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DARIUS, de trente ans fous Pififtrate & fous fes enfans, goûtoit en paix les avantages de la liberté, dont cette courte privation n'avoit fervi qu'à lui faire mieux fentir & le prix & la douceur. Lacédémone, qui dominoit pour lors dans la Gréce, & qui d'abord avoit beaucoup contribué à cet heureux changement, fembla dans la fuite s'en repentir, & jaloufe du tranquille repos qu'elle-même avoit procuré à fes voifins, elle entreprit de le troubler en effaiant de faire remonter fur

le trône Hippias fils de Pififtrate. Ses efforts furent inutiles, & ne fervirent qu'à marquer fa mauvaise volonté, & la douleur qu'elle avoit de voir qu'Athénes voulût fe maintenir dans l'indépendance même à fon égard. Hippias eut recours aux Perfes. Artapherne, Gouverneur de Sardes, fit dire aux Athéniens, comme nous l'avons raporté ci-deffus, qu'ils euffent à le rétablir dans fon autorité, s'ils ne vouloient s'attirer fur les bras toute la puiffance de Darius. Cette feconde tentative n'aiant pas mieux réussi que la premiére, Hippias attendit une occafion plus favorable. Nous verrons bientôt qu'il fervit de guide

Cornel. Nep.

& de conducteur aux Généraux que le DARIUS. Roi de Perfe envoia contre la Grèce. Athénes, depuis le recouvrement de fa liberté, étoit toute autre que fous les tyrans, & montroit un courage tout nouveau.Parmi fes citoiens, Miltiade fut celui qui fe diftingua le plus dans la guerre contre les Perfes dont nous allons parler. Il étoit fils de Hered. lib. 6. Cimon, illuftre Athénien. Celui-ci cap. 34-41. avoit un frere, de mere non de pere, in Milto cap. nommé aussi Miltiade, d'une maifon 1-3. fort noble & fort ancienne, originaire d'Egine, qui avoit été adopté depuis peu au nombre des citoiens d'Athénes. Il y étoit fort puiffant du tems même de Pififtrate: mais comme il fouffroit avec peine fon pouvoir defpotique, il accepta avec joie l'offre qu'on lui fit d'aller s'établir avec une colonie dans la Cherfonéfe de Thrace, où il étoit appellé par les Dolonces habitans du pays pour être leur roi, ou, comme on parloit pour lors, leur tyran. Etant mort fans enfans, il laiffa la fouveraineté à Stéfagore fon neveu, fils aîné de fon frere Cimon: & celui-ci étant mort auffi fans poftérité, les fils de Pififtrate, qui gouvernoient alors la ville d'Athé

DARIUS. nes,

"Plut. in

320. & in

avoient envoié dans ce pays-là
pour lui fuccéder, Miltiade fon frere,
qui eft celui dont nous parlons ici.
Il y arriva & s'y établit l'année même
que Darius entreprit la guerre contre
les Scythes. Il accompagna ce Prince
avec quelques vaiffeaux jufqu'au Da-
nube; & ce fut lui qui confeilla aux
Ioniens de rompre le pont, & de fe
retirer fans attendre Darius. Pendant

fon féjour dans la Cherfonéfe, il
époufa* Hégéfipyle, fille d'Olore un
roi de Thrace du voisinage, de la-
quelle il eut Cimon ce fameux Géné-
ral des Athéniens dont il fera beau-
coup parlé dans la fuite.Miltiade aiant
renoncé pour plufieurs raifons à fon
établiffement dans la Thrace, s'em-
barqua avec tout ce qu'il avoit fur
cinq vaiffeaux, & fit voile vers Athé-
nes. Il s'y établit de nouveau, & s'y
acquit une grande réputation.

Dans le même tems, deux autres
Arift. p.319 citoiens, plus jeunes que Miltiade,
Themift. pag. commençoient à fe faire connoître à
Athénes; favoir, Ariftide & Thémi-
An feni fit ftocle. Plutarque obferve que le pre-

112. 113.

ger. refp. pag.

790.791.

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mier s'étoit formé fur le modéle de DARIUS. Clifthéne, l'un des plus grands hommes de fon tems, & zélé défenseur de la liberté, qui avoit beaucoup contribué à la rétablir à Athénes, en chaffant de cette ville les Pififtratides. C'étoit une falutaire coutume établie chez les anciens, & qu'il feroit à fouhaiter qui le fût auffi parmi nous, que les jeunes gens qui afpiroient aux charges, s'attachaffent particuliérement aux vieillards qui s'y étoient le plus diftingués, & qu'ils appriffent par leurs converfations, & encore plus par leurs exemples, l'art de se bien conduire eux-mêmes, & de gouverner fagement les autres. C'est ainfi, dit Plutarque, qu'Ariftide s'attacha à Clifthéne, Cimon à Aristide, & il en raporte plufieurs autres, parmi lefquels il met Polybe, dont nous avons parlé fi fouvent, qui fe rendit le difciple affidu & l'imitateur fidéle du célébre Philopémen.

Thémistocle & Ariftide étoient d'un caractére très-différent, mais rendirent tous deux de grands fervices à la République. Thémistocle, qui panchoit naturellement vers le gouver

a Difcere à peritis, fequi optimos, Tacit. in Agric.

#.21.

807.

رو

DARIUS.nement populaire, ne négligea rien pour fe rendre agréable au peuple, & pour fe faire des amis, fe montrant affable à tous, complaifant, toujours prêt à rendre fervice aux citoiens, Cic.de fenet. qu'il connoiffoit tous par leurs noms, & n'étant pas fort délicat fur les moiens qu'il emploioit pour leur faiPlut. Anfe-te plaifir. Auffi quelqu'un lui difant ni fit gerenda qu'il gouverneroit parfaitement, s'il resp. p. 806. confervoit l'égalité parmi les citoiens, & qu'il ne panchât pas plus pour l'un que pour l'autre ; » A Dieu »ne plaife, répondit-il, que je fois jamais affis fur un tribunal, où mes » amis n'aient pas plus de crédit & de » faveur que les étrangers. Cléon, qui parut quelque tems après à Athénes, garda une conduite toute oppofée, mais qui n'étoit pas exemte de blâme. En entrant dans le maniement des affaires publiques, il affembla tous fes amis, & leur déclara que dès ce moment il renonçoit à leur amitié, parce qu'elle pouvoit être pour lui une occafion de manquer à fon devoir, & de commettre des injuftices. C'étoit leur faire peu d'honneur, & juger d'eux peu favorablement.Mais, dit Plutarque, ce n'est pas à ses amis,

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