de Mr. Baillet, que le Poëme de Pyrame & de Thisbé de Licen tius existe. Il ne s'en trouve pas un seul vers. Et il ne paroît pas même que ce Poëme ait été achevé. St. Augustin n'en parle que comme d'un Poëme commencé. Il dit à Licentius dans son de Ordine, Livre premier chapitre quatre: Expugnavi ne cum Pyramo Tisbe colloquereris. Et au chapitre huitiéme du même Livre : Ubi Je Pyramus & illa ejus fupra seminecem, ut cantaturus es interemerint, in dolore ipfo quo tuum Carmen vehementius inflammari decet, habes commodiffimam oportunitatem. Ce que Mr. Baillet a écrit, que le style de ce Poëme, au jugement du Pere Briet, est assez obscur & allez bas, est donc aussi très-faux. Le Pere Briet en jugeant du style du Poëme de Licentius a entendu parler du Poëme de Licentius adressé à St. Augustin, & inféré dans la Lettre de St. Augustin à Licentius. Il y a au reste de très-beaux vers dans ce Poëme. Celui-ci entr'autres, au sujet de Protée, est admirable (1), Spumat aper, fluit unda, fremit leo, fibilat anguis. Et, pour le marquer en passant, j'ai quelqu'opinion que Bucanan a visé à ce vers, en disant dans le Prologue de sa Tragédie de St. Jean-Batiste, Veteres Poëtæ fabulantur Protea Quemdam fuiffe, qui fe in omnes verteret - Comme Mr. Baillet a donné de grandes louanges à ces Mefsieurs de Port-Royal qu'on appelle Fanfenistes, & que d'un autre côté il a fort maltraité les Revérends Peres Jésuites, qui font leurs Antagonistes, on a cru qu'il étoit Janseniste ; Et en cela on lui a fait beaucoup d'honneur. Il ne mérite pas de l'être. Ces Messieurs ont de l'érudition : & il n'en a point. Ils ont du jugement: & il n'en a point. Ils ont de la candeur : & il n'en a point. Ils écrivent correctement & fes Livres font tous pleins de fautés de Langue. Ils ont de l'humanité & de l'honnêteté : & Mr. Baillet est un homme sauvage, qui offense tout le monde de J. Ce vers n'est pas du caractère heroique, les mots y font rapportez les uns aux autres avec trop d'affectation. C'est un vers de Grammaitien, un vers technique, Virgile n'auroit eu garde d'en faire un pareil. gayeté de cœur. Il est d'ailleurs tout-à-fait étranger dans l'hiftoire des Livres Anonymes de ces Messieurs, & dans celle de leurs Livres imprimez sous des noms supposez. Il dit à la page 448. de fon 2. Tome qu'on attribue à Mr. Arnauld la Traduction du Livre du Sacerdoce (1), composé par St. Jean Chryfoftome. Elle est de Mr. le Maître. Il dit à la page suivante, que la Traduction du IV, & du VI. Livre de l'Enéïde est de Mr. de Sacy. Elle est de Mr. Dandilly. Il dit à la page 448, du même Tome, que la Traduction de l'Office du St. Sacrement, est de Mr, de Sacy, elle est de Mr. le Maître. Mais rien ne justifie mieux que Mr. Baillet n'est point Janseniste, que la Remarque que je viens de faire au sujet de Licentius. Car il paroît par cette Remarque que Mr. Baillet n'a jamais vu St. Augustin, qui est le Patriarche des Janséniftes. XCVIII. Ce que dit Mr. Baillet que Desportes ût une Abbaye de dix mille écus pour ses vers, n'est pas véritable. M Onsieur BAILLET a écrit à la page 297. du Tome 1. que Desportes ut pour ses vers une Abbaye de dix mille écus (2), ce qui n'est pas véritable. Il est vrai qu'il avoit dix mille écus 1. Ces méprises touchant les Auteurs de Port-Royal ayant été reconnues & corrigées par Baillet, M. Ménage qui a vú ces corrections pouvoit fupprimer sa remar quc. 2. Desportes devoit sa fortune à sa Poefie, tout lemonde en convient. Elle lui avoit acquis en bénéfices & autres biens trente mille livres de rente. Regnier neveu de Desportes Satire 9. dit que son Oncle avoit acquis par ses vers dix mille écus derente. Si Mr. Baillet s'etoit contenté de dire cela, il n'y auroit eu rien à giofer & chacun demeureroit d'accord avec lui de cette verité, mais il l'a tellement altérée en plusieurs endroits de ses Livres, & a rapporté sur ce fait tant de circonstances différentes les unes des autres, qu'on ne sait à quoi s'en tenir. Après avoir dit pag. 297. du tome 1. par une note qu'il a mise en marge, que Desportes avoit gagné à faire des vers une Abbaye de dix mille écus, il semble vouloir se corriger infinuant premierement qu'il avoit entendu parler non d'une seule, mais de plu sieurs Abbayes. Secondement en faisant voir que les diverses gratifications tant de Charles IX. d'Henri III. & d'Henri IV. que de l'Amiral de Joyeuse n'avoient pas peu contribué à faire ce revenu à Defportes, qui entre autres liberalitez de l'Amiral en avoit reçu pour une fois celle de dix mille ecus. Ensuite de quoi page 41. du tom. V. comme s'il avoit entiérement oublié tout ce qu'il avoit dit auparavant, il n'a point fait de difficulté d'avancer que l'Amiral de Joyeuse pour un Sonnet, ou pour quelque autre Piéce de vers d'auffi petite importance fit présent à Desportes d'un bénéfice de trente mille livres de rente. Ce qui a embaraffé Baillet est un paffage de Balzac pag. 400. du 2. tom. de l'édition in fol. où il dit ; Monfiiur l'Amiral de Joyeuse donna une Abbaye pour un Sonnet, je l'ai oui dire aufsi-bien que vous. (il parle à Conrart) La peine que prit M. Desportes à faire des vers lui acqet un loisir de dix mille écus de rente. Mon Pere quiľa vù m'en a afsuré. (Differt. Chret. & Moral. 22. Hift. 1.) Ces deux faits fi clairement séparez par de rente en bénéfices: comme nous l'apprenons du Satirique Regnier, fon neveu. Or, Rapin, quant à moi je n'ai point tant d'esprit. Mais ces dix mille écus de rente ne consistoient pas en une seule Abbaye. Desportes avoir trois Abbayes : celle de Tiron, celle de Bonport, & celle de Jofaphat. Et avec ces trois Abbayes, il avoit une Prébende de la Sainte Chapelle de Paris. XCIX. Justification de ce que j'ai dit dans l'Epitre Dédicatoire de mes Poësies, que fans Vénus Apollon est froid. 'Ai dit dans l'Epitre Dédicatoire de mes Poëfies: Amatorios verfus, pudicos licet hic excufarem fi meum esset exemplum. Sic fcrip و Balzac ont été confondus par Baillet qui a supposé que cette Abbaye donnée à Defportes lui avoit acquis ce loisir de dix mille écus de rente. Je fais que Baillet cite un autre endroit de Balzac qui se trouve à la page 590. du même tome en ces termes. M. l'Amiral de Joyeuse donna dix mille écus à un homme que j'ai connu pour lui avoir dédié un discours de ce style-là, où il n'avoit pas oublié le zenie de la vertu, le Solstice de l'honneur, & l'Apogée de la gloire, non plus que le Roi des merveilles, la merveille des Rois. toire de Mairet au Duc d'Ofsonne qui est que Desportes avoit lui seul recueilli les recompenfes de tous les Poëtes ses-devanciers, ses contemporains, & fes fucceffeurs. Quelque riche au reste que fût Desportes il ne tint qu'à lui de l'être encore davantage, si l'on en doit croire l'Apostat Antoine Fusi pag. 171. de l'Epitre Apologetique qu'il a mise au devant de fon Franc-archer de la vraie Eglife. L'Abbé de Tiron, dit-il, fut plaisant en une réponse qu'il fit à Henri III. lorsqu'il refusa d'accepter de fa Mais ce paflage ell encore moins favorable / main un des premiers Archevêchez de ce Royau que l'autre à Baillet, & nul de tous les Auteurs qu'il appelle en garantie ne dit ni que l'Amiral de Joyeuse ait fait présent pour une fois de dix mille écus à Desportes, ni qu'il lui ait donné une Abbaye, ni que cette Abbaye valût dix mille écus de rente. M. Ménage, pag. 391. de fon Livre Italien intitulé Mefcolanze, augmente le revenu de Desportes de deux mille écus, & rapporte à fon sujet un mot que je me fouviens avoir lû dans une Epitre dédica me. Le Roi s'enquerant de la raison, il dit qu'il n'auroit jamais charge d'ames. Voire, dit le Roi, vous estes Abbé, n'avez-vous pas charge des ames de vos Moines? Non, répondit Defportes. car ils n'en ont point. Du Verdier, pag. 958. de sa Biblioth. imprimée l'an 1585. ne donne à Desportes que cinq à 6000. écus de rente: ce qui peut avoir été vrai de ce tems-là, le revenu du Poëte n'étant pas encore auffi grand qu'il le fut depuis. fit, quicumque versus scri fit. Et profecto fine Venere friget Apollo. Mr. Baillet fait là-dessus une grande invective contre moi: comme fi j'avois dit la plus grande impiété du monde, pag. 374. Tom. V. رو دو رو دو رو Sur ce principe: ce fot ses paroles: il faudra conclure que Monsieur Ménage est un excellent Poëte: & qu'au contraire on n'a trouvé jusqu'ici que des Versificateurs froids & languissans dans toute la societé des Jésuites: fufsent-ils des Cafimirs, des Hofschius, des Mambruns, des Wallius, des Rapins, des Commires, ou d'autres de cette force: qui bien qu'ils ayent fait des , vers, n'ont pourtant pas jugé à propos d'y mesler des amouret,,tes, ni aucun amour profane, que pour en inspirer de l'aver دو fion, & pour en découvrir la diformité, & qui n'ont point ,, voulu fouffrir que jamais Vénus vint échauffer leur Apollon. Je répons à Mr. Baillet, que ce que j'ai dit d'Apollon dans cette Epitre ne doit pas se prendre à la rigueur des termes, & qu'il faut l'entendre commodément. La plupart des maximes de Morale, la plupart des Regles de droit, la plupart des Aphorifmes d'Hippocrate, s'entendent de la forte. Il est vrai qu'on peut réussir en vers en traitant d'autres matiéres que celles d'amour: & on peut même réussir en vers für toute forte de matiéres. Mais c'est particulièrement dans les matiéres d'amour que réuffiffent les Poetes. Non hoc Calliope, non hoc mihi diftat Apollo, dit Properce (1).. 1 Si dare vis noftræ vires animosque Thalia, : : dit Martial (2). Et Socrate dans le Sympose de Platon dit que l'Amour n'est pas seulement Poëte, mais qu'il fait les Poëtes : & que ceux qui ont le moins de disposition à la Poësie, deviennent Poëtes devenant amoureux. Euripide, felon le témoignage de Plutarque dans son Erotique, a dit à peu près la même chose. Voyez le chapitre pénultiéme de ces Remarques. 1. Liv. 2. Eleg. 1. 2. Liv. 8. Ep. 73, C. Addition au Chapitre d' Apollonius : qui est le 1127. pag. 452. M du Tome 3. Onsieur BA ILLET. On a d'anciennes Scholies sur Apollonius: qui font fort courtes, mais savantes, & utiles: ,, qu'on croit être de Tarrhæus, de Théon, & de quelques au رو tres. در دو در در L'édition nouvelle que Jérémie Hotzlin en a donnée, est ,, estimée de quelques-uns: mais d'autres n'en font gueres plus de cas que de plusieurs de celles qu'on appelle de Variorum. MENAGE. Le Scholiaste d'Apollonius est sans contestation le plus savant Scholiaste que nous ayions sur les Poëtes Grecs. Il est rempli de choses curieuses, & fingulieres. Et il entre d'ailleurs très-bien dans le sens de fon Auteur: Et il en explique aussi trèsbien les histoires: en quoi il ne faut pas douter qu'il n'ait été secouru par le Livre des Histoires qui étoient dans Apollonius, écrit par un certain Charon, disciple d'Apollonius. Ce Scholiaste parle de ce Livre à la page 115. en ces termes Χάρων, ἀνᾶ το ̓ Απολλωνίς γνώριμος ἐν τῷ περὶ Ἱφοριῶν το ̓Απολλωνία. Pour ce qui est de Jérémie Hotzlin, c'est un misérable Ecrivain. Il est tout entier dans les Ebraïsmes. Il affecte d'anciens mots qui ne font plus en usage : & il en invente de nouveaux. Je remarquerai ici en passant, qu'il parle de Conradus Rittershufius, comme de son patron. Conradus Rittershusius, sanctissimus ille Juris Interpres & vindex; idemque patronus olim meus, infigniter pius, conftans animus (1). C'est à la page 115. Il y a à la fin de son Edition d'Apollonius des Notes de Mr. Holstein, qui font fort judicieuses. Mr. Baillet n'en a point fait mention. Ce qui donne sujet de croire qu'il n'a jamais vu cette édition, & qu'il n'en a parlé que sur le rapport d'autrui. 1. M. Ménage qui doit cette citation à M. Bigot, alu das la Lettre de son ami du 17. Septemb. 1687. animus, quoi qu'il y cût amicus bien écrit. (Il y a mal lu auffi Jérémie Hotzlin pour Jérémie Hoelzlin. |