Ce que dit Mr. Baillet que Jean de Meun, dit Clopinel, Continuateur du Roman de la Rofe, étoit Jacobin, M n'est pas véritable. Onfieur BAILLET a écrit (1) au titre du Chapitre de Jean de Meun, dit Clopinel, que cet Auteur, selon l'opinion de quelques-uns, étoit Jacobin. Et dans le Chapitre, il dit affirmativement qu'il l'étoit ; & Docteur en Théologie : ce qui n'est pas véritable. Il est vrai que la Croix du Maine a écrit que selon l'opinion de quelques-uns il étoit Docteur en Théologie à Paris de l'Ordre des Freres Prêcheurs. Et par ces quelques-uns, il a entendu parler de l'Auteur de la Chronique d'Aquitaine, qui a dit que Jean de Meun étoit Docteur en Théologie : ce que le Président Fauchet ne croit pas. fe ne puis dire au vrai fon état ; dit-il dans son Livre de l'Origine de la Langue Françoile, en parlant de Jean de Meun ; combien qu'il me souvienne avoir lû en la Chronique d' Aquitaine qu'il fut Docteur en Théologie : ce que je ne puis croire. Mais, ni ce Chroniqueur, 1. Page 283. Tome IV. Tome VIII. Vu ni du Verdier, ni le Présidant Fauchet, ni Jean le Maire de Belges, qui ont tous parlé de Jean Meun, n'ont point dit qu'il fut Jacobin. Et je ne sai où la Croix du Maine peut avoir pris une chose si fausse & fi ridicule. Dans le Livre intitulé le Songe du Prieur de Saloin, dédié à Valentine Duchefle d'Orleans, il est fait mention d'un Hôtel & d'un Jardin qui appartenoient à Jean de Meun. Et Jean de Meun ordonna par fon Teftament qu'il feroit enterré dans l'Eglise des Jacobins de Paris. Et fil'on en croit l'Auteur de la Chronique d'Aquitaine, il leur laissa un coffre, avec ce qui étoit dedans: ordonnant qu'il ne feroit ou• vert qu'après son enterrement: après lequel ce coffre se trouva plein de petites Piéces d'ardoise. Ce même Auteur ajoûte que les Jacobins de Paris indignés de cette mocquerie de Jean de Meun, déterrerent fon corps: & que par arrêt de la Cour de de Parlement ils furent condamnés à le remettre en terre dans le Cloître de leur Couvent. Ce qui ne s'accorde pas, non seulement avec la qualité de Jacobin, mais avec celle de Docteur en Théologie. Et c'est pourquoi du Verdier ne croit pas qu'il ait été Docteur en Théologie. Cela me fait croire, dit-il, s'il eût été Docteur en Théologie, comme a voulu dire l'Auteur de la Chronique d'Aquitaine, ou celui duquel il l'a pris, qu'il n'eût usé de telle risée en mourant. J'ajoûte à toutes ces raisons, que (1) Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, & Martin Franc, Prévôt & Chanoine de l'Eglife de Lauzane en Savoye, qui ont écrit contre le Roman de la Rose, n'ont point remarqué que l'Auteur de ce Livre fut un Dominicain : ce qu'ils n'eussent pas manqué de remarquer, si cet Auteur eût eu cette qualité : les Prêtres séculiers n'étant pas en ce tems-là amis des Religieux. J'apprens d'ailleurs que le Pere Jacques Quétif, de l'Ordre des Dominicains, qui a fait le (2) Catalogue des Auteurs de cet Ordre, ya refuté l'opinion de la Croix du Maine. La Croix du Maine, que Scaliger dans son segond Scaligerana appelle un fou, est un des Auteurs Classiques de Mr. Baillet. 1. Le Livre de Gerson est intitulé, Tractatus Magistri Joannis Gerson contra Romantium de Rofa, qui ad illicitam Venerem & libidinojum amorem utriujque status homines quodam libello excitabat. 2. Ce Catalogue n'est pas encore imprimé. : CXXVIII. Justification des Vers & des demi Vers des Anciens, inférés : dans mes Poësies. Monfieur BAILLE BAILLET m'accuse d'avoir inféré un grand nombre de vers & de demi vers des Anciens dans mes Poëfies: car c'est ce qu'il veut dire en difant, (1) Dans la résolu» tion qu'a prise Mr. Ménage de ne rien inventer Pre rien dire >> de nouveau ; & de n'employer que des matériaux tous taillés, » & souvent des vers tous faits, il s'est signalé particulierement >> dans l'Art de les disposer selon toute l'étenduë de fon industrie. » De forte que ceux mêmes qui ont la dureté de refufer à Mr. » Ménage la qualité de Poëte, ou d'Auteur Original en Poëfie, - ne peuvent nier, sans injustice, que l'ajustement de toutes ces >> Piéces de rapport ne soit tout entier de lui: & ils font obli>gés de reconnoître qu'il ne partage la gloire qu'il a de les avoir >> ramassées, & de les avoir fi bien placées, qu'on peut dire que » c'est de la Poësie à la Mosaïque. J'ai déclaré en plusieurs endroits de ces Remarques, que j'abandonnois tous mes écrits à Mr. Baillet, & que je demeurois d'accord de toutes les choses qu'il y trouvoit à dire. Je demeure donc d'accord d'avoir inféré dans mes Poëfies un grand nombre de vers & de demi vers des Anciens. Mais comme on pourroit en cela m'accufer de vol illicite ; & qu'en effet plusieurs personnes m'en ont accusé; & que j'ai particulierement entrepris dans ces Remarques de justifier mes mœurs; je me trouve obligé de faire voir à mes Lecteurs que ce que Mr. Baillet blâme ici dans mes vers, mérite des loüanges; & que ces fortes d'imitations, ou si on veut, de larcins, ont été ordonnées par les Maîtres du métier. Vida l'enseigne dans son admirable Poëtique. Atque ideo ex priscis semper quo more loquamur 1. Page 375. Tome V. Cùm verò cultis moliris furta Poëtis, Sapè mihi placet antiquis alludere dictis, Furta velim tegere, atque meas celare rapinas. Ecoutons Scaliger dans son Confutatio Fabula Burdonum: Nam quid facient Virgilio, qui nihil pænè nisi alienum habet: fed dispositione & inventione aut fecit fuum, aut melius? Qui de Hieronymo Vida aliter fentiet quam de summo & perfectiffimo Poëta, nugas aget. Tamen si ex Christiade Poëtica, Bombycibus, ludicro Scacchiorum, omnia Virgiliana fusta sustuleris, quod vide proprium relinquetur, aut perexiguum erit, aut nihil. Ut paucis complectar; omninò corniculam Horatianam hic videbimus. Sed non eft porcorum de amaracino judicare. Si Jofepho in verfibus quos ille noctu experrectus meditari in lecto folet, aliquid ufurpatum est quod à Veteribus occupatum fuerit, quod illi maledictum exiftimant, eam laudem is ducit sibi maximam : quam id facit quod Virgilius, & alii fummi Viri fecerunt. Ecoutons Cafaubon dans son Perfiana Horatii Imitatio : Nemo qui vel fummatim humanitatis ftudia attigit, Perfii Satiras legit, quin ftatim imitationis Horatiana aliqua faltem veftigia deprehendat : tam multa enim illius tam paucis numero verfibus expreffit, ut fungum effe oporteat, cujus animum, fimul ac in hunc librum oculos conjecit, ejus rei aliqua non percutiat suspicio. Et tamen ea arte, eo judicio in hac parte usus est Poëta ingeniosissimus, ut qui adeo multa non sua ufurpat, suus tamen ubique fit, nec alieni beneficii ferè quicquam, verum propria omnia habere videatur. Κ'ὰν γὰρ παρ ἀλλε λάβητο, ιδίος ἀυτῶ χρώμενος, ἴδιον τὸ ληφθέν πιεῖ : quod olim eruditiffimi Critici de Thucydide, Homerum imitante, pronunciarunt. Et ce qui fuit. Ecoutons Pasquier Livre VII. de ses Recherches, chapitre 7. • Ronsard déroboit hardiment des traits d'uns & autres Au• teurs: mais avec un larcin si noble & industrieux qu'il n'eût * point craint d'y être surpris. Fulvius Ursinus a fait un Livre entier des choses que Virgile a prises des Grecs. Le Beni en a fait un de celles que le Tasse a prises des autres Poëtes. Et Mr. Baillet parle lui-même d'un ! |