Imágenes de páginas
PDF
EPUB

DARIUS. vivement une telle injure. Il craignit d'abord que ce ne fût un complot entre les Seigneurs.Mais aiant été affûré du contraire, il fit arréter Intapherne avec fes enfans, & tous ceux de fa famille, & les fit condanner à mort, confondant, par un excès aveugle de févérité, les innocens avec le coupable. La femme du criminel venoit tous les jours aux portes du palais, fe lamentant, verfant des larmes en abondance, jettant des cris, pouffant des fanglots, & ne ceffant d'implorer la clémence du Roi. Il ne put réfifter à un fpectacle fi touchant, & lui accorda la grace de celui de fa famille qu'elle lui défigneroit. Ce fut un grand embarras pour cette femme infortunée, qui auroit fouhaité les pouvoir tous fauver. Enfin, après une longue délibération, elle fe détermina en faveur de fon frere. Ce choix, où il paroiffoit qu'on avoit peu confulté les fentimens que la nature doit infpirer à une mere & à une femme, étonna le Roi, & comme il lui en fit demander la raison, elle répondit qu'un fecond mariage pouvoit lui procurer un mari & des enfans: mais que fon pere & fa mere étant morts, elle ne

pouvoit pas recouvrer un frere. Da- DARIUS. rius, outre fon frere, lui accorda l'aî

né de fes enfans.

[ocr errors]

J'AI MARQUE' dans le volume précédent par quelle perfidie Orétes, l'un des Gouverneurs de l'Afie Mineure pour le Roi, avoit fait mourir Polycrate Tyran de Samos. Un crime fi noir & fi déteftable ne demeura pas impuni. Darius apprit que ce Satrape abufoit d'une maniére étrange de fon autorité, & qu'il ne comptoit pour rien le fang de ceux qui avoient le malheur de lui déplaire. Orétes porta l'infolence jufqu'à faire mourir un courier que le Roi lui avoit envoié parce que l'ordre dont il étoit chargé fui étoit defagréable. Darius, qui ne fe croioit pas encore bien affermi fur le trône, n'ofa pas l'attaquer ouvertement. Ce Satrape n'avoit pas moins de mille foldats armés pour fa garde, fans compter les fecours qu'il pouvoit tirer de fon gouvernement, qui comprenoit la Phrygie, la Lydie, & l'Ionie. Il s'y prit donc d'une maniére fourde & cachée, pour fe défaire d'un ennemi fi dangereux. Il chargea de l'exécution de cet ordre l'un de fes Officiers les plus fidéles & les plus

Herod. lib.3.

cap. 120-128. ↑ Pag. 3330

DARIUS. affectionnés à fa perfonne. Cet Offi cier, fous un autre prétexte, fe rendit à Sardes. Il preffentit habilement les efprits. Il commença par préfenter aux principaux Officiers de la Garde des lettres du Roi qui ne renfermoient que des ordres généraux. Bientôt après il en produifit de fecondes, qui étoient plus précises. Et quand il fe fut parfaitement affuré de la difpofition des troupes, il leur fit la lecture d'une derniére lettre, par laquelle le Roi leur ordonnoit de mettre à mort le Satrape; & cet ordre fut exécuté fur le champ. Tous fes biens furent confifqués au profit du tréfor roial & tous ceux qui fe trouvérent dans fa maison furent tranfportés à Sufe. De ce nombre étoit un célébre médecin de Crotone, nommé Démocéde. L'hiftoire de ce médecin eft fort finguliére, & elle donna lieu à de grands événe

cap.129.130.

mens.

Herod. lib. 3. IL ARRIVA quelque tems après que Darius étant tombé de fon cheval à la chaffe, fe donna une violente entorfe au pié, & que fon talon fe déboita. Les Egyptiens paffoient alors pour les plus habiles dans la médecine, & le Roi en avoit plufieurs auprès

Ancienne

ment les mê

la médecine &

de lui. Ils entreprirent de le traiter, DARIUS. & déploiérent tout leur art dans une occafion fi importante: mais ils s'y prirent fi mal adroitement & fi du-mes exerçoiens rement en lui maniant le pié, qu'ils la chirurgie: ¡ lui cauférent des douleurs incroiables; & il fut fept jours & fept nuits fans dormir. Quelqu'un pour lors indique Démocéde, dont il avoit entendu parler à Sardes comme d'un médecin très habile. Il étoit actuellement en prifon. On le fit venir fur le champ dans l'état où on le trouva, c'eft-àdire avec fes chaînes, & avec un habit fort mal propre. Le Roi lui demanda s'il avoit quelque connoiffance de la médecine. Il le nia d'abord par la crainte qu'il avoit que s'il faifoit preuve de fon art, on ne le retînt en Perfe, & qu'il ne fût privé pour toujours de la vûe de fa patrie, pour la quelle il avoit une extrême paffion. Darius, mécontent de fa réponse, ordonna qu'on le mît à la queftion. Il falut avouer la vérité. Voila donc Démocéde reconnu pour médecin. Il commence par appliquer des fomen tations douces fur la partie malade. L'effet du remede fut promt. Le fommeil revint au Roi, & en peu de jours

DARIUS. il fut parfaitement guéri, & le talon fut remis à fa place. Darius lui fit préfent de deux paires de chaînes d'or. Démocéde lui demanda s'il prétendoit le bien récompenfer de l'heureux fuccès de fa cure, en doublant fon mal. Ce mot fit rire le Roi : il le fit

Herod.lib.3. cap. 131.

conduire par les Eunuques chez fes femmes, pour leur montrer celui à qui il étoit redevable de fa fanté. Elles le comblérent toutes de préfens magnifiques, & ce jour feul l'enrichit

extrêmement.

ne,

[ocr errors]

Ce Démocéde étoit de Crotone, ville de la Grande Grece en Italie dans la Calabre ultérieure, d'où les mauvais traitemens de fon pere l'avoient Ile entre le obligé de fortir. Il avoit paffé en EgiPéloponnéfe & l'Atrique. où il commença à le faire connoître par plufieurs cures fort heureuses : les habitans lui affurérent par an un talent. Le talent avoit foixante mines, & revenoit à trois mille livres de notre monnoie. Quelque tems après il fut appellé à Athénes, où l'on fit monter fes appointemens à Cent mines. cinq mille livres par an. Enfin il s'établit chez Polycrate Tyran de Samos, qui lui donna deux mille écus. Deux talens. Il eft honorable aux Villes & aux

« AnteriorContinuar »