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Critique qui fit un Livre contre Defportes, fous ce titre, (1) La Conformité des Mufes Italiennes & Françoifes: où il faifoit voir que la plupart des Sonnets de Defportes étoient traduits ou imi

tés des Poëtes Italiens.

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J'ai traité, après Vida, cette matiere dans mes Observations fur Malherbe. Et voici comme je l'ai traitée. C'est sur ce vers, D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre.

» J'ai souvent oüi dire à Mr. Chapelan, que lui & Mr. Dandilly avoient fait ce vers, fans favoir qu'il fût de Malherbe, » & dans le moment que je fais cette remarque, j'apprens de Monfieur Furetiere que la même chose lui eft arrivée. J'ai » auffi oüi dire fouvent à Mr. Corneille, qu'il avoit fait dans »fon Polyeucte, au fujet de la Fortune, ces deux vers fi célebres:

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رو

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رو

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.

Et comme elle a la qualité du Verre,
Elle en a la fragilité.

» fans favoir qu'ils fuffent de Mr. Godeau Evêque de Vence;
» car ils font originairement de Mr. Godeau, qui les avoit faits
dans fon Ode au Cardinal de Richelieu, quinze ans avant
»que Mr. Corneille les eût faits dans fon Polyeucte. Il est affez
» ordinaire de fe rencontrer ainfi dans la pensée & dans l'ex-
»preffion des autres. Porphyre dans un Fragment de fon Livre
de la Philologie, rapporté par Eufebe au Chapitre 3. du X.
» Livre de la Préparation Evangelique, fait mention d'un cer-
»tain Arétades qui avoit fait un Traité tout entier de ces fortes
de rencontres. Et à ce propos, je ne puis m'empêcher de faire
part à mes Lecteurs d'une petite Hiftoire très-agréable, que
» raconte Saint Jerôme fur ces paroles de l'Ecclefiafte, Nihil
» fub fole novum. Il dit que fon Maître Donat expliquant ce mot
de Terence, Nihil eft dictum, quod non fit dictum priùs, pestoit
» contre les Anciens qui lui avoient pris fes pensées. Pereant
» qui ante nos noftra dixerunt. Il eft, dis-je, affez ordinaire de
1. Ce Livre intitulé Rencontre des Mufes,
eft un petit in 4. imprimé à Lion chez Jacques
Rouffin l'an 1604. contenant quarante-trois
Sonnets de Delportes traduits ou imités d'au-
tant de Sonnets Italiens imprimés à côté. Il
n'y a pour Préface qu'une fimple Lifte des
noms dequinze Poëtes Italiens d'où il eft dit
que Defportes a tiré fes quarante-trois Son

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nets. L'Auteur qui a pris foin de publier cette conformité ne le nomme point, mais il y a grande apparence que c'eft un Monfieur R G. de Saint Jory fous le nom duquel il y a un pe tit Dialogue en vers imprimé à la fuite. Du Verdier page 957. & 958 de la Bibliotheque, marque auffi quelques-unes de ces imitations de Defportes.

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concourir ainfi & dans la même penfée, & dans la même expreffion des autres : & particulierement quand on a vû autrefois cette même penfée & cette même expreffion: comme Mr. Dandilly, Mr. Chapelain, & Mr. Furetiere avoient vû fans doute ces vers de Malherbe, & Mr. Corneille ces deux » de Mr. Godeau. Car il arrive fouvent qu'une chose nous de» meure dans l'efprit, & que l'Auteur de cette chofe s'efface » de notre memoire. Mais ce qui eft arrivé à Mr. de Racan, » est tout-à-fait extraordinaire. En l'année 1608. étant en gar»nison à Calais, âgé de 19 ans, il fit ces quatre vers,

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Eftime qui voudra la Mort épouvantable,
Et la faffe l'horreur de tous les animaux,
Quant à moi je la tiens pour le point désirable,
Où commencent nos biens & finiflent nos maux.

"Quelque tems après étant à Paris, & récitant ces vers comme étant de lui à fon ami Ivrante, fon ami lui dit qu'il ne donnoit point dans ce panneau : qu'il favoit fort bien que ces vers étoient de Mathieu : & que c'étoit le premier quatrain » de fon Livre intitulé, Les Tablettes de la vie & de la Mort. »Mr. de Racan qui n'avoit jamais vû ce Livre, contesta long»tems, & opiniatrément, que Mathieu ne pouvoit avoir fait » ces vers: & il ne fe rendit là-deffus que lorfqu'Ivrante les lui » fit lire dans ce Livre de Mathieu, avec le plus grand étonne»ment du monde. Je ne doute point de cette Hiftoire : étant très-perfuadé que Mr, de Racan, qui me l'a fouvent racontée, & en préfence de plufieurs perfonnes, eft un homme trèsvéritable: mais je doute fort de ce que dit Leonardo Salviati au Livre premier de fes Avertiffemens de la Langue Italienne, qu'un Poëte de fon tems qui n'avoit jamais vu les Sonnets du Cardinal Bembo, en avoit fait de tous femblables. Quoi qu'il »en foit, il n'y a guére de Poëte à qui il n'arrive de faire quel"ques vers qui fe trouvent dans d'autres Poëtes, & par là on peut juger, combien font injuftes & ridicules ceux qui décrient aujourd'hui les Poëmes les plus achevés, pour y avoir rencontré quelques hémistiches des Anciens: qui à proprement parler, ne font que des phrases du langage Poëtique. Et en cela ils font d'autant plus injuftes, & d'autant plus ridicules, qu'il eft permis aux Poetes de prendre des Anciens

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des vers entiers. Les Grecs & les Latins, & les Italiens, qui ne cedent de guére aux Grecs & aux Latins, en ont tous ufé de la forte. Et c'est auffi de la forte qu'il en faut ufer:comme »je le ferai voir dans ma Differtation du larcin & de l'imitation des Poëtes. Cependant, voyez ce que dit là deffus Vida dans fon admirable Poëtique. Mais quoiqu'il foit permis à tout le monde, il n'eft pas donné à tout le monde de prendre des » anciens Poëtes célebres. Il faut que les vers parmi lefquels on mêle ceux de ces grands hommes, ne leur foient point inferieurs car il ne faut pas coudre de la pourpre avec de la bure, & comme difoit Virgile, il eft plus aifé d'ôter la maffuë » à Hercule, que de prendre un vers à Homere.

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Defcendons maintenant dans le particulier : & voyons les Vers que j'ai pris des Anciens.

CXXIX.

Examen des Vers des demi Vers des Anciens, inferés dans mes Poëfies.

J'A

'Aj dit dans mon Epigramme à Mr. Heinfius ; qui eft la 50°. de mes Epigrammes Latines; Heinfi, Caftalidum decus Jororum. Et Martial a dit dans l'Epigramme 14. de fon Livre IV. Sili, Caftalidum decus fororum. On crie là deffus contre moi au voleur. Un homme de lettres, au nom duquel je pardonne, m'ayant traité de plagiaire au fujet de ce vers Heinfi, Caftalidum decus fororum, & de cet autre, Pereri, Aonidum decus immortale fororum, de mon Elégie à Mr. du Périer & à Mr. Santeuil, qui étoit, difoit il, de quelqu'autre Poëre ancien ; il me vint prier quelque tems après de lui corriger une Epitre Dédicatoire qu'il avoit faite. Après lui en avoir corrigé plufieurs endroits, je lui dis qu'il en avoit pris le commencement & la fin d'une Lettre de Balzac. Il me fit de grands fermens qu'il n'avoit pris de Balzac ni cette fin, ni ce commencement : & qu'il falloit qu'il eût concouru avec lui. Je fis apporter un vo lume des Lettres de Balzac : où je lui fis voir qu'une de ces Lettres commençoit par le mot de Monfieur, qui étoit le mier mot de fon Epitre Dédicatoire, & qu'elle finiffoit par ces mots, Votre très-humble & très-obéissant ferviteur, qui étoit la fin de la même Epitre. Et je lui dis que de m'accufer d'avoir pris de Martial, Cafalidum decus fororum, & de cet autre Poëte,

pre

Aonidum

Aonidum decus immortale fororum, c'étoit m'accufer d'avoir pris le mot de Monfieur, d'une Lettre de Balzac. Il en eft de même de ce Vers Difertiffime quot fuere, vel funt, de mon Epigramme à Mr. Pucelle Avocat au Parlement : qu'on prétend qui eft dérobé de Catulle.

J'ai dit dans mon Elégie à Mr. Bachot,

Ne mihi, ne pigeat, fido veterique Sodali,
Ne.pigeat medicas applicuiffe manus.

Et dans l'Epicedium de Mr. Corneille, en parlant à Apollon,
Auteur de la Médecine, j'ai dit,

Divino nonne Poëte

Debueras medicas applicuiffe manus.

On m'accuse d'avoir pris ces endroits de ces vers de Tibulle, qui font de fon Elégie à Phœbus:

&

Crede mihi, propera: ne te jam Phæbe, pigebit

Formofa medicas applicuiffe manus.

Je répons à cette accufation que medicas applicare manus n'est
pas une penfées que ce n'eft qu'une phrafe, qui fignifie guérir:
que de m'accufer d'avoir pris cette expreffion de Tibulle,
c'eft m'accufer d'avoir pris de Tibulle le mot de guérir ; manus
medica a été dit par tout le monde. Vincere quos medica non po-
tuere manus, dit l'Auteur de l'Epitaphe d'Eutiches, conducteur
de chariots. Mais qui n'a point dit medicas applicare, ou adhi-
bere manus? Virgile a dit dans le 3. des Géorgiques, Dum me.
dicas adhibere manus ad vulnera paftor Abnegat. (1) Jean de la
Cafe a dit fur la mort de Flaminius,

Aureus ille fenex, vita qui licia Parca',
Intacta ducunt candidiora nive,
Qui nec Principibus, urbi nec fcilicet agre
Formidet medicas adplicuiffe manus.

1. Ces vers du Cafa ne font pas fur la mort de Flaminius, c'eft une plainte aux Manes de Flamin'us contre le Priuli, qui au préjudice du plaifir que le Cafa trouvoit à Rome dans la converfation de Galeazzo Florimon-, te, Evêque d'Aquin, avoit fait des vers pour exhorter cet Evêque à retourner en fon DioTome V111.

cefe. Aureus ille fenex, regarde Galeazzo
Florimonte, & non pas Flaminius. Les vers
du Priuli fe trouvent dans le Recueil des vers
Latins des Poëtes Italiens. C'eft cet Aloyfius
Priulus tant loué par M. de Thou, à la fin du
20. Livre de fes Hiftoires.

Xx

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Le Pere Rémond, Jéfuite a dit,

Audiit alma parens, agroque adlapfa gementi eft:
Et vifa eft medicas applicuiffe manus.

J'ai dit dans la même Elégie à Mr. Bachot,

Uror, ut incenfa flammis uruntur ariste:
Uruntur facris ut pia thura focis.

On dit que j'ai pris ce dernier vers de Tibulle: qui a dit, Vrimur, ut celeres urunt altaria flamma. Et moi, je dis que l'expreffion de Tibulle eft vicieuse: & qu'après avoir dit Vrimur, au paffif, il falloit continuer de même, & dire, ut uruntur: & non pas, ut urunt, à l'actif.

J'ai dit dans l'Epigramme 26. de mes Epigrammes Latines, au fujet de Fabianus, qui étoit un homme inquiet:

Mortuus hoc tandem, tumulo, Fabiane,quiefcis.
Ingenio levior fit tibi terra tuo.

On dit que j'ai imité cette Epigramme de ces vers de Martial, au fujet d'un Barbier qui avoit la main extrêmement légere: Sis licet, ut debes, tellus pacata, levifque,

Artificis levior non potes effe manu

(1) Et moi, je dis que mon distique vaut mieux que celui de
Martial. Le mot pacata eft fuperflu dans l'Epigramme de Mar-
tial: & quand il y feroit néceffaire, il n'y a rien qui s'y rap-
rapporte enfuite. Il y faudroit un,
pacatior, pour répondre à
pacata: comme levior, répond à levis.
J'ai dit dans mon Epigramme 103.

Seriùs ut repetant formofam Numina Nympham,
Quâ non in terris dignior ulla polo:

Qua frueris tantis, Regina Lutecia, donis,
Calicolûm fupplex da pia thura patri.

On dit

que j'ai pris ces vers de ce diftique de Martial: (2)

1. Pour moi je ne trouve bonne ni l'une
ni l'autre de ces Epigrammes; ni celle de
Martial, par la raison qu'en apporte M. Mé-
nage; ni celle de M. Ménage, parce qu'ayant

dic
que Fabien n'a jamais eu l'efprit en repos
pendant la vie, & fouhait enfuite que la

terre qui le couvre après fa mort foit pour lui dans une agitation encore plus grande, au lieu de lui fouhaiter du bien, comme il femble en avoir l'intention, il ne lui fouhaite que du mal.

¶ 2. Livre 1. Epigram.

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