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je le dreffe de mon côté à la volaille, lorfque mon maître eft abfent. Malheureux Singe qui ne croyois rien faire ! J'ouvris bien les yeux dans la fuite! l'oifeau étoit toujours difpofé à l'exercice; & moi, qui ne fongeois qu'à me divertir, je lui donnois quelquefois un poulet à plumer ; il le faifoit & paffoit outre. Je n'avois garde de m'opposer à fa proueffe. Cependant le malheureux faucon prend du goût pour ce nouveau gibier, qui étoit commun dans la baffe-cour d'un de nos voifins de campagne. Il ne fallut pas avertir l'oifeauchaffeur de ce voifinage, & lui en montrer le chemin, il l'eût bientôt appris fans guide. Tous les matins il y faifoit une vifite, & l'enfanglantoit. Le pauvre voisin voyoit 'dépérir fenfiblement fon volailler & s'en fachoit à fon reveil; mais le faucon, plus matineux que lui, ne fongeoit gueres au chagrin qu'il devoir caufer. On fut cependant plus fin que lui: on le veille, on le furprend fur le fait; il veut s'enfuir. Helas! le plomb meurtrier fut plus rapide que fon

vol! Il eft bleffé à mort! La pauvre bête vient s'abattre dans le jardin de mon maître. Quelques heures après cette scene fanglante, je me leve; j'appelle mon oifeau, il ne vient pas ; j'en demande des nouvelles, perfonne ne fait m'en donner. Je le cherche avec inquiétude... O malheur! O défolation! Je le trouve expirant aux pieds d'un arbrel O fouvenir encore triste à ma mémoire ! Avec quelle abondance coulerent alors mes larmes ? Lubin! m'écriai-je, en l'inondant de mes pleurs, ô mon cher Lubin! qui t'a ainfi maltraité? Qui me rendra mon Lubin? Tout rétentiffoit des expreffions de ma douleur. Mon refpectable ami arrive; il me trouve avec mon oiseau, noyé dans fon fang & dans mes larmes.... Quoi! mon petit ami; on a tué votre Lubin! un oiseau fi aimable fi bien dreffé! Ah! quel est le malheureux qui vous a fait ce tort? Mon fils, cet oiseau vous appartenoit, & perfonne n'étoit en droit de lui nuire. La peine que nous avions prife à le dreffer nous promettoit

A

le plaifir de lui voir prendre chaque jour quelque piece de gibier : mais voilà toutes nos espérances ruinées. O le pauvre Lubin! A ces mots mes larmes redoublent mon cœur, faillant hors de moimême, verfe les flots d'amertume dont il eft plein. Enfin on convient qu'il faut chercher le coupable: Mon cher ami, me dit ce bon Maître, nous le découvrirons, & nous ferons confolés : tous les hommes revoltés contre ce méchant le forceront à vous donner un autre oifeau du même mérite. Là-deffus il m'expliqua la partie des loix qui m'intéreffoit. O! comme les leçons bien emmenées fe gravent ailément dans l'efprit & dans le coeur ! Je n'étois qu'un enfant ; & certainement on ne m'accufoit pas d'être précoce. Je n'ai cependant pas perdu, depuis plus de quarante ans, la mémoire de ces loix. J'oferois dire qu'il m'auroit expliqué la plus grande partie du Code, & que je l'aurois retenue fans peine. J'entre chez le voifin, muni de mon petit traité des loix, & d'un ton décidé

je demaude au premier qui fe rencontre, Eft-ce vous qui avez tué cet oifeau?

LE VOISIN.

Oui, c'est moi.

L'ENFANT.

Comment, malheureux ! C'eft vous qui avez fait ce mal! Ah! vous n'avez qu'à me donner au plutôt un autre Lubin : fans quoi tous les hommes courroucés vous y forceront bien.

LE VOISIN.

C'est donc à vous qu'appartenoit cet oifeau ?

L'ENFAN T.

Oui, c'étoit à moi qu'il appartenoit; & vous me l'avez tué!

LE VOISIN.

I PLOV

J'en fuis charmé. La Juftice me fera

raifon contre vous....

L'ENFAN T.

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Contre moi !

Je voulus auffi-tôt plaider ma caufe, &. détailler le petit Code des loix, que l'intérêt avoit fi bien gravé dans ma mémoire. Le Payfan, fans s'amufer à me répondre directement, nous étale plufieurs piéces de volaille étranglées. Voilà, Meffieurs, une partie de l'ouvrage de votre oifeau. Ces volailles m'appartenoient; je les avois nourries à grands frais; c'étoit une reffource fur laquelle je comptois pour le befoin; & voilà que votre miferable Faucon vient me les égorger tous les matins.

L'ENFANT.

Oh! Monfieur, c'eft que je lui avois appris à manger la volaille.

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Eh bien, mon petit voifin, faites votre compte comme bon vous semblera; mais vous m'en donnerez en vie, autant que Votre oiseau m'en a tuées. Car fachez qu'il eft une juftice pour tout le monde.

LE MAITRE.

Vous avec raifon, mon cher voifin:"

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