Et dans mon Eglogue, intitulée Christine : A quoi tendent, Daphnis, tant de discours flateurs? Veut que dans ses valons je garde ses troupeaux. J'ai parlé de même de moi avec modestie dans un nombre infini d'endroits de ma profe. Et Mr. Baillet qui en plusieurs endroits de ses Ecrits m'accuse de vanité, dit ailleurs que je suis modefte. C'est à la page 232. Tome III. de ses Eclaircifsemens. Voici l'endroit : " Quoique je n'aie jamais eu l'hon»neur de connoître Mr. Ménage que par la lecture de ses Ou>> vrages, je n'ai pas laissé de reconnoître fur la foi de ses amis, > que c'est un homme d'une probité particulière, d'une hu>> meur très-officieuse & très-caressante: d'une modeftie & >>d'une franchise semblable à celle des anciens. « Mr. Bayle dans le Jugement qu'il a fait de mes Origines de la Langue Italienne, dans sa République des Lettres de 1686. m'a aussi loué de modestie. Le Pere Vavasseur a dit de moi dans une de ses Epigrammes, que j'étois un homme sans faste : Te doctum, largum, vacuum fastuque, doloque Et Mr. Pearson, Evêque de Chester en Angleterre, m'a loué de modération & de candeur. Ses paroles ont été rapportées ci-dessus au chapitre 23. CXLIII. Réfutation de ce qu'a écrit Mr. Baillet que j'ai fait un Recüeil de mes Eloges. دو M Onfieur BAILLET. » Mais dans la peine où je me trou vois de pouvoir ramasser tous les Éloges que Mr. Mé» nage a reçus de différantes personnes, je me suis senti tout >> d'un coup foulagé par la bonne nouvelle qu'un de mes amis >> vient de m'apprendre, & qui me fait connoître que Mr. Mé. * nage travaille ferieusement à les receuillir lui-même, & à >> en faire un juste volume, pour en regaler le Public : dont • il croit flater le goût, & procurer l'avantage par ce nouveau • service. Tome II. pag. 660. MENAGE. Ce que dit ici Mr. Baillet que j'ai fait le Receüil de mes Eloges, est une preuve incontestable qu'il m'a traité de Pédan, lorsqu'ila dit, (1) » C'est une pédanterie de se croire • fi peu faillible, & fi fort à l'épreuve de la censure, que de » s'assurer que les libelles qu'on fait contre un homme qui tra- vaille pour acquerir de la réputation, lui font plus glorieux » que ceux qui ont été faits à sa louange : « ( Il devoit dire, que les Livres qui ont été faits à sa louange ) » & ne laisser pas >> de receüillir tous les témoignages d'estime que les Savans • ont rendus à son mérite, pour en tirer avantage & en en- tretenir sa propre vanité. « Je supplie mes Lecteurs de remarquer que lorsque Mr. Baillet a dit de moi toutes ces choses injurieuses, je ne savois pas qu'il fût au monde. Mais où est ce Receüil de mes Eloges ? Où a-t-il été imprimé ? Qui est celui qui l'a vu manuscrit ? Il faut expliquer à Mr. Baillet ce que c'est que ce prétandu Receüil de mes Eloges. Un de mes freres, qui étoit Lieutenant Particulier au Siége Présidial d'Angers, étant mort à l'âge de 34. ans, quelques années après sa mort, je pris le dessein de faire les Vies de quelques personnes illustres de fa famille & de celle de sa femme Madelaine Louet, & de les adresser à Pierre Guillaume Ménage, son fils, Capitaine au Kégiment de Piémont, pour l'exciter à l'étude de la vertu. Je fis imprimer en 1674. la Vie de Mathieu Ménage, Député par l'Evêque & par le Chapitre d'Angers au Concile de Bafle, & Député ensuite par les Peres de ce Concile au Pape Eugêne IV. Et quelque tans après, je fis imprimer la Vie de Pierre Ayrault, Lieutenant Criminel d'Angers, mon grand-pere maternel : celle de Guillaume Ménage, Avo. cat du Roi d'Angers, mon pere: celle de Jan Des-Jardins, Médecin Ordinaire de François 1. grand-pere maternel de Guionne Ayrault, ma mere: & celle de Joseph le Tellier, Général des Minimes, grand-oncle de ma mere. A la fin de la Vie de mon pere, je m'engageai à écrire la mienne. Voici l'endroit : Hactenus de liberis GUILLELMI MENAGII, avi tui: nam de me, quem ad aliquam ingenii atque eruditionis famam perveniffe putant populares mei; liceat enim mihi apud te 1 Page 53. de son 1. To. ch. 14. ر gloriari; aliàs ego ad te, si vacat annales noftrorum audire laborum. Pour écrire ma Vie, j'ai û besoin de voir tout ce que les Auteurs avoient dit de moi, dans leurs Ouvrages en bien & en mal. N'aiant pas tous les Livres où il étoit parlé pour & contre moy, car ces Livres font en fi grand nombre qu'ils pourroient composer une petite Bibliotheque, je priai quelques uns de mes amis, qui avoient ceux que je n'avois pas, de m'extraire les louanges & les injures qu'on avoit écrites de moi dans ces Livres : ce qu'ils firent. Qu'est-ce qu'il y a à dire à cette action ? Il y a deux mille personnes qui ont écrit leur propre Vie. Ac plerique fuam ipsi vitam narrare, fiduciam potiùs morum, quam arrogantiam arbitrati funt. Nec id Rutilio & Scanro citra fidem, aut obtrectationi fuit; adeo virtutes iifdem temporibus optimè estimantur, quibus facillimè gignuntur, dit Tacire dans la Vie d'Agricola. Scribam ipfe de me, multorum clarorum virorum exemplo, dit Ciceron dans sa belle Lettre à Lucéïus. Dicitur Lucilius vitam fuam scripfiffe, & non fibi peperciffe, dit le Vieux Commentateur d'Horace, Livre 2. chapitre premier. Il est au reste à remarquer que les choses injurieuses qu'on a écrites de moi, furpassent celles qui ont été écrites à mon avantage. Et tous mes Ecrits sont remplis des plaintes que j'ai faites au fujet de ces chofes injurieuses. J'ai dit dans la Préface de mes Obfervations sur la Langue Françoise: Non-feulement je n'ai jamais offanfé personne, >> sans y avoir été excité par quelque outrage, mais j'ai toujours > rendu à tout le monde tout le service dont j'ai été capable: & j'ai été affez hureux pour n'avoir pas été inutile à plufieurs - personnes; Cependant, par je ne fais quelle fatalité, on a fait >> des Bibliothéques de libelles contre moi. " J'ai dit dans ma Préface de Laërce: Si quis verò de erroribus meis privatim me atque amicè monere volet, ne ille magnamà me gratiam iniverit. Nec me tamen inimicum habebit, si palam atque acerbius reprehenderit. Sed fi minùs humanè mecum agere maliti nefcio enim quo fato ; certè nullo meo facto ; famofos libellos invidi ac malevoli bomines in me fcribere huo usquenon distiterunt, &c. J'ai dit dans la Dédicace de mes Aménitez de Droit à Mr. Nublé : Qui miki koc negotium facefferunt, non tuliffem olim juvenili calore inconfideratior. Illorum obtrectationes & maledicta fre. giffem, atque retudissem. Illos deridendos propinassem. Iltos denique ipfos altis vulneribus confodiffem. Et Et nos tela, pater, ferrumque haud debile dextrâ Quin & isto ipso in genere fcribendi in quo plurimùm se poffe putant, eos nihil posse, facile oftendissem. Verum & mitiores & meliores facti fumus accedente atate : diuturnisque amicorum injuriis ad dolorem novum animus nofter obduruit. Ingrati erunt, Invidi, Malefici, maledici, donec homines. Illorum igitur ingratum animum, invidias, injurias, Maledicta, dicteria, scommata, immotus ut Philofophum & Christianum decet, sino praterfluere. Qui me ament, qui mihi faveant, qui mea tueantur, non deerunt viri honesti : quorum amicitia & ftudiis delectabor potiùs, quàm illorum injuriis aut maledictis laborabo. Et ensuite : Hanc meam & Advocatorum munere fententiam fi perspectam habuissent Invidi ac Malevoli, qui me Advocatum fuiffe, ut mihi injuriam facerent, exprobrarunt, ab hac exprobratione, certò scio, temperassent. Illud verò pufilli animi fuit; & ipfd invidiâ ac malevolentiâ jejuni, quòd Presbyter ille & Concionator, Quem tulit ad scenam ventoso gloria curru, In fronte libelli famosi, quem de Constitutione Comædie adverfus me fcripfit, ut audio, (neque enim legi, neque legam) viginti & amplius annis, ex quo Foro vale dixeram mihi Advocati titulum affixit, Affixit verò injuriofis verbis, me Magistrum Ægidium appellando : quo nomine, non Proceres, non Rex ipse, si de me, aut ad me fcriberent, me appellarent. J'ai dit dans ma Préface sur Malherbe: » J'aurois pu faire >> voir au Public que les Gazettes de ce nouvel Aristarque qui - vient ici censurer les plus célébres Ecrivains du fiecle ; lui > qui n'a rien écrit, & dont le nom n'a été imprimé que dans >> les Listes de la quatriéme Chambre des Enquestes, ne font, » pour user des termes de Mr. Sarafin, que Billevesées Heb>> domadaires : Et fa dignité, quelque respect que jaie pour » elle, ne m'en auroit pas empêché. Maledici Senatoribus non > oportet: Remaledici, civile, fasque eft. Mais je tire trop de gloire >> de ceux qui écrivent contre moi pour écrire contr'eux. Il » n'y a guére d'hommes savants dans l'Europe qui ne m'aient > donné dans leurs écrits des témoignages de leur eftime : Et Tome Vil1. Hhh "plusieurs même d'entr'eux m'ont fait l'honneur de m'adresser » de leurs Ouvrages. Cependant, je le di encore comme je le >> pense, tous ces témoignages d'estime de tant de grands hom- mes, quelqu'avantageux qu'ils foient à ma réputation, le • font beaucoup moins que les injures que je ne fai combien >> de petits envieux ont publiées contre moi dans leurs Rapso» dies. Et les Libelles qu'on a faits pour me diffamer, me lont >> infiniment plus glorieux que tous les Livres qui ont été faits » à ma louange. Remarquez que Mr. Baillet a dit que ma Morale étoit une Morale de. Payen, parce que j'ai employé ce passage de Suétone, Maledici Senatoribus non oportet: remaledici, civile, fafque est. Je reviens aux Auteurs qui ont écrit contre moi. Après le grand nombre de Livres qui ont été faits contre moi, dont j'ai parlé aux endroits que je viens de rapporter, comment Mr. Baillet a-t-il pû écrire les paroles suivantes? (1) » Je ne trouve >> pas étrange que Mr. Ménage, après s'être loué lui - même, >> se fasse louer par d'autres comme un excellant Poëte : mais » la difficulté est de se faire aussi mépriser par d'autres, comme >> il s'est méprisé lui-même. Il paroît avoir voulu se réserver à » lui seul le droit de se mépriser. Si quelqu'un vouloit se join> dre à lui pour cooperer avec lui dans le même dessein, & fi >> on lui demandoit feulement fon consantement, pour publier, • autorifer, ou amplifier ses mépris, je parie contre l'égalité » ou la sincérité de fon cœur. Je doute qu'il voulût recevoir de >> la part d'un autre les mépris ou le blame avec la même tran>>quillité que les louanges qui lui viendroient aussi d'un autre: >> quoiqu'il n'ait peut-être qu'une même disposition d'esprit, un >> même cœur, & une même fin, lorsqu'il entreprend de se louer » ou de se blâmer lui-même. Ainsi ce mépris volontaire, que >>l'Ecole appelleroit sans doute plutôt actif que passif, paroît > être une maniére de parler figurée & mystérieuse, qui a > beaucoup de rapport intérieur avec le defir secret de la louan"ge, & qui part peut-être d'un même principe. Desorte que >> certe maniére de se mépriser pourroit bien être comprise dans la définition d'une nouvelle espéce d'humilité que l'Ecriture >> Sainte nous a donnée dans un des Livres de la Sagesse. - Ou est la bonne foi de Mr. Baillet? Mais où est son jugement 1. Tome V. page 310. |