phrafes, mais il faudroit avoir leur génie, pour les mettre en œuvre, & les enchaffer; ce font de belles & magnifiques bandes de pourpre, comme dit Horace, qui brillent au loin, mais ne servent en effet qu'à deparer tout ce qui les entoure. Purpureus, latè qui fplendeat, &c. Il eft vrai que les Mondes infinis & immenfes, au travers desquels ils fe font fait des routes pour en derober les loix, fourniffoient eux-mêmes la lumiére, qui éclairoit ces nou nouveaux Promethées, & les guidoit, pour ainfi dire, dans leur vol. La régularité conftante du cours de ces Mondes fembloit aider encore à les déceler. Il n'en eft pas ainfi du Monde, dans lequel je me fuis efforcé de fuivre M. W. Ce Monde d'un ordre bien différent, tandis qu'il apperçoit tous les autres, ne s'apperçoit point lui-même, tandis qu'il porte fa lumiére fur tout ce qui l'entoure, eft lui-même couvert d'épaiffes ténèbres, tandis qu'il faifit & developpe tous les objets, image du Prothée de la Fable, il fe joue de tous les efforts que l'on fait pour le faifir & le connoître, tandis qu'il dompte enfin tout, né pour la Liberté, il ne fauroit être dompté lui-même. C'eft dans les fentiers les plus fecrets, dans les replis les plus cachés, dans les entrailles enfin les plus profondes de ce Monde que M. W. |