Imágenes de páginas
PDF
EPUB

LE GOUVERNEUR.

Oui, fi perfonne ne nous foulage..... Mon enfant, refte - là; je vais examiner s'il eft possible de découvrir le chemin qui conduit chez nous.

Je profite de ce moment pour aller trouver un bon payfan je lui achette du pain; je lui marque le lieu où il doit le porter, & la maniere dont je fouhaite qu'il le donne: puis je reviens à mon petit affligé: le chemin ne paroît pas, lui dis-je ; mais je fais non loin d'ici un homme qui a du pain.

L'ELEVE, en fe levant brufquement.

Ah! courons vîte lui en demander.

LE GOUVERNEU R.

Mais ce pain lui appartient. Et s'il ne vouloit pas nous en donner?

L'ELEVE, en me ferrant la main.

O! mon bon ami! Le cruel! Il meriteroit d'être affamé, & de ne trouver

perfonne qui voulût le foulager. Mon cher Maître, allons trouver cet homme : il nous partagera fon pain.

LE GOUVERNEUR.

l'enfant ap

Mon enfant allons. Si ce malheureux nous refufoit du fecours, il mériteroit d'être englouti tout vivant. Nous arrivons. Auffi-tôt que perçoit le payfan, il lui faute au cou; & l'embraffant tendrement: O! Bon homme! Partagez-nous votre pain. Nous vous devrons la vie. Helas! nous mourons de faim.

LE PAYSAN.

Tenez, mon petit Monfieur: je vous le donne tout; il eft à vous, puifque vous en avez plus de befoin que moi. Mangez, je vais vous apporter à boire.

Tandis que le Payfan va puifer de l'eau, mon petit affamé me fait part de fon pain, & fe met à expédier fa portion. Bientôt la réflexion le jette fur le Paysan : Mon bon ami, me dit-il, cet homme est bien

aimable! Ah! fi je pouvois jamais lui rentdre la pareille!....

LE GOUVERNEU R.

Il eft vrai qu'il n'y a rien de plus jufte, rien de plus beau, rien de plus glorieux & de plus confolant, que de foulager ceux qui fouffrent. Mon cher enfant, faut-il le faire toujours ?

ami.

L'ENFANT.

Toujours Oui toujours, mon bon

Lâ-deffus le Paysan arrive; nous nous défalterons, & il nous conduit chez nous. Lorfque nous fommes arrivés, le premier foin de mon éleve eft de retenir fon bienfaiteur à diner & de lui offrir une récompense. Une récompenfe! s'écrie le Payfan, que j'avois inftruit. Eh! que me donneriez-vous qui valût le plaifir que j'ai de vous avoir affifté ? Je raconte toute l'hiftoire à Madame. On fait mettre le Paysan à table & on ne manque pas de faire un grand éloge de cet honnête-homme

au

quel l'enfant s'empreffoit de fervir les meilleurs morceaux. O! bon-homme! lui dit la Dame, fans vous peut-être cet enfant & fon Maître auroient péri de faim! Quel dommage, dit le Payfan, en embraffant mon éleve, qui s'attendriffoit jufqu'aux larmes je me rappellerai ce moment tout le refte de mes jours avec un plaifir infini. Mon bon Monfieur, c'eft le meilleur inftant de toute ma vie.

[ocr errors]

Après quelques leçons dans ce goût, j'eus la confolation de voir que mon éleve ne manquoit aucune occafion de partager fon pain avec les pauvres qu'il rencontroit, & je faifois semblant de ne pas m'en appercevoir, Enfin voulant mettre la derniere main à cet ouvrage, un jour qu'il fe difpofoit à partager fa petite bourfe & fon déjeuner avec un jeune mendiant, je l'arrêtai; Mon ami, lui disje, à votre âge on n'eft pas digne de faire une fi belle action. J'ai plus de droit que vous à l'honneur d'être une feconde providence fur la terre, Partageons du

moins cette gloire donnez le gâteau; j'aurai le plaifir de donner l'argent.

CHAPITRE II I.

Premiers principes de Religion. APRE's avoir developpé les premiers

principes de Morale, & les avoir bien gravés dans la mémoire & dans le coeur des enfans, il eft temps de les inftruire de la Religion. Ou bien on fera précéder les principes de la Religion, & ceux de morale viendront après, ou marcheront de front. Mais qu'on évite fur-tout de s'élever dans les inftructions au-deffus de la portée des enfans. Ceux qui fuivent la méthode ordinaire ont leurs raifons, que je respecte mais il eft plus d'un chemin qui conduifent à ce grand but, vers lequel nous marchons tous; eux avec plus d'autorité moi, avec un zele par lequel je me flatte de n'être inférieur à perfonne,

« AnteriorContinuar »