Mr. l'Abbé Huet, dans sa belle Elégie sur le Thé: Non ego divini penitus sum muneris expers : Il est à remarquer que Mr. l'Abbé Huer est un homme très-modeste, & qu'il y avoit déja quelque tans qu'il étoit nommé Evêque de Soissons, lorsqu'il fit cette Elégie. Les Poëtes Italiens & Espagnols, & tous les autres généralement, en ont usé de la forte. Lisez les Odes de Mr. Francius. : CXLI. Réfutation de ce qu'a dit Mr. Baillet, que je parle de moš fans ceffe, & que je suis amoureux de moi-même. Onfieur BAILLET (1). Innocemment, & dans la plers dumonde, je me mets à la lecture des >> livres de Mr. Ménage, comme d'un Auteur grave & de grande >> réputation : fans autre préjugé que celui qu'avoient formé en > moi toutes ces rares qualités dont je viens de parler. J'y trouve > effectivement cette érudition que j'y cherche, mais je la trouve > presque par tout enveloppée d'un je ne sai quoi, que le mérite > de M. Menage m'a toujours empêché d'appeller par fon nom;& qu'un Ecrivain Grec appelleroit Philautic dans un Athénien (2) رو 1. Tome III. page 233. de son Eclair- 9. Pourquoi un Athénien ? cissement. » qui auroit été moins vertueux que cet Abbé. J'apperçois à tra >> vers une infinité de belles chofes, un certain caractére d'efprit qui fait en moi des impressions fâcheuses. Je tâche de m'en défaire, en passant d'une matiere à une autre: mais je me re>> trouve par tout. Je change de. Traité & de Livre: & ce font >> des rencontres perpétuelles entre mon Auteur & fon Lec>>>teur. Comme on se fait à tout, & comme l'habitude appri» voile enfin les humeurs les plus farouches, en lifant Mon» sieur Ménage, je m'accoutume insensiblement à ne me >> point mépriser moi-même, quoique je fois convaincu d'ail» leurs que je suis le plus miférable de tous les hommes, lors > même que je me regarde dans le miroir de mon Auteur. Et >> parce que j'ai oüi dire qu'il faut se mépriser, & que j'en „ trouve même la pratique & l'exemple dans Mr. Ménage, je >> m'accoutume insensiblement à me mépriser par artifice, & >> peut-être par vanité. Dieu permet que je m'en apperçoive: » & j'ai la malignité d'attribuer ces mauvais effets a la lecture » de mon Auteur. MENAGE. Mr. Baillet qui m'accuse ici de Philaftie; c'est ainsi qu'il faut dire, & non pas Philauties ne me connoît point: & il ne m'a jamais vù. S'il me connoissoit; s'il m'avoit pratiqué, il ne diroit pas que je suis amoureux de moi-même. J'en suis au contraire très-mal fatisfait. Rien ne me contante en ma personne. Tout ce que j'entreprens ne me réüffit point. Et j'ai pris pour devife ce mot de Publius Syrus, Nil agere, femper infelici, est optimum. Mais s'il étoit vrai que je fufle amoureux de moi-même, j'aurois beaucoup de rivaux : car j'ai le bonheur d'être aimé d'un très-grand nombre de personnes: au nombre desquelles je mets le patron de Mr. Baillet. "MR. BAILLET. (1) Mais quelque mal édifié qu'on puisse >> être du caractére qui regne dans les Ecrits de Mr. Ménage, >> rien ne nous empêche de prendre même pour une vertu, au >> moins naturelle, la qualité dominante qui fert à la former. >> Cette qualité, à quiconque y regarde de près, ne paroît autre >> qu'une naïveté: qui eft fans doute un des grands ornemens de >> l'ame, lorsqu'elle est accompagnée d'une franchise & d'une >> fimplicité qui n'a rien de niais ni d'indifcret. On peut dire » que c'est ce qui a porté Monfieur Ménage à se dépeindre • dans ses Ecrits tel qu'il est sans fard & fans déguisement : 1. Même page de fa Eclaircissement, : > toujours disposé à louer ses amis, à blâmer ceux qu'il prend >> pour ses ennemis, à cenfurer & à approuver avec une facilité >>égalle, à parler volontiers de lui-même ; tantôt en bien, >> quand il en peut faire naître l'occafion; & quelquefois en » mal: aimant mieux dire du mal de lui-même que de n'en >> rien dire du tout : selon la maxime de Mr. de la Roche>> Foucaud. MENAGE. Mr. Baillet qui m'a accuséde Philaftie dans l'article précedant, m'auroit ici accusé de Periastologie, s'il avoit fu ce mor Grec. Mais pour repondre à ce qu'il dit , que je parle de moi sans ceffe, & que j'aime mieux en dire du mal que de n'en point parler, je lui soutiens que cela eft faux. Je ne parle de moi ni dans mes écrits, ni dans mes discours, que quand il est question d'en parler. Et j'en parle moins dans mes écrits, que St. Paul, que St. Augustin, que St. Jérôme, ne parlent d'eux dans leurs Ouvrages. Mais Mr. Baillet ne parlet-il point de lui? Et le moyen de faire des Lettres; de faire des Dédicaces; de faire des Apologies de soi-même, sans parler de foi-même ? CXLII. Diverses endroits de mes Poësies où j'ai parlé de moi avec modestie. NUBLEE delibate flos facundia, Dans mon Elégie sur la mort du Pere Bourbon : Ingenii quodcumque fuit dolor abstulis amens: Nos humiles anime, &c. : ; Dans mon Elégie aux Eaux de Bourbon : Nympha Borbonides, medicati Numina fontis : Dans mon Elégie à Mr. du Perier & à Mr. Santeuil : Vera loquor : nifi pars vobis funt Musica regna, Dans mon Epigramme à Mr. de Marigny Carpentier ; Possis linquere tu tuum sodalem ? Dans mon Epigramme 85. à Mademoiselle de la Vergne: Di faciles dederunt, pulchra LAVERNA, tibi. 4 J'ai dit dans mon Epigramme à Elzevir Imprimeur d'Amsterdam: Quid rerum video? ó Dei, Deaque! Et dans mon Epigramme à Mr. Charles Caton de Court. Carolus Ægidium celebravit carmine, quidni? Et dans mes Poësies Grecques, page 182. Φημί δε, γηράσκω, πόλλ ̓ ἐπιληθόμένο (1). t. Je croirois plûtôt qu'il y auroit de la vanité à dire cela que de la modestie, comme si l'on vouloit infinuer qu'à force d'être savant on est plûtôt en état d'oublier une partie de ce qu'on fait que d'apprendre rien de nouveau. |