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fecret de n'avoir plus rien à faire, ou à redouter. Les mufcles de leur eftomac affadi par la délicateffe des mets, n'ont plus de reffort. Les épices brûlantes ont calciné leur palais, & tout leur eft devenu infipide. J'en connois qui, après avoir ouvert leur luxe par ce que l'art peut inventer de plus délicat, ont fini par la fureur de fe nourrir du rebut du plus petit peuple.

La frugalité ne regarde donc pas tant la quantité, que la qualité des nourritures. On ne doit pas fans doute permettre qu'un enfant furcharge fon eftomac d'alimens qu'il ne fauroit digerer, & qui par conféquent nuiroient à fa fanté. Mais, outre qu'il eft très-rare que des nourritures fimples invitent les enfans aux excès, ce qui nuit infiniment plus, c'eft cette fatale delicateffe, qui nous a rendue inutile la meilleure partie des biens dont le Créateur nous fit présent, lorfqu'il donna différentes productions aux divers climats; & qui, en nous appauvrifLant, nous a condamnés à être foibles, languiffans, & maladifs,

Quoique les végétaux foient la nourriture la plus faine, & la moins fujette aux vers, je ne la trouve pas affez folide, pour y borner les enfans. Depuis le Déluge, les végétaux ainfi que notre conftitution, ont confidérablement perdu de leur force; il a donc fallu fubftituer à ces anciens alimens une nourriture plus fubftancielle : mais l'un ne doit pas faire abandonner l'autre. Les végétaux feront les entremets de notre table: la chair des animaux fera le gros du fervice; mais elle fera choifie, & préparée comme il convient. Nous rejetterons fur-tout les viandes noires elles font indigeftes, & font un mauvais chile.

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Le laitage, l'huile, le beure & le poivre ne pafferont point, s'il eft poffible, fur le feu. La chaleur fait évaporer de ces matieres ce qu'elles ont de plus benin, & ne leur laiffe guères que des parties groffieres, qui, par la fermentation fe hériffent de carnes, & deviennent acres & tranchantes,

Point d'épiceries que celles que produit le climat. L'Auteur de la nature a

mis dans chaque pays ce qui eft conforme au tempérament des animaux qui l'ha bitent, & qui eft fouvent un poifon, pour des tempéramens contraires. N'en dou tons point ces productions étrangeres, que nous faifons venir de l'hémifphere appofé, en s'ouvrant un paffage chez nous, y ont porté plus de maux, que notre fer deftructeur n'en porta dans les climats où elles naiffent.

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Les douceurs plaifent aux enfans; mais elles brûlent & fe changent aifément en bile elles ont un attrait qui trompe la nature, & il faut les interdire à nos éleves. Les fauffes font également défendues. « Si » vous en mangez beaucoup, dit Saint Evre » mont, elles vous feront beaucoup de » mal. Si vous en mangez peu, elles » vous nuiront peu »,

Les liqueurs fortes, le vin pur, commencent à être affez décriés , pour me

difpenfer d'en parler; & je finis. Ce n'eft pas qu'il ne fut aifé de compofer des volumes fur cette matiere: mais qui vou

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droit les lire ? Martialo a déja fait for tune, & prefque par-tout je ferois contraire à ce doux empoisonneur. Je voudrois prolonger la vie des hommes par la frugalité: Martialo les affaffine par les délices. O! combien de repos & d'oifiveté je prévois pour cette foule de Docteurs d'Infirmerie, gagés par notre intempérance, fi jamais on peut le réfoudre à mener une vie vraîment frugale! Mais qui oferoit l'efpérer ? Hélas! Il ont un fonds inépuifable de richeffe dans la corruption de notre goût; & ce n'eft pas à moi à afpirer à la gloire

de les ruiner.

ENTRETIENS

AVEC LES ENFANS.

LEs Es enfans one peu de connoiffances, & ils parlent peu. N'étant pas riches de leur fonds, ils ne font pas de grandes dépenfes, & c'eft naturel. S'ils avoient beau

coup

coup de paroles, ce feroit un vice de plus à corriger, un figne infaillible d'étourderie. Ce n'est donc pas aux éleves, mais à l'Inftituteur à faire les frais de la converfation auffi voit-on que les enfans aiment les hiftoires, & on leur en fait. Mais quelles hiftoires? & peut-on donner ce nom à ces fables ridicules dont on amife leur ftupide crédulité? à ces contes de vieilles, qui laiffent long-temps après dans la tête de ceux qui les entendent des idées ridicules & fuperftitieufes? Au lieu d'éclairer l'efprit des enfans, & de leur former le cœur on leur apprend l'erreur & l'abfurdité. Il s'en faut bien que je traite ainfi mes éleves. Je ne fais point un pas, je ne hasarde pas un gefte, je ne dis pas un mot, qui ne tendent à leur instruction & à leur bonheur.

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Les hiftoires que je leur fais d'abord font les plus fimples que je puis imaginer J'obferve pour quelles paffions ils paroiffent avoir plus de penchant. Je transporte ces paffions fur quelqu'autre enfant, que

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