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VIII

HARDOUIN DE PÉRÉFIXE,

Archevêque de Paris, Chancelier des Ordres du Roi, reçu à l'Académie en 1654, mort le 31 décembre 1670'.

Il étoit d'une famille originaire de Naples, établie depuis un siècle dans le Mirebalais.

Après avoir pris le bonnet en Sorbonne, il prêcha dans Paris; et sa réputation commencée par l'éclat de ses talents, soutenue par la sagesse de sa conduite, l'ayant fait connoître à la Cour, il fut nommé précepteur de Louis XIV 2.

Jamais la France ne rappellera l'idée de ce grand Roi, qu'elle ne bénisse la mémoire de ceux qui l'élevèrent dans la vertu. C'est à quoi tendent les deux ouvrages que M. de Péréfixe a publiés : l'un en latin, et c'est proprement un recueil de maximes qui renferment les devoirs d'un Roi enfant; l'autre en françois, où il

une telle amitié pour elle, qu'il disoit qu'il n'avoit d'amis que Messieurs de l'Académie, et prit pour procureur le beau-frère de M. Chapelain (M. Faroard), parce qu'il lui sembloit que cet homme étoit beau-frère de l'Académie. »

1 Dans la nuit du 1er janvier 1671, à deux heures du matin. (Gallia christiana.) (0.)

2 Le 28 mai 1644. — Il fut aussi conseiller du Roi, commandeur

et chancelier des ordres.

instruit un Roi majeur, non plus par de simples maximes, mais par des exemples d'autant plus propres à faire impression sur le feu Roi, que c'étoient ceux d'Henri IV.

Vouloir, comme d'audacieux critiques l'ont avancé, qu'à l'égard de ce dernier livre, il n'ait fait qu'emprunter la plume de Mézeray, ce n'est pas faire attention à la différence des styles. Mézeray, dans tout ce qui est certainement de lui, retombe à tout moment dans un style dur et peu châtié. Donnera-t-on à la même plume une histoire écrite purement, avec élégance, avec dignité? Outre que dans cette histoire d'Henri IV, nous y retrouvons d'un bout à l'autre un goût pour la vertu et un certain air de sagesse que M. de Péréfixe avoit pareillement répandu dans son premier ouvrage.

Pendant qu'il étoit précepteur du Roi, il fut fait évêque de Rhodez1, et depuis il eut l'archevêché de Paris2, où il se gouverna en grand homme, recouvra la juridiction spirituelle du faubourg Saint-Germain 3, acquit celle de Versailles, et fit pour son église beaucoup d'autres choses importantes, mais qui appartiennent

1 En 1648.

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2 Il fut nommé à la place de P. de Marca, en 1662. La même année et le même mois il avait été élu proviseur de Sorbonne. 3 Le 20 décembre 1668, il fit une transaction avec Henri de Bourbon, duc de Verneuil, abbé de Saint-Germain-des-Prés, et ses Religieux, et fit entrer ainsi sous sa juridiction spirituelle tout le faubourg Saint-Germain, qui en était indépendant.

Le 15 septembre 1670, il obtint un arrêt du parlement qui étendit son autorité diocésaine sur le prieuré, la ville, la paroisse et tout le territoire de Saint-Germain-en-Laye, malgré les réclamations de l'évêque de Chartres. (Gallia christ.)

moins aux mémoires de l'Académie, qu'à ceux du clergé '.

IX

JEAN DE MONTIGNY,

Evêque de Léon, reçu à l'Académie en janvier 1670, mort le 26 septembre 2 1671.

Tout ce que j'ai pu savoir de sa personne, c'est qu'il étoit fils et frère d'avocats généraux au Parlement de Bretagne, qu'il fut plusieurs années aumônier de la reine Marie-Thérèse3; nommé ensuite à l'évêché de

1 Son épitaphe rapporte ainsi ses qualités :

Hic jacet Harduinus de Perefixe de Beaumont, Ludovici XIV regum sapientissimi sapientissimus præceptor, primum episcopus Ruthenensis, deinde Parisiensis archiepiscopus, Sorbonæ provisor, regni torquatorum equitum ordinis commendator et cancellarius; vir corporis dignitate, ingenii præstantia, animi candore, morum et doctrinæ puritate, bonis omnibus commendatus; intuendis reparandisque suæ sedis et ecclesiæ honoribus diligens, felix, modestus; sibi parcus, sibi severus, ergà cæteros liberalis et indulgens, qui dum hanc ecclesiam per septennium pia et assidua sollicitudine, regit, ornat, amplificat, tot, tantisque laboribus non defessus sed exhaustus, corpore deficiens, non animo, insperata morte suis ereptus est, dum se omnibus totum daret; sic Deo plenus, cœlo maturus, obiit ineunte anno M. DC. LXXI. ætatis LXV.

2 Date fausse. M. de Montigny mourut le lundi 28 septembre. Voy. plus bas, p. 118, note 2.

3 La maison ecclésiastique de la Reine, femme de Louis XIV, se composait, outre le confesseur, les chapelains, etc., d'un grand aumônier, d'un premier aumônier, d'un aumônier ordinaire et de quatre aumôniers servants par quartier, c'est-à-dire par trimestre. Jean de Montigny était aumônier ordinaire, aux mêmes gages que le confesseur, cent quatre-vingts livres.

Léon; et que l'année même qu'il en prit possession, étant allé aux États de sa province, qui se tenaient à Vitré, il y mourut. Les circonstances de sa mort se trouvent dans les lettres de madame de Sévigné. Du 20 septembre 1671: « L'évêque de Léon a été à la dernière extrémité à Vitré, avec un transport au cerveau ; il est hors d'affaires. » — Du 23: « Enfin, après avoir ballotté cinq ou six fois de la mort à la vie, les redoublements opiniâtres de la fièvre ont décidé en faveur de la mort, il ne s'en soucie guère, car son cerveau est embarrassé. » — Du 27 : « Le pauvre Léon a toujours été à l'agonie depuis que je vous ai mandé qu'il se mouroit; il y est plus que jamais, et il saura bientôt mieux que vous si la matière raisonne. C'est un dommage extrême que la perte de ce petit évêque ; c'étoit, comme disent nos amis, un esprit lumineux sur la philosophie'. Du 1er octobre2 : « Il mourut lundi. Ce pauvre petit évêque avoit trente-cinq ans, il étoit établi; il avoit un des plus beaux esprits du monde pour les sciences, c'est ce qui l'a tué 3, il s'est épuisé.

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Par le peu qui nous reste de M. de Montigny, on voit que la philosophie ne lui avoit pas ôté le goût de la

1 Dans une autre de ses lettres, qui est du 1er septembre, elle dit qu'il était cartésien à brûler. « Mais, ajoute-t-elle, dans le même feu, il soutient aussi que les bêtes pensent. Voilà mon homme. Il est très-savant là-dessus; il a été aussi loin qu'on peut aller dans cette philosophie, et M. le Prince en est demeuré à son avis. >>

* La lettre où se trouve ce passage n'est pas du premier octobre, mais du mercredi 30 septembre. En sorte que c'est le 28, un lundi, en effet, qu'est mort l'évêque de Léon.

Le texte porte: « C'est ce qui l'a tué, comme Pascal. >>

poésie et de l'éloquence. Sa prose est correcte, élégante, nombreuse; sa versification coulante, noble, pleine d'images. Quelques années de plus, où n'alloit-il pas ? Mais mourir à trente-cinq ans, c'est, pour un homme de lettres, mourir au berceau.

X

FRANÇOIS DE LA MOTHE LE VAYER,

Conseiller d'État ordinaire, reçu à l'Académie le 14 février 1639, mort en 1672.

Il naquit à Paris en 1588. Sa famille, qui est originaire du Mans, a donné et donne encore aujourd'hui d'excellents sujets à la robe. Il prit dans sa jeunesse le même parti, et fut longtemps substitut de M. le procureur général du Parlement, charge qu'il avoit héritée de son père'. Il s'en défit enfin pour n'avoir plus à s'occuper que de ses ouvrages2. Et certainement, si l'on examine la quantité et la qualité de ceux qu'il a mis au jour, on ne croira pas qu'il ait pu avoir quelque autre occupation dans le cours de sa vie. Il a tout embrassé

1 Félix de La Mothe le Vayer, dont l'éloge se voit dans La Croix du Maine, p. 84. (0.) - C'est en 1635 que le célèbre sceptique succéda à son père dans sa charge.

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2 Entre 1640, date où le privilége de l'Instruction du Dauphin le qualifie encore de substitut du procureur général, et 1647 où l'épître dédicatoire de son premier recueil de lettres montre qu'il n'était plus alors en charge.

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