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au sujet de mes Observations sur cet Auteur, il a ajoûté à son Epître dédicatoire une grande Lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'adresser. C'est dans cette Epître Dédicatoire, qu'il m'a appelé un grand ornement de l'Eglise Gallicane: ayant remarqué quelque forte d'érudition dans mes écrits, & croyant que je fusse véritablement Abbé, parce qu'on m'appelloit l'Abbé Ménage. Harum reliquiarum (Il parle de l'Histoire des Phisosophes) locupletissimus penus, ac pene folus, est Diogenes Laërtius : in quo illustrando cum nonnulli operam fuam haud male collocassent, noviffime ÆGIDIUS MENAGIUS, Ingens Ecclefie Gallicane ornamentum, pro eo quo eft ad bonarum litterarum studia promovenda liberali animo, Obfervationes fuas, fanè doctissimas, in hanc Infulam noftram imprimendas, edendasque mifit. J'ai fait le premier des railleries de cette méprise. Mr. Baillet a pris la chose sérieusement. Il a apprehendé que la Posterité sur le témoignage de Mr. Péarfon ne me prêt pour le plus grand ornement de l'Eglise Gallicane de nôtre siécle, au préjudice de Mr. de Harlay Archevêque de Paris. Et là-dessus, il a averti le Public que Mr. Péarson Prélat Protestant, en me donnant cet Eloge, avoit û seulement égard à mon Bénéfice: qui est le seul endroit par où j'ai quelque rapport à l'Eglise Gallicane. Et parce qu'il a sù depuis que je n'avois point de Bénéfice, il en a aussi averti le Public dans ses Rétractations: tant il est homme de bonne foi.

Il me reste à parler de la Lettre que m'a écrite Mr. Péarson au sujet de mon Laërce. Il me dit dans cette Lettre : Quid enim? Qualis illa eft diligentia tam varium Scriptorem ubique preffis veftigiis fequi; non defultorie, ut amant plerumque Critici, sed tenore perpetuo explicare: ad minima quæque animum advertere : difficultatem nullam diffimulare! Quam infinite lectionis indicium, Catalogos veteres fupplere: Autores cognomines addere: opera & fcripta Philofophorum omissa eruere, adnotare, congerere: unius cujusque sectarum Principis Difcipulos hinc inde colligere, & fimul Lectoris adfpectui exhibere : Id denique facere quod Laërtius; tot veterum voluminibus stipatus, voluit, neque fecit: Quanta vis ingenii, tot loca plane desperata restituere: tot mendosa repurgare : tot obscura illuftrare: tot mutila refarcire : tot errores colligere, omniaque, aut ex Manuscriptorum fide, aut certiffimis conjecturis fanare! Quantum verò Judicium in aperiendis Antiquorum placitis, dijudicandisque sententiis, plerumque obfcuritate involutis, & præ affectata brevitate, aut methodi neglectu confufis : in deligendis, excerpendis, afferendisque, iis præcipue ex optimis anitquissimis Scriptoribus etiamnum exstantibus quæ ad utilitatem potiùs quàm ad pompam spectant. Je ne reconnois de toutes

ces louanges que celles qui regardent le travail & la diligence : car pour celles qui regardent l'esprit & l'érudition, je ne les métite point. Mais je croi mériter celles que me donne enfuite Mr. Péarson touchant ma modération & ma candeur. Les voici: Quanta denique animi moderatio! quantus candor! veram Criticam cum nullius fame difpendio exercere; nulltus exiftimationem lædere ; nullius crroribus infultare ; nusquam ex mustaceo Laureolam quærere: per quos profeceris, tam aperte profiteri : à viris doctissimis non nifi falvo ipforum honore unquam diffentire : ut exclamare cogar, o Fecur vere Criticum fine fplene !

C'est le témoignage qu'a rendu de mes mœurs & de mes écrits un grand Evêque d'Angleterre, & le plus favant des Anglois; que j'oppose à ce que Mr. Baillet, qui est un simple Prêtre, & qui n'est pas fans doute le plus savant des François, a dit contre mes mœurs & contre mes écrits.

Mr. Baillet ne manquera pas de m'objecter ici que je parle de moi, & que je me louë, & je lui répondrai que c'est lui, qui par les chofes désobligeantes qu'il a dites de moi faussement, m'a obligé de rapporter cet endroit de la Lettre de Mr. Péarfon, Evêque de Chester. C'est ainsi que se justifie Démosthène devant ses Juges, dans l'éxordre de fon Oraison pour la Couronne contre Eschines. "Il est, dit-il, naturel aux hommes d'écouter avec , plaifir les médisances d'autrui, & avec indignation, les loüan, ges de foi-même. Mon adversaire s'étant fait écouter agréable,, ment par le mal qu'il a dit de moi, il m'a laisse le discours odieux ,, de mes loüanges. Mais comme c'est lui qui me contraint à par, ler de moi, & à en parler avantageusement, j'espere, Meffieurs, » que vous ne m'accuserez point de vaine gloire, si je dis pour , ma juftification des choses qui me font avantageuses. Que fi cet exemple d'un Payen ne suffit pas auprès de Mr. Baillet; car Mr. Baillet dit que ma Morale est d'un Payen; je lui alleguerai l'exemple de S. Paul: qui parle de lui, en ces termes, dans sa seconde Epître aux Corinthiens: " je ne croi pas avoir moins ,, fait que les grands Apôtres. Et enfuite: Quand je devrois paffer >> pour imprudent, j'ose dire que je suis encore plus qu'eux Mi, niftre de Jesus-Christ. J'ai plus souffert de travaux, plus reçû » de coups; plus enduré de prison. Je me suis vû souvent tout >> prêt de la mort. J'ai reçû des Juifs cinq différantes fois trente,, neuf coups de foüet. J'ai été battu de verges par trois fois. J'ai été lapidé une fois. J'ai fait naufrage trois fois. J'ai passé un jour

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,, & une nuit au fond de la mer. J'ai été souvant dans des voyages; dans des périls sur les fleuves; dans des périls de voleurs; dans ,, des périls de la part de ceux de ma nation; dans des périls de la ,, part des Payens; dans des périls au milieu des Villes: dans des ,, périls au milieu des déserts; dans des périls sur la mer; dans des ,, périls entre les faux freres. J'ai fouffert toutes fortes de travaux ,, & de fatigues : des veilles fréquentes; la faim, la foif, des jeûnes réiterez, le froid & la nudité. Et ce qui fuit. Et après : J'ai été im,, prudent en me glorifiant de cette forte : c'est vous quim'y avez ,, contraint, Car c'étoit à vous à parler avantageusement de moi: ., puisque je n'ai été en rien inferieur aux plus éminens d'entre les

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,, Apôtres : encore que je ne fois rien.

XXIV.

Ce que Mr. Baillet dit que Joseph Scaliger dit que toutes les Lettres attribuées par Laërce aux Philofophes, sont

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Supposées, n'est pas véritable.

Onsieur BAILLET Tome II. page 124. "Enfin Scaliger dit que toutes ces Lettres que Diogene Laërce attribuë ,, aux Philosophes, font autant de pieces supposées, & que ce sont ,, des Grecs posterieurs qui les ont forgées.

MENAGE. Il n'est pas vrai que toutes les Lettres attribuées aux Philofophes par Diogene Laërce, foient supposées. Les trois grandes Lettres d'Epicure qui contiennent toute sa Philosophie, font incontestablement d'Epicure. Et il n'est point vrai non plus que Scaliger ait dit ce que Mr. Baillet lui fait dire. Voici ses termes: qui font, non pas de la 36. de ses Lettres, comme l'a écrit Mr. Baillet dans ses Preuves, mais de la 306. de Epiftolis Hippocratis quod ex me quæris; il parle à Vorstius, antiquas effè fcio, ut Democriti, Solonis, Pittaci Mitylenei, quæ apud Laertium leguntur. Sed quia omnes quæ illis Philofophis à Laertio attribuuntur, multis argumentis confictas à Græcis, quibus nunquam mentiendi voluntas aut facultas defuit: probare poffem, ideo cur & de istis Hippocratis dubitem, juftiffima causa est. Ce qui ne veut pas dire que toutes les Lettres généralement que Laërce a attribuées aux Philofophes dont il a écrit les Vies, sont supposées: mais seulement celles qu'il a attribuées à Democrites, à Solon, & à Pittacus. Voilà comme nôtre Cri

tique cite & interprete de travers les passages. Je remarquerai ici par occasion, que dans Laërce il n'y a point de Lettres de Democrite. Ce qui donne sujet de croire que dans celle de Scaliger cideffus alleguée il faut lire Heracliti, au lieu de Democriti (1). Diogene Laërce a rapporté une Lettre de Darius à Heraclite, & la Réponse d'Heraclite à Darius.

XXV.

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Ignorance de Mr. Baillet touchant Aristarque.

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"Le célebre Ari

Onsieur BAILLET Tome I. page 4. ftarque de l'Antiquité érigea chez lui un Bureau pour ,, censurer les écrits des autres, sans vouloir jamais rien écrire ,, lui-même : pour ne point laisser de matiere de cenfurer aux

ور autres.

MENAGE. Notre nouvel Aristarque n'a pas l'honneur de connoître l'ancien Aristarque, quoiqu'il fût si celebre Critique que fon nom a été employé par Ciceron & par Horace pour celui de Critique. Qui a dit à Mr. Baillet qu'Aristarque avoit érigé chez lui un Bureau de Critique? Ne seroit-ce point celui qui lui a dit que j'avois chez moi une Ecole de Poësie, & que Mr. de Pinchefne avoit été un de mes Ecoliers? C'est une particularité que ce Bureau de Critique, qui ne se trouve en aucun Auteur. Mais qui lui a dit qu'Aristarque n'avoit rien écrit ? Suidas dit qu'il avoit écrit plus de huit cens volumes de seuls Commentaires; & fi on en croit Liberius dans sa Bibliophilie, qui est un des Auteurs favoris de Mr. Baillet, il en avoit écrit plus de mille. Mais il ne faut pas l'en croire. Il faut s'en tenir à ce qu'en a dit Suidas. Et comment Ariftarque n'auroit-il rien écrit, ayant fait une nouvelle édition des Livres d'Homere, & les ayant divisez de la façon que nous les avons aujourd'hui, fi nous en croyons Plutarque; car felon Elian, cela est dû à Pisistrate. Cette nouvelle E

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1. Je ne le croirois pas. Scaliger lu dire seulement que les Epitres attribuées à Hippocrate étoient anciennes aussi bien que celles de Démocrite, & auffi bien que celles de Solon, de Thalès & de Pittacus, qui se lisent dans Diogene Laerce, en forte que ces mots: que apud Laërtium leguntur, ne se rapportent qu'à

Solonis, Thaletis, (mot que M. Ménage ne devoit pas omettre) & Pittaci. S'il y avoit quelque chose à réformer dans le texre de cette Epitre de Scaliger, ce seroit en cet endroit, antiquas eas fcito effe, où je croirois qu'on liroit avec plus de justesse, antiquas eas fcito effe.

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dition est souvant citée par Euftathiûs. Auroit-il fait cette nou velle Edition fans rendre raison de fa division?

Il avoit aussi fait des Remarques sur Pindare, & ces Remarques font citées plus d'une fois par le Scholiafte de ce Prince des Lyriques. πλιὼ εἰ μὴ κλ ̓Αρίςαρχον, νόθα ὦσι τὰ ἔπη ταῦτα. C'est sur la premiere Olympionique, page 15. de l'édition de Rome. Et sur sa seconde, page 24. ̓Αρίσταρχος τὴν πολὸν, οἴκημα ποταμοῦ προσηγόρευε φησι. Et page 34. κρύφιον, ̓Αρίςαρχος, χωρίς το γράφει κρύφον, κὶ ἀποδίδωσι κρύψν. Et page 36. sur la troifiéme Olympionique : ὁ ἢ ̓Αρίςαρχός φησί, αλλά τοῖς ̓Αγραγαντίνοις διὰ τιμῆς ἐξ Διοσκό ९४ς. Et sur la cinquiéme, page 47. ̓Αρίσταρχος ἀκούς Ωκεανόθυγατῆραι Καπρίνίω τὴν λίμνην, ἀφ ̓ ἧς & πολὶν ωνομάθαι.

Comme cette faute est une des plus grandes de Mr. Baillet, elle a été remarquée par tout le monde: & tout le monde l'en a averti. Il a voulu la pallier, en disant dans ses Corrections : Tome I. page 305. " Je ne suis pas fortement perfuadé qu'il faille ,, diftinguer le celebre Critique Aristarque d'avec le Grammai,, rien, à qui Suidas donne plus de 800. volumes de compofi

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tion, comme je l'ai remarqué à la page 141. c'est pourquoi ,, jabandonnerois volontiers les garands sur la foi desquels j'ai dit ,, que ce Critique s'étoit contenté de cenfurer les écrits des autres

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sans vouloir rien écrire lui-même. Qui sont ces garands? Mr. Baillet a û honte de les nommer. C'est Christianus Liberius, Auteur de nulle autorité en ces fortes de matieres. Voici ses termes, qui sont de la page 21. de sa Bibliophilie: Sic Aristarchus Grammaticus rullos non reprehendebat, nihil ipfe fcribens : ne ab aliis reprehendi poffet. Mais qui a jamais diftingué le Grammairien Aristarque d'avec le Critique? Et qui a jamais appelé Aristarque le Grammairien, Ariftarque le Critique? Quoiqu'il fût Critique, on ne l'appeloit point le Critique : on l'appeloit le Grammairien : le métier des Grammairiens n'étant pas diftingué de celui des Critiques.

XXVI.

Ce qu'a écrit Mr. Baillet, que Platon avoit 80. ans lorsqu'il mit au jour ses Dialogues, n'est pas véritable.

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Onfieur BAILLET Tome I. page 204. "En effet, Platon avoit 8 ans quand il mit au jour ses Dialogues qui ,, renferment toute fa Philofophie: après les avoir long-tems sup,, primez dans l'obscurité de son cabinet.

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