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ret avoit étudié en Droit à Poitiers & à Toulouse. Il peut être que régentant à Poitiers les Lettres humaines, il y prit le degré de Licentié ès Loix. Quoiqu'il en foit, il n'a pû régenter publiquement en Droit à Toulouse, qu'il n'ait été du moins Licentié ès Loix. Et ainsi, ce que Scaliger a écrit des degrez qu'il prit à Afcoli, doit s'entendre du degré de Docteur.

De Poitiers, il fut à Bourdeaux ; ce qui paroît par ces vers d'une de fes Elegies à fa Margaris :

Nam te Pictonice retinent felicia terre

Oppida, quà Clanus pinguia culta fecat.
Me verò, invidia procul à te dentibus actum,
Fortia lunate moenia Burdegale.

Et ce qui paroît encore par ces mots de la Chronique Bourdeloife de Gabriel de Lurbe: En 1547. Marc Ant ine Muret Profeffeur au College de Guyenne avec grande reputation (1). Car Muret étoit à Poitiers en 1546. Il pouvoit avoir 21. à 22. ans lorsqu'il commença à régenter à Bourdeaux, & ce fut apparemment Jean Gelida, Efpagnol de la Ville de Valence, Principal du College de Guyenne, avec lequel il avoit regenté au College du Cardinal le Moine, qui l'engagea à régenter dans celui de Guyenne; car Gelida, comme l'a remarqué le President de Thou, avoit régenté la Philofophie à Paris dans le College du Cardinal le Moine; & il quitta cet emploi en 1546. pour fucceder à André Govéan dans la Principalité du College de Guyenne. Lequel André Govéan alla en ce tems-là en Portugal y établir le College de Conimbre inftitué par le Roy Jean III. où il mena avec lui George Bucanan; Patrice Bucanan frere de George; Nicolas de Gruchy (2), dit en Latin Gruchius ; & Guillaume Guerentée, Jacque Tevius, & Elie Vinet. Je corrigerai ici en paffant une faute d'impreffion qui fe trouve dans toutes les Editions des Poëfies de Bucanan (3). C'eft dans fon Elégie à Taftæus & à Tevius.

1. C'eft à ce tems-là qu'il faut rapporter ce que dit Montagne chap. 25. du L. 1. de fes Effais, que Bucanan & Muret étoient les Précepteurs domeftiques. Ce qui fe doit entendre des inftructions particulieres qu'ils alloient réglément lui donner en la maifon de fon Pere. Montagne avoit alors quatorze à quinze ans, & ce qu'il ajoûte que Bucanan & Muret apprehendoient de Paccofter en fon enfance à caufe de la facilité qu'il avoit à parler Latin fait voir qu'il faloit que Mu

ret eût fait d'autres royages à Bourdeaux.

2. Montagne appelle le premier Nicolas Grouchi, & le fegond Guillaume Guérente. Mais nous voyons que Gruchius dans fes Ouvrages François écrit fon nom de Grouchy.

3. Cette faute ne fe trouve point dans l'édition de 1569, in 8. chez Henri Etienne; où une partie des vers de Bucanan a été imprimée avec les Poëfies de Beze.

Il faut ;

Cæteraque ut ceffent Gelide, pia cura fodalis
Et patris patriæ fungitur ufque vicem,

Cæteraque ut ceffent, Gelide pia cura fodalis.

En 1552. il étoit de retour à Paris: car cette année-là, le cinquiéme de Fevrier (ce que j'ai appris de l'édition in douze de fes Oraisons) il récita dans l'Eglife des Bernardins de Paris fa premiere Oraison, qui eft intitulée de l'excellence de la Théologie. Il fit imprimer à Paris en la même année ses Poëfies, intitulées Juvenilia: qu'il dédia à Monfieur Brinon Confeiller du Parlement. Dans la Dédicace, qui eft du 24. Novembre de la même année 1552. il y parle de fes Leçons de Droit & de Philofophie. Sublecivis igitur horis aliquod mihi tempufculum à Philofophiæ & Juris Civilis Prelectionibus, quibus affiduè occupatus diftineor, &c. Ce qui donne fujet de croire qu'il enfeignoit en ce tems-là à Paris le Droit & la Philofophie. Au chapitre 18. du Livre x. de fes diverfes Leçons, il fait mention des Leçons qu'il faifoit à Paris.

En 1554. il étoit à Toulouse (1), comme il paroît par l'Extrait des Regiftres des Capitoux de Touloufe ci-deffus rapporté. J'apprens de Gabriel de Lurbe dans fon de viris Illuftribus Aquitaniæ, qu'il y regenta en Droit. Jofeph Scaliger au lieu allegué a écrit qu'il y enfeignoit les Inftitutes pour s'exercer. On appeloit en ce tems-là à Toulouse Halebardiers, ceux qui n'étant point Profeffeurs, regentoient en Droit pour s'exercer: ce que j'ai appris de du Verdier dans fon Eloge de Cujas.

De Toulouse, il alla à Paris, (2) où il fut prifonnier au Châtelet: felon le témoignage de du Verdier; lequel ne peut être revoqué en doute.

De Paris, il fut à Venife & à Padouë, où il regenta fix ans ; ce

1. Avant que d'en venir à cet article, il auroit été à propos de parler de l'emprifonnement de Muret au Châtelet de Paris, car il faut que ce foit en 1552. ou 1553. que cette difgrace lui foit arrivée, puifqu'il eft für que Muret étant parti de Paris pour Touloufe ne revint point de Toulouse à Paris, mais s'enfuit de là par une autre route en Italie. Auffi du Vere dier ne le fait-il point revenir de Touloufe à Paris. Il dit feulement avoir appris de Dorat que Muret avoir été prifonsier au Châtelet, ce qui peut bien être

vrai, mais quand il ajoute du fien que Muret étant forti de prifon avoit paffé de Paris en Italie, on lui foutient qu'il fe trompe, & que ce n'a pas été de Paris, mais de Touloufe que Muret fe retira au plus vite en Italic. L'autorité de du Verdier qui n'eft pas un Ecrivain exact ne peut pas tenir en cela contre celle de Scaliger, de Cafaubon & de M. de Thou.

2. Je croirois qu'il faudroit ôter tout cet article, & reformer ainfi le commencement du fuivant. De Toulouse il fut à Ver nife & à Padonë &c.

qui a été remarqué par Monfieur de Thou.

De Venise & de Padouë, il fut à Rome, où il enfeigna diverfes Sciences.

Mais de Rome il revint à Paris en 1562. avec fon Patron le Cardinal Hippolite d'Efte de Ferrare, où il fit imprimer les Philippiques de Ciceron, qu'il dédia à Turnebe.

Et de Paris, il retourna à Rome en 1563. où il enfeigna publiquement les Lettres Humaines, le Droit, & la Philofophie. Il dit dans quelqu'une de fes Oraifons qu'il a regenté 20. ans à Rome. J'apprens d'une Lettre de Claude du Puy, Confeiller au Parlement de Paris, à Vicenzio Pinelli, qui m'a été communiquée par Mr. Bigot, qu'il y lût, en particulier, Thucydide à Mr. d'Abain de la Rochepofai, Ambaffadeur de France à Rome. Voici l'endroit de cette Lettre qui regarde cette particularité: Je vous envoye une Parodie fur le Phaféle de Catulle faite piéça contre un de nos amis de Rome, n'agueres Jurifconfulte, ,, & maintenant Prêtre. Cet ami de Rome de Claude du Puy, c'eft Mu. », ret: Vous me mandez qu'il lit le Thucydide à Mr. d'Abain. Si „ c'est, ut morem gerat ampliffimo & doctiffimo Regis Legato, il fait bien: mais s'il cuide lui pouvoir enfeigner quelque chofe de ,, nouveau après Mr. de la Scala, lequel lui a autrefois expliqué ,, cet Auteur, il s'abufe grandement : car l'autre le devance de ,, deux milles-parafanges en cette matiere de Lettres : mêmement je leur ai oui dire qu'ils furent deffus un hiver entier.

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Il mourut à Rome en 1585. le 4. Juin dans la 6o. année de fon âge. Sainte Marthe & Jean le Clerc, qui ont écrit qu'il mourut dans la 57. ont été mal informez de cette circonftance.

L XXXI V.

Réflexions fur ce que Mr. Baillet a dit de mes Epigrammes.

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Onfieur BAILLET Tome V. page 373. " Ceux des, Critiques qui ont recherché les moyens de favoir en quel genre de Poëfie Mr. Menage a le mieux réuffi, eftiment », que c'eft dans l'Elegie & dans l'Epigramme. A dire le vrai, Mr. Ménage paroît avoir eu plus d'inclination, & de talent même, ,, pour ces deux genres que pour les autres, puifqu'il s'y eft appliqué davantage. C'est ce qu'on peut affurer au moins de fes Epigrammes; parmi lesquelles il s'en trouve de fort belles dans

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55 un grand nombre de plates & d'infipides.

MENAGE. Manilius Rhallus (1), ou Ralla, comme l'appele Paul Jove dans l'Eloge de Mufurus; étoit un Savant de Grece, qui vint en Italie après la prife de Conftantinople. Je crois qu'il étoit de Conftantinople: car dans les Poëfies Grecques de Lafcaris, il eft fait mention d'un Mapxíoros Päns, qui étoit de Conftantinople. Päns, Rhallus, Rallus, & Ralla, eft le même nom. Ce Manilius Rallus fut Archevêque de Malvafie. Marulle lui a adreffé une Ode & une Epigramme. Ce Savant difoit que perfonne n'avoit encore réuffi dans l'Epigramme. Ce que nous avons appris de ces vers de Marulle:

Amor Tibullo, Mars tibi, Maro, debet.

Terentio foccus levis.

Cothurnus olim nemini: fatis multum

Horatio, Satyra & Chelys.

Natura magni verfibus Lucretii,

Lepore Mufao illitis.

Epigramma cultum, tefte Rhallo, adhuc nulli.

Le Pere Rapin eft à peu près du même avis. Car voici comme il s'eft expliqué fur ce genre de Poëfies dans fes Réflexions fur la Poëtique: "L'Epigramme eft de tous les Ouvrages de vers que l'Antiquité ait produit, le moins confiderable &c. C'est une

1. Dans le Recueil des vers des Académiciens de Rome fur la mort de Platine il y a une Epigramme Latine de ce Rhallus en vers Phaleuques, laquelle ne lui donne point de démenti fur le jugement qu'il a fait de l'Epigramme. On en voyoit plufieurs autres de fa façon du tems de Lilio Giraldi, mais il faloit que ce fût en manuscrit, car elles n'ont jamais été imprimées. Il avoit auffi fait des Elegies dont fait mention Pontan 1. 2. Baiarum où il l'appelle Manlius Rhallus. Manlius, Mallius, Manilius fe trouvent fouvent mis indifferemment. M. Ménage dit apres Paul Jove que Manilius Rhallus fut Archevêque de Malvoife Ville de Tzaconie anciennement Laconie, mais Lilio Giraldi met la Prélature de ce Rhallus en Candie, Marullo, dit-il, Rhallus fortunatior, quippe qui à Leone Decimo his menfibus Cretenfium fit Pontificatu honeftatus. Paul Cortefius Lib. 1. de Cardinalatu fol. 25. écrit Rallus, mais

Tome VIII.

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mal. Nuper, dit-il, cum domi meæ Manilius Rallus elegans imprimis Poëta &c. Le même Livre 2. feuillet 56. Satis intelligi poteft eos qui fe doctrina dediderunt, conftantius folere famulari, cum minus abduci à vita perpetuitate foleant. Quis enim diutius cum quoquam quàm aut Manilius Rallus cum Marco Barbo, aut Bartholomæus Salicetus cum Afcanio Sfortia, five J. B. Almadianus cum Oliverio Carrapha vixit quorum duos nihil unquam, nifi mors herilis, ab affectando avocavit: alter ita eft in famulando conftantia continuata fidus ut idem ei propè conftitutus videatur vivendi, &'affectandi finis. Il paroît par là que ce Rhallus furvécut au Cardinal Marc Barbo fon patron, mort le x1. Mars 1490. C'étoit le Coufin germain du Pape Paul II. François Philelphe, dans la 18. Lettre du 17. Livre, parle d'un Nicolaus Rhallis (c'eft Pans I'n fe prononçant alors comme l'ar) qui en l'an 1461. étoit à Rome auprès du Defpote Thomas Paléologue.

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», des efpeces de vers où l'on réuffit peu; car c'eft plutôt un coup » de bonheur, que d'y réuffir. Une Epigramme vaut peu de cho» fe, quand elle n'eft pas admirable. Et il eft fi rare d'en faire » d'admirables, que c'eft affez d'en avoir fait quelques-unes en sa vie. Et Martial difoit que quand il y avoit autant de bonnes Epigrammes dans un Livre d'Epigrammes que de mauvaises, on pouvoit dire que ce Livre étoit bon. Il en eft de même du Sonnet, qui eft une espece d'Epigramme.

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Un Sonnet fans défaut vaut feul un long Poëme.
Mais en vain mille Auteurs y penfent arriver,
Et cet heureux Phenix eft encore à trouver,

dit Mr. Despréaux. Le Tolomei, au rapport de Stefano Guazzo dans fon Dialogue de la Poëfie Latine & Tofcane comparoît le Sonnet au lit de Procrufte. Voici les paroles du Guazzo: Fù quefto Procrafte cofi fantaftico e beftiale che tutti i foreftieri che capitavano al fuo albergo faceva coricar in un certo letto e à quelli che con la lunghezza della perfona fopravanzavano il letto, tagliava le gambe conforme alla mifura di effo: à quelli ch' erano più corti, tirava con le corde il collo e le gambe: fi che giungevano egualmente à quella mifura. E però, effendo quafi impoffibile il trovar fogetto che giustamente capifca nel corpo del Sonetto conviene per lo più, o aggiungervi parole oziofe, o troncar i concetti, in cofi fatta guifa che'l componimento riefci, o languido, o ofcuro, là onde fi può dire che à fatta una non meno lodevole che faticosa imprefa, ed è figlivolo legittimo d Apollo colui il quale felicemente à tirato un Sonetto con tutti questi proporzionati mezi al suo debito fine. Et j'ai fouvent ouï dire à Gombaud, que quand un Poëte avoit fait un bon Sonnet, il pouvoit fe repofer, ayant affez acquis de réputation. Et ainsi, Mr. Baillet qui dit que j'ai fait de fort belles Epigrammes parmi un grand nombre de plates & d'infipides, en penfant dire de moi des chofes défavantageufes, en dit de très-avantageufes.

Mais il n'eft point vrai qu'il n'y ait point, ou qu'il y ait peu de bonnes Epigrammes, fi ce que Jules Scaliger a dit des fiennes, eft véritable. Voici comme il en a parlé dans fa Lettre à Charles Sevin ; qui eft la 81. de fes Lettres: proinde ne committas ut temerè nimis edenda feftinarim: Il lui parle de l'édition de fes Epigrammes: cùm id egi confulto uti emendata arbitratu tuo legerentur. Ex millibus ferè duobus, aut amplius, lecta funt: utinam bona fide. Id in ipfis cu ravimus, uti Rallus, vir doctus, mentiretur, aut mutaret judicium, qui Epigramma ullum cultum negaret, Et il a fait imprimer plus de mille

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