Mais Mr. Baillet (1) n'est-il pas plaisant de m'accuser de n'être pas Poëte original, lui qui n'est qu'un Copiste de Copiste: & qui fait profession dans son Livre, de ne dire rien de luimême, ou, pour user de ses termes, de ne rien dire de sa tête ? CXXXV. Faute de jugement de Mr. Baillet, au sujet de deux de mes Epigrammes Grecques. دو M Onfieur BAILLET (2). Les sources d'où nous font venues les Poëfies Latines, Françoises & Italiennes de >> Mr. Ménage, ne font pas si profondes qu'on ne les puisse aifé>>>ment découvrir. Celles d'où les Grecques se sont (3) écoulées, >> paroissent un peu plus cachées, parce qu'elles ne viennent >> pas toutes des anciens Poëtes Grecs, & qu'il s'en trouve qui >> sont traduites des Poëtes Latins, anciens & modernes. Et je >> ne puis celer le plaisir que j'eus l'hiver dernier, de voir un >> enfant âgé de neuf ans, qui en lifant les Poëfies Grecques >> de Mr. Ménage, pour son divertissement, y remarqua de lui» même quelques Epigrammes de Martial & de Buchanan; & >> m'en convainquit par la confrontation qu'il me fit sur le >> champ, des originaux Latins avec les copies Grecques. MENAGE. Je ne sai qui eft ce jeune enfant, qui, à l'âge de neuf ans lifoit Martial, Buchanan, & mes Poëfies Grecques, & qui les entendoit fi parfaitement. Je voudrois bien le favoir, afin de lui donner les loüanges qu'il mérite. Mr. Costar a dit en quelque endroit de ses Lettres, qu'il ne faut pas être grand Grec pour entendre mon Grec. Et Mr. Boivin le jeune difoit à ce propos, qu'il ne falloit pas en effet être grand Grec pour entendre mon Grec, mais qu'il faloit l'être, pour faire des vers Grecs auffi faciles & aufli intelligibles que font les miens. Mais quelque intelligibles & quelque faciles qu'ils foient, c'est une merveille qu'un enfant de neuf ans les ait entendus aussi facilement que les a entendus celui dont parle Mr. Baillet. On veut me faire croire que cet enfant est le fils de Mr. de Lamoignon. Je ne le puis croire: car M. Baillet qui est son Pédagogue, & qui a déclaré la guerre aux vers de galanterie honnête, ne lui auroit pas fans doute permis de lire Martial & Buchanan, qui sont des Poëtes remplis d'obscénitez : & il ne lui auroit pas non plus permis de lire mes vers, puisque, selon lui, mes vers font des vers licentieux, & qui offenfent la pudeur. Mais voyons ce que veut dire ici le Cenfeur de nos mœurs, en m'accusant comme d'un crime, d'avoir traduit en Grec une Epigramme de Martial & une de Buchanan. Voici l'Epigramme de Martial: Artis Phidiace toreuma clarum, Pifces adfpicis: adde aquam, natabunt. Et voici comme je l'ai traduite: Πραξιτέλος ἰχθῦς καλὸν βλέπε, φίλε, πορεῦμα. Ce n'est pas un crime de traduire d'une Langue en une autre. Catulle, Virgile, Horace, ont traduit un grand nombre d'endroits des Poëtes Grecs. Mais c'est un crime de dérober les Ouvrages d'autrui. Il faut donc voir fi j'ai dérobé cette Epigramme à Martial, en me l'attribuant. A Navio, vel sumpsisti multa, si fateris : vel, si negas, furripuisti, dit Ciceron dans fon Brutus. Ai-je jamais nié que mon Epigramme Grecque fut une traduction de Martial? Et puisqu'un enfant de neuf ans s'est apperçû que c'étoit une traduction, tout le monde s'en peut appercevoir. Et puisque tout le monde s'en peut appercevoir, je n'ai pas û le dessein de m'attribuer la pensée de Martial. Ce que Mr. Baillet dit de ce jeune enfant âgé seulement de -neuf ans, fait donc contre Mr. Baillet. Et fi Mr. Baillet avoit du jugement, il auroit fupprimé cette particularité. Il n'étoit donc pas nécessaire (1) de mettre au titre de mon Epigramme, que 1. Je n'aurois pas voulu dire cela, fi j'avois été à la place de Mr. Ménage, à cause de la consequence. En effet, s'il ne s'est dispensé de mettre au titre de son Epigramme que c'étoit une traduction, que parce qu'il ne l'a pas crû nécessaire, & qu'il n'y avoit perfonne qui put aifément s'en appercevoir, il s'en fuivra qu'à l'égard des autres morceaux de sa Poësie, dont la source sera plus cachée, Mr. Ménage aura tort de ne l'avoir pas découverte. Que faudra-t-il donc croire de fon Madrigal Italien, intitulé Ferita d'ago? Di Fillide vezzofa Che del regno d' Amor lo scettro porta, A gli amanti cortese Di quella man leggiadra Anzi omicida e ladra Tu bramasti punir ben mille offese. Rubò, nol niego, mille alme amorose, Ed a petti tremanti Ce n'est pas vouloir trop de bien à sa Maîtrefle, que de fouhaiter qu'une équille lui pique le cœur, il vaudroit autant lui souhaiter la mort. Mr. Ménage est trop judicieux pour avoir naturellement une pensée si peu raifonnable, il la doit à ces Phalenques de Bonnefons. Dic, acus, mihi, quid mea puella Ah ne molliculas manus, inepta, Hac te cuspide vulnerafsse pectus On voit la conformité. Conclurra-t-on de ce que Mr. Ménage ne nous en a rien dit, qu'il n'a pas jugé à propos de citer l'original, parce qu'il a bien prévu qu'on le reconnoîtroit aifément dans la copie? Si ce raisonnement a licu, on n'aura,pour l'appliquer, qu'à faire un dénombrement de tous les endroits des Poëfies anciennes & modernes que Mr. Ménage a copiez. J'essaierai d'en donner ici un échantillon. La Giraudiére pag. 123. de ses Epigrammes, & L'Etoile pag. 900 duRecüeil de 1638. ont eu la même pensée. MENA G. Madrig. 1 v. Il cor ripieno d'amoroso foco Di Filli fola ch'i sospiro e bramo Tricotet d'un Auteur incertain pag. 44 dela 2. partie des Poësies choisies. Il est vrai que j'aime en deux lieux, J'aime votre bouche & vos yeux; Dans le Recüeil des plus beaux vers mis en chant, imprimé chez Serci l'an 1661. pag: 175. il y a un air dont voici les paroles, qui font du Comte de Fiesque. Ti est vrai que j'aime en deux lieux, Ces deux endroits ont des appas MENAGE. Epig. 70. Compofuit tua cura vigil fera bella per orbem, Et perte Gallo vivit amicus Iber. Sunt hac magna quidem, sunt te digniffi. ma, Juli, Sed fupereft major gloria, majus opus. Confice, namque potes, que, tot labenti bus annis, Sors mala cum Musis aspera bella gerit. BENSERADE BENSERADE, fur la Paix. • La Discorde aux abois n'en sauroit relever, MENAG. Epig. 116. Calvus es & juvenis, laudo, Crispine, capillos, Qui cito tam fatuum deferuere caput. Simon de Vallambert Médecin d'Avalon, a exprimé de la sorte ce mot de Diogéne plus de cent ans avant Mr. Ménage. Calve, mihi tecum nihil est, sed laudo ca- Istud qui tetrum deferuere caput Paul dit qu'à la Dauvais, Je le croi, car fans cesse il lui parle à l'oreille. lam. G. BUCHANANUS lib. r. Illa mihi femper prafenti dura Neara, Sed se non nostro poffe dolore frui. En voici une méchante traduction en vers Lorsque je suis près d'Isabelle, Hac est illa meis toties celebrata Camenis Ni fugias, & tu savo miser igne calebis, Tes. Castior hac, & non doctiorilla fuit. MENAG. in Pelasgum, Omnes Pelasgas rex Pelasgus feminas Ou comme dans la premiere édition, MARTIALIS 1. Epig. 85. Paterfamilia verus est Quirinalis. Et SANNAZAR, I. Epig. 38. a dit du Pape Innocent vIII. Innocuo priscos aquum est debere Quirites, • Progenie exhaustam restituit patriam. MENAG. Epig. 31. Siren Gallica, &c. SANNAZARIUS Epig. lib. 1. Dum patriam laudat, damnat dum Poggius hostem, Nec malus est civis, nec bonus histori Qui laudat cunctos, & pravos, Pontice, laudat, Qui cunctos carpit, carpit & ille bonos. Par cet Hylas, Mr. Ménage a fans doute entendu le Mazzoni, & par Gallistratus le Caftelvetro L'Epigramme est tirée de celle-ci de Martial x ΙΙ. 82. Ne laudet dignos, laudat Calliftratus omnes, Cui malus eft nemo, quis bonus effe potefte MENAG. Eiς Δημόφιλον. Δημόφιλο, φίλε Βάτιε, λόγος ποιήσατο ρήτωρ Εἰς φθόνον, ὡς. Φθονέειν μηδένα Δημοφίλῳ, ANG. POLITIANUS. Scripfit in invidiam quidam, Francifce, Cor mihi te furto furripuisse queror. Έρως ποτ' ἐν χορείαις Την μοι φίλην Κορίνταν |