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Je prens la liberté de Vous offrir mes Remarques fur le Livre de Monfieur Baillet, étant perfuadé qu'elles ne Vous déplairont pas, puifque Vous êtes un de ceux qui m'avez le plus excité à entreprendre cet Ouvrage. Quelque déférence que je doive avoir pour Vos confeils, je Vous avouë, MONSIEUR, que ce n'a pas été fans répugnance que je les ai fuivis en cette occafion. Outre que je fais profeffion de méprifer les injures, & que d'un autre côté je fuis devenu comme infenfible aux Libelles par le grand nombre de ceux qu'on a faits contre moi, je ne croyois pas que Monfieur Baillet füt un adversaire digne de moi.

Mais, MONSIEUR, Vous m'avez remontré qu'il ne s'agiffoit pas de juftifier mes Ecrits; qu'il s'agiffoit de juftifier mes mœurs; & que les Peres de P'Eglife les plus faints n'avoient pas dédaigné de se défendre en semblables rencontres. J'ai déféré à Vos remontrances; Et je croi, MONSIEUR, y avoir déféré de forte que vous ferez fatisfait de moi de ce côté-là. Quoique j'uffe été outragé par Monfieur Baillet fans que je lui uffe fait la moindre offenfe, & que je fuffe en droit de lui dire à mon tour des chofes fâcheuses, j'ai réfuté fes outrages avec toute forte de modération; En les réfutant, je Pai averti charitablement, par occafion, d'un graud nombre de fautes groffieres, ou plutôt d'un nombre infini de monftres de fautes, qui font dans fon Livre afin de le faire rentrer dans lui-même, & de l'obliger, en lui repréfentant fon néant, de parler une autre fois avec respect des premiers Ecrivains du Royaume dont il a parlé avec mépris. J'ai mêlé quelqu'érudition à ma juftification, & à ma Critique, afin que le Lecteur en lifant mon Livre apprit quelqu'autre chofe que les fautes & les calomnies de Monfieur Baillet. Mais comme la méditation fait partie du jugement, & que dans la passion où j'étois de faire promptement ce que vous défiriez que je fiffe, j'ai écrit ces remarques avec beaucoup de précipitation: Vous y trouverez quelques endroits négligez, que vous excuferez s'il vous plaît avec Votre bonté ordinaire. Da veniam fubitis: non difplicuiffe meretur, Feftinat nimiùm qui placuiffe tibi.

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Il me reste, MONSIEUR, à Vous supplier de les recevoir comme un hommage que je rens à Kotre vertu, & comme un témoignage de notre amitié.

MENAGE.

PREFACE

PREFACE

DE MR MENAGE.

Onfieur BAILLET eft un Prêtre du Diocèfe de Beauvais, qui étoit ci-devant Régent de Quatrième du Collège de la Ville de Beauvais, & qui eft prefentement Bibliothécaire de Monfieur l'Avocat Général de Lamoignon, & Précepteur de Monfieur fon fils. Ce Monfieur Baillet publia il y a deux ans quatre volumes in-douze d'un Livre qu'intitula Jugemens des Savans fur les principaux Ouvrages des Auteurs: où fans refpect de mon âge, ni du nom que j'ai parmi les gens de Lettres, ni de l'amitié dont m'honore Monfieur l'Avocat Général de Lamoignon, fon patron, ni de celle dont m'honoroit Monfieur le Premier Préfident de Lamoignon, pere de fon patron, il me traita indigne- ment. Il dit dans ces volumes, que je suis un Pédan : que ma Morale eft une Morale de Païen; qu'il ne fait point le Recueil de mes Eloges comme il fait celui des autres Ecrivains, parce que je lui ai épargné cette peine, en le fefant moi-même, pour en régaler le Public, afin de fatisfaire ma vanité. Il y dit que le Livre de mes Origines de la Langue Françoise eft celui de tous mes Livres qui m'a le plus donné de réputation, mais que mes Envieux ne croyent pas que j'en fois l'Auteur. Il y falfifie un paffage de l'Hiftoire Philofophique de Jonfius, pour décrier mes Commentaires fur les Vies & fur les Sectes des Philofophes de Laërce. Il y dit que ma

Tome Vlll.

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Requête des Dictionnaires a été mal reçûë du public : ce qui eft très-faux. Et il avoit ajouté, au fujet de cette Requête, ce que Monfieur le Préfidant Coufin, Examinateur de fon Livre de la part de Monfieur le Chancelier, lui a fait ôter; que j'avois poftulé pour une place de l'Académie, & que j'en avois été refufé: ce qui eft auffi très-faux. Monfieur Baillet ne peut s'excufer d'avoir dit de moi toutes ces chofes, en difant que je l'avois offenfé: : car dans le temps qu'il publia ces quatre volumes, je ne favois pas qu'il fût au monde, je ne favois pas fon nom : & peu de perfonnes le favoient. Et à l'heure même que j'écris cette Préface, je n'ai jamais vu Monsieur Baillet. Comme je fais profeffion de méprifer les injures, étant perfuadé qu'elles font plus de tort à ceux qui les dint, qu'à ceux de qui on les dit; & que d'un autre côté on a fait un fi grand nombre de Libelles contre moi, que je ne fuis plus fenfible aux Libelles, je lus fans émotion toutes ces chofes injurieufes que Monfieur Baillet avoit écrites contre moi. Mais je ne pus lire fans étonnement qu'un nouveau venu fur le Parnaffe qui n'avoit jamais converfé avec les gens de Lettres; qu'un homme qui ne favoit aucune Science; qui ne favoit pas le Grec, qui eft la Langue des Sciences; qui n'avoit lu aucuns Originaux, & qui n'étoit qu'un Copifte de Copiste, ût la témérité de juger de tous les Auteurs en toutes fortes de Langues & en toutes fortes de Sciences; & l'infolence de parler avec mépris des plus célébres Ecrivains du Royaume. Et comme j'avois toutes fortes d'obligations à Monfieur de Saumaife & à Monfieur de Balzac; car ils m'ont honoré non-feulement de leur amitié, mais de leur eftime; & ils m'ont adreffé de leurs Ouvrages; je lus avec indignation, & les injures atroces qu'il y débitoit contre

Monfieur de Saumaife, après l'avoir traité d'ignorant en toutes chofes, & ce qu'il y difoit calomnieufement de Monfieur de Balzac, qu'il avoit pris par vanité dans ses Lettres le nom de Balzac, afin de faire croire qu'il étoit de l'illuftre Maifon de Balfac d'Entragues. Et comme l'indignation fait faire des vers, je fis ces Hendécasyllabes fur le Livre de Monfieur Baillet,

o dirum, horribilem, & facrum libellum,
Donafti, LINE, quo tuum Sodalem !
Ille fcilicet, ille BAJULETUS;
Ignotiffimus ille Litterator ;
Queis affurgere debet, eruditos
Carpit, vellicat, & laceffit omnes.
Pindi nomina magna Gallicani,
Ridet Salmafios, Valefiofque ;
Ridet Petaviofque, Labbeofque.
Te ludos quoque fecit, Harduine.
Nec, Sirmonde, tibi, ô fcelus ! pepercit :
En cor Zenodoti, en jecur Cratetis.
Sordes, quifquilias, ineptiafque
Omnes, omnia colligit venena.
Et, ô tempora! vindici pudoris,
Cenfori rigido LAMONIONI,
Procaciffimus ille nuncupavit

Tam dirum, horribilem, & facrum libellum. Plusieurs célébres Ecrivains qui se trouvoient offenfez par Monfieur Baillet, ou dans leurs perfonnes, ou dans celles de leurs amis, firent des vers dans le même temps fur le même fujet. Et entr'autres Monfieur de Valois, le Pere Lucas & le Pere Commire.Et comme j'étois celui qui avoit été le plus maltraité dans le Livre de Monfieur Baillet, le Pere Lucas & le Pere Commire m'adrefferent les vers qu'ils firent fur ce Livre. Les chofes étoient en cet état, lorfque Monfieur du Cange & Monfieur Petit, qui sont des amis de Monfieur Baillet, & qui font auffi des miens, me firent l'honneur de me venir voir, pour me

dire qu'ils avoient blamé Monsieur Baillet de la maniere dont il en avoit ufé envers moi; que Monfieur Baillet leur avoit témoigné qu'il étoit faché d'en avoir ufé de la forte, & qu'il leur avoit promis de réparer dans les volumes fuivans l'injure qu'il m'avoit faite dans les premiers. Feu Monfieur l'Abbé de Santeuil, qui étoit auffi de fes amis & des miens, me dit la même chose dans le même temps : & il me pria de ne point faire imprimer mes Hendécafyllabes: ce que je lui promis. Je fis davantage je l'avertis d'un grand nombre de fautes groffieres, que j'avois trouvées dans le Livre de Monfieur Baillet, afin qu'il en avertît fon ami. Je lui dis qu'il y en avoit plufieurs autres femblables, mais que pour les bien examiner il falloit être enfemble le Livre à la main, en présence de l'Auteur; que je n'étois pas en état d'aller chez Monfieur Baillet, à cause d'une cuiffe que j'avois uë démife & mal remife, & que je le priois de l'amener dîner chez moi.; lui promettant de le bien recevoir, & de lui communiquer toutes les remarques que j'avois faites fur fon Livre. Ce procedé honnête, & le repentir que Monfieur Baillet avoit témoigné à Monsieur du Cange & à Monsieur Petit, me firent croire que Monfieur Baillet me traiteroit en effet plus honnêtement dans les volumes fuivans. Et particulierement Monfieur l'Avocat Général de Lamoignon l'en aïant convié : en lui remontrant l'amitié particuliere que Monfieur le Premier Président de Lamoignon avoit uë pour moi. C'est ce que j'ai fû d'un homme digne de foi qui étoit préfant à ce difcours de Monfieur l'Avocat Général de Lamoignon. Mais Monfieur Baillet m'a traité encore plus indignement dans fes derniers volumes que dans fes premiers. Il m'y attaque de tous côtez; du côté de mon âge; du côté de mes écrits; du

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