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fans penfer au compte qui en fera demandé. Un Prince vain s'applaudit de fa puiffance: mais un Prince férieux la regarde comme un poids. Il craint l'exactitude du Maître qui la lui a confiée; & il ne met fa fureté que dans fa Vigilance, & dans l'Espérance de cou-vrir beaucoup de fautes par la Pénitence & l'Humilité.

VII. II conferve dans tout ce qu'il fait, le fouvenir de l'Eternité, & cette penfée le tient courbé devant Dieu. Il compare fans ceffe ce qu'il a de Gran-deur, avec ce qu'il efpère ou ce qu'il craint après la vie : & il réprimé févèrement la vaine complaifance qui s'éleve dans fon cœur, en penfant que l'Orgueil peut lui faire perdre tout ce qu'attendent les humbles, & le feparer pour toûjours de la focieté des faints, en le précipitant dans des gouffres préparez à l'Orgueil & à l'Ingratitude.

VIII. L'exemple de Jefus Chrift, humilié pour nous jufqu'à la mort, & jufqu'à la mort de la croix, eft toûjours préfent à fa mémoire. Il fçait qu'il est principalement le modèle des Rois, puifqu'il eft lui-même le Roi éternel, le Roi de Gloire, le Roi des Rois. Il a honte, fous un Chef couronné d'épines,

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nes, de porter la tête haute & élevée ? & il lui dit avec fincerité: » (v) Vous ,, fçavez, Seigneur, que mon cœur ne

s'eft point enflé d'Orgueil, que mes ,, yeux ne fe font point élevez, & que ,, je ne me fuis point entretenu de penfées faftueufes & au deffus de moi.

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- IX. Il fçait que Jefus Chrift a reduit prefque tout l'Evangile à la feule Humilité; (x) qu'elle eft prefque la feule Vertu qu'il veuille qu'on apprenne de lui; (y) que les véritez falutaires font cachées aux Sages, & revélées aux Petits; (2) que le feul moyen de devenir grand, eft de s'abaiffer; qu'en tout état, & dans toute condition, (a) il faut avoir la Simplicité & l'Humilité d'un Enfant, pour entrer dans le Royaume de Dieu; que (b) tous ceux que J. C. appelle heureux, ont des caractères directement

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(v) Domine, non eft exaltatum cor meum, neque elati funt oculi mei, neque ambulavi in magnis, neque in mirabilibus fuper me. Pf, CXXX, v. 1. & 2,

(a) Difcite à me, quia mitis fum, & humilis corde. Matt. C. XI. v. 29.

(y) Abfcondifti hæc à fapientibus & prudentibus, & revelati in parvulis. Ibid. v. 25.

Qui voluerit inter vos primus effe, erit vefter f.rvus. Mart. C. XX. v. 27

(a) Nifi efficiamini ficut parvuli, non intraŝitis in regnum cælorum. Matt. C. XVIII. v. 3.

(6) Beati pauperes fpiritu. Beati mites. Beati qui lagent, Bead qui efuriunt. Matt. C. V. v. 3: & suiv.

opposez à l'Orgueil; qu'il dit lui-même, (c) que l'Amour de la Gloire humaine eft un obftacle à la Foi; qu'il n'a parlé fortement que contre ceux qui, fous les dehors d'une vie reguliere, cachoient un fecret défir de l'eftime & de l'approbation; qu'il a reçu tous les autres Pécheurs avec bonté; & que c'eft l'Orgueil des faux Juftes qui l'a mis en croix.

X. Il fçait que tous les mystères de fa vie, qui ont tous été humilians, ont cu pour but d'expier l'Orgueil de l'homme & de le guérir. Il s'offre à lui pour en recevoir l'impreffion & l'effet; & il ne lui demande rien avec tant d'inftance dans la Priere, que de n'être pas livré à un efprit de Préfomption & de Fierté, à une Séduction intérieure, qui lui cacheroit fes défauts, à une vaine Complaifance dans fa juftice, à une fauffe Sécurité dans un bonheur temporel, à un Amour injufte de l'approbation. & des louanges, au défir de plaire à un autre qu'à lui, & d'avoir, un autre, témoin que lui de fes actions, un autre juge, & une autre recompenfe.

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(4) Quomodò vos poteftis credere, qui gloriam ab invi cem accipitis, & gloriam, quæ à folo Deo est, non quæritis? Joan, C. V. vs 44.

ARTICLE X I.

Intérêt qu'ont les Hommes, & fur-tout les Princes, à être humbles.

I. Il comprend que non feulement il doit être humble, parce qu'il lui eft commandé de l'être, & qu'il eft juste qu'il le foit; mais parce que tous fes intérêts le portent à le devenir, & que l'Humilité lui peut tout obtenir, & lui conferver tout: au lieu que l'Orgueil feroit un obftacle à ce qui lui manque, & lui feroit perdre ce qu'il a reçu.

II. Il le regarde auffi, non feulement comme une Ingratitude, mais comme une Folie, qui porte l'homme à fe feparer de la fource de tous les biens, dans l'efpérance de fe les rendre propres, & de les retenir. Il fçait qu'il n'en eft pas de Dieu comme des hommes. Un Gouverneur établi par un Prince, peut demeurer le maître de fon gouvernement, s'il joint à la révolte, les moyens de s'y maintenir. Un Serviteur infidèle peut enlever les richeffes de fon Maître, & les garder, s'il peut trouver une retraite fûre. L'Ingratitude & l'Orgueil ne font rien perdre à

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l'un ni à l'autre, parce que les biens ufurpez ne dépendent pas de la volonté des maîtres légitimes. Mais à l'égard de Dieu, l'on ne peut rien ufurper; la réalité de fes dons dépend toûjours de lui: & dès qu'on veut les conferver fans lui, l'on les perd.

III. Ils reffemblent tous à la lumiere, qui ne peut être feparée du foleil, ni fubfifter fans lui. Ils font comme le ruiffeau d'une fontaine, qui demeure à fec, dès qu'il n'est plus entretenu par la fource. Ils ont tous la même dépendance de Dieu, qu'une branche a de fa racine, dont elle ne peut être coupée fans fe flétrir, & fans perdre fon fuc & fa fécondité. Ainfi, c'est une pure extravagance que de fe les vouloir attribuer: & c'est rénoncer en même tems à fes intérêts & à la raifon, que de rénoncer à l'Humilité.

IV. Toute Justice, toute Vérité, toute Sainteté vient d'elle. C'eft elle qui eft le canal de tous les biens: parce qu'elle met l'homme immédiatement au deffous de Dieu, qui eft la plénitude de l'être & de la bonté, & qui ne demande qu'à fe répandre. C'eft elle: qui creufe & qui élargit le baffin, que la Grace doit remplir. C'est elle qui

retient

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