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justice, la violence, la cruauté., Et qui doute qu'un Magiftrat, qu'un Gouverneur de province, qu'un Roi, qui ne fera doux, patient, jufte, chafte, bienfaifant, que par des vûes humaines de gloire ou d'intérêt, ne foit. infiniment plus utile à la République, que s'il n'avoit pas cette ombre & ces dehors de vertu; & que des hommes de ce caractére ne foient un préfent du ciel bien précieux. On en peut juger par la comparaifon de Magiftrats & de Princes d'un caractére oppofé. qui renonçant à tout honneur & à toute probité, comptant pour rien la réputation, foulant aux piés les loix les plus faintes, n'en reconnoiffent d'autres que leurs paffions & leur bru talité: tels enfin que Dieu en donne dans fa colére aux peuples qu'il veut punir, & qu'il juge dignes de tels maîtres. Et talibus quidem dominandi po-1bid. cap. 194. teftas non datur nifi fummi Dei providentia, quando res humanas judicat talibus dominis dignas..

La troifiéme & derniére réflexion,. & la plus propre à mon fujet & au

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but que je me propofe en écrivant l'hiftoire ancienne, regarde l'ufage qu'il faut faire des louanges qu'on donne aux payens. Elle montre le fruit qu'un fage Lecteur doit tirer du récit des belles & vertueufes actions des Grecs, dont ce volume & les fuivans feront remplis. Quand on les verra facrifier leurs biens au foulagement de leurs concitoiens, leur vie au falut de l'Etat, leur gloire même à l'utilité publique; quand on leur verra pratiquer les vertus les plus difficiles, & cela de par motifs hupurs mains, pour acquerir une réputation paffagére: quels reproches ne doiton pas fe faire, & combien ne doiton pas rougir, fi dans une religion qui nous promet des récompenfes éternelles, & qui nous préfente de fi puiffans motifs d'amour & de reconnoiffance, nous n'avons pas le courage de pratiquer les mêmes vertus ? Que fi nous avons le bonheur d'être fidéles à nos engagemens, pouvons

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a Ideo nobis propofita | terrenæ gloria tenuerunt, funt neceffariæ commo- pro Dei gloriofiffima cinitionis exempla, ut, fivitate non tenuerimus, virtutes, quarum ifte pudore pungamur; fi teutcumque funt fimiles, nuerimus, fuperbia non quas ifti pro civitatis extollamur. Ibid. cap.18.

nous en tirer vanité, en comparant le peu que nous faifons avec ce que la gloire feule faifoit entreprendre à des hommes qui ne connoiffoient point Dieu, & qui bornoient tous leurs defirs aux biens de la vie préfente?

a

Voila donc, felon faint Augustin, la principale utilité que l'on doit tirer de l'étude & de la lecture de l'histoire profane, & Dieu n'a rendu les Grecs & les Romains fi connus & fi illuftres, que pour donner plus de poids aux exemples de vertus que leur hiftoire nous fournit, afin que les étudiant avec une attention férieuse nous comprenions par l'amour qu'ils ont eu pour une patrie terreftre & pour une gloire de peu de durée, quel zéle nous devons avoir pour la patrie célefte, où une félicité éternelle nous attend.

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SI LES VERTUS de ceux dont il est parlé dans l'hiftoire, peuvent nous fervir de modéles dans la conduite de la vie, leurs défauts & leurs vices ne

a Urcives æternæ illius civitatis, quamdiu hic peregrinantur, diligenter & fobriè illa intueantur exempla, & videant quanta dilectio debeatur

fupernæ patriæ propter
vitam æternam,
fi tan-
tùm à fuis civibus terre-
na dilecta eft propter ho-
minum gloriam. Ibid.
cap. 16.

479.480.

font pas moins propres à nous inftruire, & le refpect qu'un hiftorien doit à la vérité ne lui permet pas de les dif fimuler dans la crainte d'obfcurcir leur réputation. Ce que je dis ici n'est point contraire à une régle que Plu tarque établit fur ce fujet dans la préface qui eft à la tête de la vie de In Cim. pag. Cimon. Il exige qu'on faffe valoir & qu'on mette dans tout leur jour les belles actions des grands hommes: mais pour les fautes qui leur échapent quelquefois dans le trouble de la paffion, ou que la néceffité des affaires leur arrache, les regardant plûtôt comme quelque degré de perfection qui manque à leur vertu, que comme des vices & des crimes qui partent d'un mauvais fonds, il veut que par com paffion pour la foibleffe de la nature humaine qui ne produit rien d'abfolument parfait, on fe contente de les montrer légérement : de même qu'un peintre habile, s'il a un beat vifage à peindre, & qu'il s'y rencontre quel que tache, quelque petit défaut, ne les fupprime pas entiérement, mais auffi ne fe croit pas obligé de les ren

2. Ελλύματα μᾶλλον ἀρετῆς τινος * grins πονηρεύματα.

dre avec une exactitude rigoureufe, parce que l'un gâteroit la beauté du portrait, & que l'autre détruiroit la vérité de la reffemblance. La comparaison même qu'il emploie fait voir qu'il ne parle que de défauts légers & pardonnables. Mais pour les actions d'injuftice, de violence, de brutalité, nul prétexte ne doit les faire diffimuler, & je ne croi pas qu'on voulût accorder à l'hiftoire le même privilége qu'à la peinture, a qui a inventé l'art du profil pour représenter de côté un Prince qui avoit perdu un œil, & pour couvrir par cet innocent & ingénieux artifice une difformité fi frapante. L'hiftoire, dont la loi la plus effentielle eft la fincérité, ne fouffre point ces fortes de ménagemens, qui lui feroient perdre un grand avantage.

Le blâme, la honte, l'infamie, la haine, & fouvent l'exécration publique, toujours attachées aux actions criminelles & brutales, ne font pas moins propres à infpirer de l'horreur pour le vice; que la gloire, qui fuit toujours les belles actions, eft propre

a Habet in pictura fpe- | oftendit, ut amiffi oculi ciem tota facies. Apelles deformitas lateret. Quintamen imaginem Anti-til. lib. 2. cap. 13, goni latere tantùm altero

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