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, emporte, font quelquefois dignes de compaffion : & combien ,, ils ont befoin d'indulgence dans leurs meilleures intentions, ,, comme dans les plus mauvaises.

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Qu'est-ce qu'il y a à dire à ces vers? Ils ont été approuvez généralement de tous ceux qui les ont lûs: à la referve de nôtre Prédicateur fans Miffion : qui pour me décrier dans la Caballe des Dévots de Profeffion, m'accufe ici d'avoir dit que Dieu a contribué à me faire tomber dans le piége: d'avoir dit, que Dieu eft la cause du mal que j'ai fait. Où eft-il dit dans ces vers que c'eft Dieu qui m'a fait tomber dans le piége? Que c'eft lui qui eft caufe du mal que j'ai fait ? Mais quand j'aurois dit que Dieu, pour avoir créé Philis fi parfaite, eft la cause indirecte, de ma faute, feroit-ce une impieté? Il y a cinquante ou foixante ans, qu'on chante à Paris & à la Cour, dans les compagnies des per

fonnes les plus vertueufes de l'un & de l'autre Sexe, des vers qui difent une chose semblable en termes exprès. Les voici.

Si c'eft un crime de l'aimer,

On n'en doit justement blâmer
Que les beautez qui font en elle.
La faute en eft aux Dieux

Qui la firent fi belle,

Et non pas à mes yeux.

Le vieux Boiffet fit fur ces paroles un air merveilleux : & je me fouviens que Lambert le chantant un jour devant Mr. le Cardinal de Retz, alors Coadjuteur de Paris, Mr. le Cardinal de Retz le lui fit répéter plufieurs fois : ce qu'il n'ust pas fait, s'il ust jugé ces paroles impies. Et je me fouviens encore que Mr. le Cardinal de Retz me dit en ce tems-là que ces vers étoient du Poëte de Lingendes. Mr. de Charleval m'a depuis confirmé la même chose. Et ce Poëte étoit un homme de beaucoup de vertu, & digne parant du Pere de Lingendes Prêtre de la Compagnie de Jefus, & de Mr. de Lingendes Evêque de Macon. Il est au-refte à remarquer, que le mot de Dieux; même parmi les Auteurs. Chrétiens, tant Profateurs que Poëtes; fignifie Dieu, Mr. de la Lane dans fon Eglogue fur la premiere de mes Eglogues:

Les Dieux juftes & bons ont mis votre Amarante
Au-deffus des flambeaux de la voute éclairante.

Lambin dans une de fes Lettres à Muret : Quod Dii immortales omen avertant. Léonard d'Arezzo dans une des fiennes au Pogge: 0 Dii immortales, pudeat me levitatem hominis referre. Le Cardinal du Perron dans fa Confeffion Amoureufe a dit quelque chofe de femblable à ce que j'ai dit dans la conclufion de mon Madrigal. Voici l'endroit.

Pour les vaines douceurs d'un vain contentement

(Il parle à Dieu.)

J'ai peché, j'ai parlé, j'ai fait injustement.

Mon penfer, ma parole, & mon effet m'accuse.
Mais las! tous ces penfers, ces propos, & ces faits,
Procédent d'un fujet qui parmi mes forfaits
Sans fa déloyauté me ferviroit d'excuse

Bertaut Evêque de Sais, a dit auffi à peu près la même chose dans ce Sonet à Dieu:

B iij

De poftpofer ta gloire aux loix de fon fervice:
De n'avoir dans le cœur rien que fon nom écrit,
pour charmer un mal qui tous les jours s'aigrit,
Lui faire inceffamment de mon cœur facrifice:

Et

Seigneur, c'eft un peché bien digne du fupplice;
Mais procédant d'un cœur que l'Amour attendrit,
Ma foibleffe en ce crime eft ma feule complice.

Tu fais bien, ô Seigneur, que, fi je l'eusse pû,
Depuis maintes faifons ce lacq j'euffe rompu,
Tirant ma liberté d'une main fi cruelle.

Comme donc en l'aimant & fervant malgré moi,
La contrainte amoindrit mon mérite envers elle,
Elle amoindrit auffi mon offenfe envers toi.

Mon Madrigal n'eft donc criminel que dans le Livre de Mr. Baillet. Mr. Baillet, au refte, demeurant d'accord, comme il fait, que mon intention eft bonne, quand même il y auroit quelque chofe à dire à mon expreffion, il n'a pas dû me diffamer pour cela, puifque Dieu entent le langage du cœur : qui eft ce que j'ai dit dans mon Madrigal:

Padre del Ciel, che da' ftellanti chioftri
L'interno miri de gli affetti noftri.

& la Critique de Mr Baillet ne s'accorde pas en cet endroit avec la charité Chrétienne. Mais elle ne s'accorde pas non plus avec fes Jugemens des Savans fur les principaux Ouvrages des Auteurs; aucun Ecrivain n'ayant formé cette accufation contre mon Madrigal. Et en cet endroit, comme en plufieurs autres où Mr. Baillet me critique, Mr. Baillet ne s'eft pas fouvenu du précepte de Pline le Jeune: (1) Primum ego officium Scriptoris exiftimo, ut titulum fuum legat: atque identidem interroget fe quid cœperit fcribere. Il a abandonné le titre de fon Livre. Et en cela, il n'est pas à blâmer: ce deffein de ramaffer toutes les injures, toutes les médi fances, & toutes les calomnies des Auteurs contre les Auteurs, étant un étrange deffein pour un homme qui fe pique de dévo

tion.

1. Liv. V. Epift. 6.

V.

Ignorance de Mr. Baillet dans la Langue Grecque, dans la Latine, & dans l'Hiftoire des Livres d'Hippocrate.

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Onfieur BAILLET qui fait profeffion de parler de tous les Auteurs Grecs & Latins, fait peu de Grec ; & il ne fait guére davantage de Latin.

Il dit à la page 111. du cinquiéme Tome de fes Jugemens des Savans: On a de la traduction de Jules Scaliger le Livre d'Hippocrate des Infomnies. Il dit la même chose à la page 296. de ce même Tome. Mr. Baillet me permettra de lui dire, qu'Hippocrare n'a point fait de Livre des Infomnies. Le Livre d'Hippocrate que Jules Scaliger a traduit, eft intitulé i vuπvícov: c'est-à-dire, des Songes. I fignifie Songe; qui eft un mot compofé du fubftantif UT qui fignifie Sommeil; d'où vient Somnus; & de la particule &,qui fignifie dans. Et les Grecs ont ainfi appelé le fonge parce qu'il fe fait dans le fommeil. Infomnia, au plurier, fignifie fonges. Virgile;

Que me fufpenfam infomnia terrent.

Et infomnia, au fingulier, fignifie infomnie.

Mr. Baillet qui ignoroit la différence de ces mots, & qui n'aVoit lû que le Titre Latin de Infomniis de ce Livre d'Hippocrate, a traduit ce titre par ces mots François des Infomnies.

Quels jugemens peut-on attendre fur les Auteurs Grecs & Latins d'un Critique qui fait fi peu de Grec & de Latin? Mais comment nôtre Ariftarque pourra-t-il juger des anciens Médecins Grecs; de Galien, d'Arétée, d'Aêtius; étant fi étranger dans la lecture d'Hippocrate, le Prince des Médecins, qu'il ne fait pas même le Titre de fes Livres..

Il eft au reste à remarquer que ce Juge Souverain de tous les Auteurs juge fur l'étiquette du Sac. Je veux dire, qu'il ne lit que les Préfaces, & les Tables des Livres, avec les Eloges & les Vies des Auteurs. S'il avoit feulement lû les trois premiers mots du Livre d'Hippocrate que Scaliger a traduit, il auroit vû qu'il y eft traité des Songes & non pas des Infomnies.

J'avois dit à Monfieur l'Abbé de Santeuil d'agertir fon ami Mr. Baillet de cette bévue. Il l'en a averti : & Monfieur Baillet l'a corrigée dans fon premier Tome des jugemens des Poëtes. Mais il

eft toujours vrai de dire, que lorfque Mr. Baillet a publié fes quatre premiers volumes, il ne fçavoit ce que vouloit dire ivúvi en Grec, & infomnium en Latin, & qu'il n'avoit aucune connoiffance des titres des Livres d'Hippocrate.

VI.

Ignorance de Mr. Baillet dans la Langne Grecque, dans la Chronologie, dans l'Hiftoire des Philofophes.

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Onfieur BAILLET dit à la page 224. de fon premier Tome: "Chryfippe n'étoit proprement que le Singe d'Epicure pour les compofitions, & le Parafite de fes Livres, comme l'appeloit Carnéade. Car il affectoit de faire & d'écrire tout ce qu'il voyoit faire & écrire à Epicure. C'eft pourquoi il le copioit souvent; & quand il le vouloit furpaffer, il alloit mendier divers paffages des autres Philofophes. Ce qui a fait dire à Zé,, non & à Aristote, que tous ses Livres étoient pleins de témoi», gnages & de paroles d'autrui.

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Cette faute eft épouvantable. Car outre qu'elle fait voir l'ignorance de Mr. Baillet dans la Langue Grecque, elle le convainc d'une ignorance extrême dans l'Hiftoire des Philofophes, & dans la Chronologie. Ariftote n'a pû parler des Livres de Chryfippe (1). Il étoit mort avant que Chryfippe fût au monde. Ariftote mourut l'an troifiéme de la cent quatorziéme Olympiade ; & Chrysippe mourut dans la cent quarante-troifiéme. Mr. Baillet cite pour la confirmation de fon opinion Diogéne Laërce dans la Vie d'Epicure, à la page 273. de l'Edition d'Angleterre. Mr. Baillet n'a point lû le Grec de cet endroit de Laërce; car il n'entend pas affez le Grec pour entendre un filong paffage Grec: mais en ayant lû la verfion d'Aldobrandus ; que voici: Epicuri multam fcriptionem Chryfippus amulatus eft: quemadmodum Carneades air parafitum ejus librorum ipfum appellans: fi quid enim Epicurus fcriberet, tantumdem fcribere Chryfippus ob emulationem ftudebat: quocirca eadem fæpe fcripfit & ea quæ fibi in mentem illico veniebant,& feftinatione parum emendata: teftimoniaque tot infunt, ut eis folis libri referti fint, quemadmodum & apud Zenonem & apud Ariftotelem invenire licet; & l'ayant luë ponctuée de la forte que je viens de la repréfenter, & telle qu'elle eft imrut que Chryfippe n'avoit encore que dixfept ans.

1. Il n'y a guére d'apparence non plus que Zenon en ait pu parler, puifqu'il mou

primée

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