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primée dans l'édition d'Angleterre ; il a crû que ce que difoit Laërce de Chryfippe, avoit été rémarqué par Zenon & par Ariftote; & ces mots, quemadmodum & apud Zenonem & apud Aristotelem invenire licet, veulent dire que ce defaut de rapporter trop de témoignages dans des Traitez Philofophiques, qu'on blâmoit dans les écrits de Chryfippe, fe rencontroit auffi dans ceux de Zénon & d'Ariftote: ce que j'ai expliqué amplement dans la Note que j'ai faite fur ce passage.

Voilà le Critique, qui a entrepris de juger de tous les Savans ; & qui traite Mr. de Saumaise d'ignorant en toute forte de Sciences: En cor Zenodoti, en jecur Cratetis.

J'avois dit au même Mr. de Santeuil d'avertir fon ami de cette faute horrible. Mais foit qu'il ne l'en ait pas averti, ou foit que Mr. Baillet ait négligé ma rémarque, Mr. Baillet n'a pas corrigé cette faute dans fes Rétractations.

VII.

Ignorance de Mr. Baillet dans la Langue Latine. Faute de Jugement de Mr. Baillet.

M

Onfieur BAILLET eft un grand lifeur d'Eloges, comme je l'ai déja remarqué. Ayant lû quelque Eloge Latin de Lopé de Véga Carpio, Gentilhomme Espagnol, Prêtre, & de la · Congrégation de S. François, & Eccléfiaftique de l'Ordre Militaire de S. Jean; dans lequel Eloge cet Auteur étoit appellé Magnus Comicus, à cause d'un nombre prodigieux de Comédies qu'il a faites: Il en a fait dix-huit cens; fi on en croit Nicolas Antonio, Auteur de la Bibliothéque des Ecrivains Efpagnols, & plus de quatre cens Autos, Sacramentales. On appelle ainfi en Espagne ces Piéces Dramatiques qu'on récite le jour de la fête du S. Sacrement. Mr. Baillet, ayant lû, dis-je, quelque Eloge Latin où Lopé de Véga étoit appelé Magnus Comicus, il a crû que ce mot Comicus fignifioit un Comédien. Et dans cette créance, il l'a appelé le plus grand Comédien de la terre. C'eft à la page 250. Tome III. de fa Préface fur les Poëtes, au fujet d'une grande invective qu'il fait contre moi, parce que j'ai fait des vers de galanterie. Voici les termes: "Nous pourrions en dire autant du fameux Docteur, » Frere Lopé de Véga, Religieux Efpagnol, fe plus grand Comédien de la terre: qui ne le défit peut-être pas entierement de C

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Tome VIII.

,, fes habitudes: mais qui tâcha du moins de les regler, ou de les ,, réformer par des Ouvrages de pieté. Je pardonne à Mr. Baillet d'avoir ignoré que Comoedus fignifie un Comédien, & que Comicus, fubftantif, fignifie un Poëte Comique .Mais je ne lui pardonne pas la faute de Jugement qu'il a faite, en faisant monter fur le Théatre un Religieux du Tiers Ordre de Saint François, un Docteur, un Prêtre, un Gentil - homme, & un Chevalier de Malte (1).

Voilà l'homme qui eft venu juger les vivans & les morts. Il n'est point vrai, au refte, que Lopé de Véga ait été Religieux. Il eft vrai que Nicolas Antonio dit de lui, Tertii quoque Ordinis Sancti Francifci Regulam profeffus. Mais cela ne veut pas dire qu'il ait été Religieux du Tiers Ordre de S. François, mais ce qu'on appelle en Espagnol Tercero. C'est-à-dire, de la Congregation de S. François. En Espagne la plupart des gens mariez & de qualité, font de cette Congregation. Et quand Lopé a pris, au titre de quelques-uns de fes Livres, la qualité de Freyle, cela ne veut pas dire Frayle: qui eft le nom qu'on donne aux Moines en Espagne: mais un Eccléfiaftique d'un Ordre Militaire. Lopé de Véga étoit Eccléfiaftique de l'Ordre de S. Jean. Mr. Baillet n'a pas fù cette differance entre Freyle & Frayle.

Il me reste à ajoûter, que Lopé de Véga n'ignoroit pas les regles du Théatre. Ce qui paroît par la Comedie Il Guante de Dona Blanca; intitulée autrement, Quando Lope quiere ; & qu'il a intitulée de la forte, pour faire voir qu'il ût pû toûjours écrire reguliérement s'il ût voulu. Et ainfi on peut dire de lui ce que Sénéque le Pere a dit d'Ovide; Non ignoravit vitia fua, fed amavit. Et à ce propos, je ne puis m'empêcher de rapporter ici cet endroit de fon Arte nuevo de hazer Comedias en efte tiempo:

Verdad es, que yo he escrito algunas vezes
Siguiendo el arte que conocen pocos.
Mas luego que falir por otra parte,
Veo los monstruos de apparencias llenos,
A donde acude el vulgo, y las mugeres,
Que efte trifte exercicio canonizan,
A aquel habito barbaro mé buelvo :
Y quando he de efcrivir una Comedia;
Encierro los precetos con fey llaves:
Saco a Terencio, y Plauto, de mi eftudio.

7. Mr. Baillet donne toutes ces qualitez à Lopé de Vega,

Para que no me den vozes, que fuele,
Dar gritos la verdad en libros muchas.
Tefcrivo por el arte que inventaron
Los que el vulgar aplaufo pretendieron:
Porque como las paga el vulgo, es jufto
Hablarle en necio, para darle gusto.

Voyez de plus ci deffous chap. 55.

VIII.

Ignorance de Mr. Baillet touchant la Langue Italienne,

M

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Onfieur BAILLET fait de l'Italien : mais il ne fait
talien. Cette Remarque le va faire connoître ;`

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A la page 205. de fon premier Tome, il appelle Lilius Gyraldus Le Gyraldi, par un i Grec. La Langue Italienne n'a point d'i Grec. Et c'est pourquoi Meffieurs de Retz, du nom de Gondy, n'ont pas û raison d'écrire leur nom par un i Grec: dont j'ai fait demeurer d'accord Mr. le Cardinal de Retz: comme je l'ai remarqué dans la Vie de Pierre Ayrault Lieutenant criminel d'An» gers. Sed Joannes Francifcus Paulus Gondius, Cardinalis Radefianus, Gondii nomen per y femper fcripfit: quemadmodum & pater ejus, & avus, patrui; donec monitus à me fuit, præter rationem id fieri; cum Italia effent oriundi Gondii; Italica autem Lingua eam literam non haberet. Nuno verò cùm ita fcribat ut fcribendum fuit, idcircone alterius familiæ dicetur quam pater ejus, & avus, & patrui fuere? Minime fanè. pag. 6.

Aux pages 67.78. 347. 360.365. 410. 545. du Tome II. 82. 90. 195. du Tome III, il appelle Giovan Vittorio de' Roffi Le Vittorio de' Roffi, & à la page 78. Tome II. il l'appelle Jean Vincent le Roux. Et ailleurs il l'appelle Jean Victor le Roux. Premiérement; il s'appeloit le Rouge, & non pas le Roux : comme il paroît par son nom Latin Erythraus: Joannes Victorius Erithreus: qu'il a tourné de la forte en Latin à l'imitation de Nicolaus Erithræus, Auteur de l'Indice fur Virgile, un des plus favans hommes d'Italie ; qui s'appeloit auffi Le Rouge. Puto ego iftum effe ex familia Rubeorum, five de Roffi, •que ifthic honeftiffima, & à Senatus Secretis, dit Ottavio Fer rari, Profeffeur célebre de Padoue, dans une de fes Lettres au Seigneur Daniel Juftiniani, Sénateur de Venife, en parlant de ce Nicolas Erythrée. Le mot Italien Roffe, dans fa plus ordinaire fignification, fignifie rouge. D'ailleurs, Vittorio étant un nom de batême, il n'y faut point d'article. Les Italiens mettent des articles de

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vant les noms de familles : mais ils n'en mettent point devant les noms de batême. Ils difent Torquato Tallo, Giovan Battista Guarini, Pietro Bembo, Lodovico Ariofto: mais ils ne difent point, il Torquato Tasso, il Giovan Battista Guarini, il Pietro Bembo, il Lodovico Ariosto ; & en traduifant leurs noms en François, nous fuivons cette regle. Nous difons Le Taffe, Le Guarin, Le Bembe, L'Ariofte: & non pas. Le Torquat Taffe, Le Jean Battiste Guarin, Le Pierre Bembe, Le Louis Ariofte. Il faut excepter de cette regle le nom de Machiavel. On ne dit point Le Machiavel (1): ou du moins on ne le dit guére. II faut encore en excepter le nom de Petrarque, & celui de Bocace, & celui de Sannazar, & celui de Politien. On dit indifferamment Petrarque & le Petrarque, Bocace & le Bocace, Sannazar & le Sannazar. Mr. de Balzac dit ordinairement Le Pétrarque, & Mlle. de Scudéri, Pétrarque. Pétrarque & Sannazar font aujourd'hui les plus ufitez. Mais on ne dit que Politien, & la raifon pour laquelle on ne dit que Politien, eft que cet Auteur ne nous eft guére connu que par fes Ouvrages Latins. Et à ce propos il eft à remarquer, que nous ne mettons point ordinairement d'article devant les noms de Famille des "Auteurs Italiens, qui n'ont écrit qu'en Latin, ou qui ne nous font connus que par leurs Ouvrages Latins. A l'égard de Dante (2), comme c'eft un nom de batême, & non pas un nom de Famille, il faut toujours dire Dante. Et ceux qui difent il Dante en Italien, & le Dante en François, ne parlent pas réguliérement. Pour revenir à nôtre Vittorio de Roffi, cet Auteur s'appelant Jean Victor en fon nom de batême, il faut donc l'appeler en François Jean Vittorio de Roffi (3), & non pas Le Vittorio de Roffi: dont

1. Nous ne mettions point autrefois l'article devant les noms propres Italiens, & cette coutume s'eft confervée à l'égard de Machiavel, parce que cet Autenr ayant de tout tems été fort commun parmi nous on s'eft fait une habitude de prononcer fon nom fans article comme originairement on le prononçoit. Il en eft ainfi de Pétrarque & de Bocace dont les noms par la même raifon s'écrivent plutôt fans l'article qu'avec l'article. Quia jamais oui dire les Sonmets du Pétrarque? Le Décameron du Bocace? On ne dit pas non plus le Sannazar, en partie par cette raison, en partie à caufe de fes Ouvrages La ins par lefquels il eft pour le moins autant connque par fes Ouyrages Italiens, & je m'étonne que Mr. Ménage permette de dire le Sannazar, lui

qui ne veut point abfolument qu'on le dise pag. 529. de la 1. part. de fes Obfervations fur la Langue Françoise.

2. Volaterran livre 21. dit que L'Ita lien Dante eft corrompu de Duraute. Dantes Poëta Florentinus, è gente Alegheriâ, Durantes ab initio vocatus, intercifo deinde, ut fit in pueris vocabulo.

3. Si Jan Vittorio eft le nom François en quelle Langue donc dit-on Jan Victor? Ce n'eft pas en Latin, il faudroit Joannes Victor. Ce n'est pas en Italien, il faudroit Gian Oll Giovan Vittore. Ce n'eft pas en François, puifque, felon Mr. Ménage, c'est Jan Vittorio qui eft le nom François & non pas Jan Victor. Il y a fans doute ici de l'embarras. Villorius d'ailleurs & Vifter font deux Saints différens,

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j'avois averti Mr. l'Abbé de Santeuil, afin qu'il en avertît Mr. Baillet. Il l'en a averti; & Mr. Baillet s'eft corrigé de cette faute en quelques endroits de fes derniers Tomes. Je remarquerai ici en paffant qu'à l'imitation de Giovan Vittorio Roffi, qui a rendu fon nom en Latin Janus Nicius Erythraus, Gomberville, de l'Académie Françoife, qui s'appeloit Marin en fon nom de batême & le Roi en fon nom de Famille, s'eft appelé de même, autour de fa Tailledouce, Thalaffius Bafilides.

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Autre erreur de Mr. Baillet dans la Langue Italienne. Mr. Baillet dit à la page 85. du premier Tome: "On peut mettre au nom»,bre des premiers, tous ces ridicules fcrupuleux, qui n'ofoient lire l'Ecriture Sainte de peur de gâter leur beau Latin: ceux qui empêchoient leurs amis de lire les Epîtres de S. Paul pour le même fujet : non contens de ne les pas lire eux-mêmes, & qui ,, les traitoient de petites Lettres de néant. Et il met à la marge de ces derniers mots, Epiftolaccias. Si Mr. Baillet favoit l'Italien, il fauroit que tous ces mots Italiens terminez en accio, & accia, Chiefaccia, Capellaccio, cavalaccio, libraccio, &c. font des augmentatifs: & qu'epiftolaccia, ou plutôt pistolaccia, (car on ne dit plus epiftola) fignifie une grande vilaine Lettre. Mr. Baillet, comme je l'ai déja remarqué plufieurs fois, eft un Copiste de Copiste. Il cite pour fon garand, Konigius dans fa Bibliothéque ancienne & nouvelle, qui cite Scipio Gentilis dans fon Commentaire fur l'Epître de St. Paul à Philemon. Mais, ni Konigius, ni Scipio Gentilis, ne parlent point de petites Lettres. Voici les termes de Konigius: De pietate hominis ; il parle du Cardinal Bembo; ex hoc faƐto judica: quando amico aliquando auctor fuit, ne Epiftolas S. Pauli, quas contemptim Epiftolaccias appellabat, attingeret,vel fi cœpiffet legere, de manibus abjiceret; fi elegantiam fcribendi eloquentiam adamaret: quemadmodum laudatus Scipio commemorat (1). Voici ceux de Scipio Gentilis: qui font du chapitre 17. Nam quid de Petro Bembo dicam? Is quidem Epiftolas omnes Pauli palam condemnavit : cafque, deflexo in contumeliam vocabulo, Epiftolaccias eft aufus appellare: cùm amico auctor effet, ne illas attingeret, vel fi coepiffet legere, de manibus abjiceret, fi elegantiam fcribendi & eloquentiam adamaret. Ce qui a fait croire à Mr.

1. Cet ami qu'on dit que le Cardinal Bembe vouloit détourner de lire St. Paul étoit Jaques Sadolet qui travailloit en ce sems-là fur l'Epitre aux Romains. Ni l'un ni l'autre n'étoit alors Cardinal. Voiez Vi

&orinus Strigelius fur le Pfeaume 4. pag. 30. & Melander qui le cite ch. 134. de fon Foco-feria. Ces peits contes cependant me font un peu fufpects venant de la part des Proteftans.

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