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composée que de gentilshommes. La France jouissoit alors d'une paix profonde, et le dessein de M. le duc de Saint-Aignan étoit d'inspirer le goût des lettres à une noblesse oisive, dessein véritablement digne d'un bon citoyen. Car enfin, quand le goût des lettres ne seroit de nulle autre utilité pour un royaume, du moins il est certain que c'est une passion douce, qui écarte ou qui modère les passions turbulentes, et qui sert de préservatif contre les suites de l'oisiveté et de la barbarie.

Mais la protection que M. le duc de Saint-Aignan accordoit aux gens de lettres, ne se bornoit pas à son Académie d'Arles'. Quels sont les poëtes de son temps, qui n'ont pas laissé des témoignages publics de ce qu'ils croyoient devoir ou à ses lumières ou à ses bienfaits? Jamais le mérite ne manqua de le toucher : surtout le mérite peu aidé de la fortune 2. Au lieu de ces dépenses

l'Académie royale » fut établie par lettres patentes données en 1669 et vérifiées au Parlement de Provence. Elle fut composée d'abord de trente et ensuite (en 1677) de quarante personnes de mérite, de savoir et de qualité, et elle obtint les mêmes honneurs, dit de Vertron, les mêmes priviléges, dit Moreri, que l'Académie françoise. Sa devise était un laurier planté auprès d'un autre laurier, avec un soleil dardant ses rayons sur l'un et l'autre, avec ce mot foventur eodem. — L'allusion est facile à saisir; on sait que l'Académie françoise avoit pour devise un laurier, avec le mot à l'immortalité.

1 « Non-seulement M. le duc de Saint-Aignan étoit le protecteur d'une célèbre Académie par un titre particulier : on peut dire qu'il l'étoit de tous les gens de lettres par une générosité qui n'exceptoit personne.... Il aimoit aussi tous nos exercices, et y venoit bien plus souvent qu'on n'eût osé l'espérer.» (Réponse de M. Bergeret au Discours de l'abbé de Choisy.)

2 Sans parler de Voiture, Scarron, Richer, Bois-Robert, Cha

folles, qui ne peuvent causer que du regret, il aimoit celles dont un cœur généreux se dédommage par le plaisir de les avoir faites.

Il mourut à l'âge de quatre-vingts ans. Ce fut un deuil universel sur le Parnasse. Telle est l'heureuse destinée de l'Académie, qu'après l'avoir perdu depuis tant d'années, elle vient tout récemment de le voir renaître pour elle dans un de ses fils', qui, avec un nom qu'elle honore, lui apporte les talents qu'elle estime.

ΧΧΙ

2

JEAN-JACQUES DE MESMES,

COMTE D'AVAUX,

Président à mortier au Parlement de Paris, Prévôt et Maître des Cérémonies des Ordres du Roi, reçu à l'Académie le 23 décembre 1676,

mort le 9 janvier 1688.

Héritier d'un nom qui n'a été porté que par des

pelle, etc., etc., qui lui ont écrit en vers, nous remarquons un grand nombre d'auteurs qui lui ont dédié leurs œuvres Tristan, son volume de vers intitulé la Lyre du sieur Tristan; (Voyez aussi ce volume à la page 248 ) — Racine, qui ne fit que cinq dédicaces, lui dédia sa première tragédie; Quinault, le Fantôme amoureux; Tristan, la Mort de Sénèque; Desfontaines, la Véritable Sémiramis; Chevalier, les Aventures de nuit; Mlle Desjardins (Mme de Villedieu), Nithétis, tragédie, etc.

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1 En 1727, Paul-Hippolyte de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, fils du premier duc de Saint-Aignan et de sa seconde femme, Françoise de Lucé.-Paul-Hippolyte devint duc et pair en 1706, par la démission de son frère aîné Paul.

Troisième du nom de Jean-Jacques.

hommes illustres dans l'épée', dans la robe, dans les ambassades ; d'un nom que les Passerat2, les Balzac, les Voiture3, ont rendu si célèbre sur le Parnasse ; il soutint le poids de ce grand nom avec dignité. Ajouterois-je rien à cet éloge, quand j'aurois à y faire entrer de ces faits éclatants, sans quoi le vulgaire ne s'imagine point qu'on lui parle d'un grand homme? Un magistrat est souverainement grand, lorsqu'il remplit par de grands principes, et avec une fidélité non commune, les devoirs communs de son état.

Il n'y a d'imprimé de M. le président de Mesmes, que le discours qu'il fit à l'Académie le jour de sa réception. Mais tous les discours faits en pareil cas, et les harangues des Académiciens prononcées devant le Roi, ou en d'autres occasions, se trouvent dans un recueil qui est connu de tout le monde. Ainsi d'en allonger à chaque article la liste de leurs ouvrages, il y auroit eu à cela plus d'ostentation que d'utilité.

1 Le nom de M. de Mesmes, illustre dans la robe et dans les ambassades, ne tient guère à l'épée que par ses ascendants maternels.

2 Jean-Jacques de Mesmes, deuxième du nom, fils unique de Henri de Mesmes et de Jeanne Hennequin, eut pour précepteur Passerat.

Claude de Mesmes, duc d'Avaux, célèbre en effet dans les œuvres de Voiture et de Balzac, était le second fils de Jean-Jacques II. Ses ambassades, surtout à Munster, l'ont rendu justement célèbre.

Nous avons fait à ce recueil de fréquents emprunts et l'avons souvent cité nous-même.

XXII

PHILIPPE QUINAULT,

Auditeur en la Chambre des Comptes de Paris, reçu à l'Académie en 1670,

mort le 26 novembre 1688.

Il étoit Parisien, et de bonne famille. C'est ainsi qu'en parlent ses contemporains'; ils en devoient être instruits; et leur autorité prévaut à celle d'un imposteur 2, qui, dans un ouvrage dicté par la médisance et par la colère, insinue que M. Quinault étoit fils d'un boulanger 3. Quand cela seroit, il n'en mériteroit que

1 Voyez le Menagiana et les Hommes illustres de Perrault. (o.) -D'Olivet, qui d'ordinaire méprise fort les anas n'est pas heureux en citant le Menagiana. Ménage dit en propres termes, à propos de Quinault : « Depuis que Plaute a été valet d'un boulanger, ce n'est grand déshonneur ou une tache essentielle à un poëte d'en être descendu.» (Édit. 1694, t. I, p. 338.)

plus un

? Factum de Furetière contre l'Académie. (o.) — Voyez les Pièces justificatives.

3

C'est un des torts de l'abbé d'Olivet de se montrer toujours passionné contre Furetière. Ici, la prétendue insinuation de l'imposteur se trouve être une vérité que Ménage avait signalée comme on l'a vu, et des Réaux l'avait aussi divulguée dans une anecdote qu'on lira plus bas. Leurs dires sont d'ailleurs confir

més par une

pièce sans réplique, l'acte de naissance de Quinault.

M. Beffara l'a publié d'après les registres de la paroisse de SaintEustache. On y voit, sous la date du 3 juin 1635, que Philippe Quinault est « fils de Thomas Quinault, maître boulanger, et de

Perrine Riquier. »

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Nous avons eu entre les mains une pièce où

Nicolas Quinot (sic), maître boulanger à Paris, » qui élit « domi

plus d'estime, pour avoir si bien réparé le tort de sa naissance; et bien loin de m'en taire, je me ferois un devoir de le dire en faveur de ceux qui viennent au monde avec des talents pour tout héritage. On les anime par ces sortes d'exemples; la distance, qu'ils croyoient voir entre eux et la gloire, disparoît à leurs yeux ; ils aspirent à se donner un mérite, qui les venge de la fortune.

Tristan l'Hermite', qui avoit vieilli dans la carrière du théâtre, jugea que M. Quinault pourroit un jour s'y distinguer; et par un zèle assez rare dans les vieux auteurs, il entreprit de le former dès l'enfance, au hasard de se voir surpasser par son disciple. Celui-ci, avant

cile en son hôtel, rue Saint-Martin, » se porte, à la date du 25 février 1611, comme créancier d'un sieur Georges Duport « pour la somme de trente livres tournois, en vertu de certaine obligation faicte et passée le XXXe sept. [M.] VIe VI, comme héritier de feu Lambert, son beau-père. » Il est donc permis de penser que l'on connaît maintenant le grand-père de Quinault; Nicolas Quinault, de son mariage avec N*** Lambert, aurait eu Thomas, d'où Philippe Quinault.

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1 Quinault était domestique de Tristan, c'est-à-dire attaché à la maison de Tristan, et peut-être même simplement son valet, si l'on en croit Ménage et Tallemant. On lit dans les Historiettes, édit. in-18. t. VII, p. 120 : « M. de Guise parlant un jour d'un jeune garçon nommé Quinault, qui fait des comédies, où il y a beaucoup d'esprit : Vous voyez, dit-il, c'est le fils d'un boulanger : il n'enfourne pas mal. C'étoit le valet de Tristan... »

Voici maintenant ce que dit le Menagiana (édit. citée, t. I, page 135): «M. Quinault étoit valet de M. Tristan. M. de Montausier disoit qu'en mourant il lui avoit laissé son esprit de poëte, qu'il auroit bien voulu lui laisser aussi son manteau, mais qu'il n'en avoit point. »Voyez aux Pièces justificatives, Factums de Furetière.

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