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Capitale, ainsi que dans les Provinces, j'ai vu des enfans dégoûtés de l'étude; & comment auroient-ils pû trouver du goût à un travail rebutant, auquel on les forçoit, au lieu de chercher à le leur rendre facile & agréable? Vous ne voulez pas étudier, M. le libertin! difoit, d'un ton irrité, le Préfet d'étude : fachez qu'on va vous faire porter les habits du portier; & réellement il les endoffoit fur ce miférable, que les railleries du Public, les avis des Régents qui venoient malicieusement l'examiner de la téte aux pieds, & fon amour-propre, couvroient de honte, tandis que la maligne joie de fes camarades éclatoit de toutes parts. Compagnons de mes fautes, quel a été notre crime? Nous avons dit, nous avons fait fentir à ces infortunées victimes de notre imprudence, que tout le mérite des hommes gît dans les habits! s'ils ont goûté cette horrible leçon, les voilà, comme le refte des hommes inutiles, eftimables feulement par leur parure.

Gouverneurs attentifs, évitez cet écueil,

&

apprenez de Locke, de Montagne & de Rouffeau, à rendre ce vice odieux à vos Eleves, en faisant fuir la gayeté, la liberté, ies amusemens, devant leurs beaux habits, Veulent-ils fe mêler aux jeux des autres > enfans? Mes amis, cela ne se peut : » vous gâteriez vos beaux habits ». Mon bon Maître, vous diront-ils quelquefois, nous voudrions un gâteau. Mes enfans leur répondrez-vous, nous avons employé l'argent à faire galonner vos habits. Après quelques leçons de cette nature, je vous garantis que ces enfans foupireront après des habits qui leur permettent de jouer à leur aife & de manger des gâteaux.

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Si les paffions étoient un peu invéterées ce qui ne pourroit être que le fruit d'une éducation manquée, on auroit toujours foin de faire parler les chofes, elles font mieux écoutées que les hommes. Je n'oublierai jamais la maniere dont un malheureux pere corrigea fon fils, par l'amitié Courageufe d'un jeune homme. Ce malheureux enfant avoit la paffion du jeu, Toutes

les remontrances du pere,

parens,

les inftances

des les exhortations des Pafteurs les confeils des amis, avoient échoué contre fa paffion. Un de ceux-ci s'engage un jour à jouer contre lui. Par bonheur, notre joueur paffionné perdit conftamment. Des que l'argent eut tari, les habits furent joués, & les habits eurent le même fort que la bourfe. I joue fes cheveux, il perd encore. Point de quartier à un joueur de profeffion. On vous le fait payer jufqu'à la derniere obole, & on vous le renvoie prefque nud à fon pere, qui fait femblant de ne pas le reconnoître, & fecretement le fait retirer par un de fes amis, avec lequel il convient de la façon pen gracieufe dont il doit le traiter.

Trois ou quatre jours fe paffent dans la fureur & dans le deffein de fe venger cruellement les quatre jours expirent, & la rage auffi. Le jeune homme retombe fur lui-même; il refléchit, & fe corrige pour toujours.

Je n'ajoute pas d'autre exemple; & je

penfe qu'il vaut mieux prévenir les fautes des enfans, & leur donner des principes qui puiffent les leur faire éviter, que d'indiquer les moyens de les corriger.

CHAPITRE II.

Premiers principes de Morale & de Juftice.

LORSQUE les paffions commencent à se

manifefter avec la raifon, il eft temps de donner aux enfans les premiers principes de Juftice & de Morale. Cela ne veut pas dire que vous irez leur faire une longue homélie fur ce qu'ils doivent à leurs femblables, ou les accabler d'un inutile ennui en leur donnant un Traité de morale, qu'ils ne pourroient, ni ne voudroient entendre. Tout ce que vous pouvez leur dire fur cette matiere, n'est que le développement fimple & naturel de ces deux principes.

1o. Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit.

2o. Faites pour vos femblables ce que vous youdriez qu'ils fiffent pour vous.

Le premier de ces deux principes défend de nuire; & c'eft par celui-là qu'il faut commencer. Or il est un art de le développer très-inconnu, de ceux fur-tout qui eu parlent fans ceffe: & cet Art, ce font les chofes elles-mêmes bien conduites. Que vos enfans apprennent ce qu'ils ne doivent pas faire aux autres par le tort qu'on leur fera, & dont il vous fera aifé de leur faire fentir toute l'injuftice. C'eft par cette voie qu'un Citoyen refpectable, à qui ma premiere jeuneffe fut confiée, parvint à m'infpirer toute l'horreur qu'on me connoît pour l'injuftice. Je ne faurois m'empêcher de rapporter un de les traits, qui développera toute mon idée.

Toute ma vie j'ai aimé la chasse. Mon fage Mentor s'apperçut, dès mes tendres années, de mon inclination naissante; loin d'étouffer cette innocente paffion, il la favorifa. Il dreffe à mes yeux un Faucon à la perdrix. Me voilà bientôt imtateur;

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