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rite des anciens et des modernes, l'abbé de Lavau tenoit pour M. Perrault; et il est juste qu'à ce sujet je dise, non en critique, mais en pur historien, pour lequel des deux partis l'Académie parut se déclarer. Rien de plus facile. Pour cela il n'y a qu'à voir de qui elle étoit composée en 1687'. Alors les principaux Académiciens, ceux qui avoient le plus de réputation dans les lettres, c'étoient bien certainement MM. Racine, Huet, La Fontaine, Régnier et Despréaux. Voyons donc leur opinion. I. Racine, dans la préface de son Iphigénie, s'est assez expliqué 2.

II. Perrault ayant envoyé ses Parallèles à M. Huet,

Le poëme du Siècle de Louis le Grand, origine de la querelle, fut lu dans l'Académie le 27 janvier 1687. (o.)- En 1687, la liste des Académiciens comprenoit messieurs: Renouard de Villayer, Bussy-Rabutin, Irland de Lavau, Bergeret, Racine, Charles Perrault, Bossuet, l'abbé Jacques Testu, Gallois, Thomas Corneille, le duc de Coislin, l'abbé Tallemant, Charpentier, de Tourreil, le cardinal d'Estrées, Pellisson, Quinault, Potier de Novion, le comte d'Avaux, de Chaumont, Boyer, le marquis de Dangeau, BoileauDespréaux, La Fontaine, l'abbé de Dangeau, Segrais, l'abbé de La Chambre, Harlay de Champvalon, le comte de Crécy, le duc de Saint-Aignan, Jean Doujat, Benserad, Huet, Barbier-d'Aucour, Fléchier, Rose, Colbert, archevêque de Rouen, Regnier des Marais, l'abbé François Tallemant. Une lace étoit inoccupée : c'étoit celle de Furetière, exclu en 1685, et qui ne fut remplacé qu'en 1688.

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L'abbé d'Olivet met hors de cause Bossuet et Fléchier: leur opinion valait cependant bien qu'on cherchât à l'exposer.

↑ Sans nommer personne, il y attaque formellement Pierre Perrault, qui avoit publié une défense de l'opéra d'Alceste, par Quinault. Voyez l'Histoire de la querelle des anciens et des modernes, par M. H. Rigault, p. 132. — Nous ne pouvons recommencer ici à traiter cette question, épuisée dans le savant ouvrage auquel nous renvoyons.

celui-ci entreprit de le tirer d'erreur, par une lettre insérée dans le recueil de ses Dissertations, outre qu'il revient encore plus d'une fois à la charge dans Huetiana, livre qu'on peut regarder comme son testament littéraire.

III. A l'égard de La Fontaine, sans toucher ici à ses autres ouvrages, contentons-nous d'une épître qu'il composa dans le fort de la dispute, et où, après avoir dit nettement :

Que faute d'admirer les Grecs et les Romains,
On s'égare en voulant tenir d'autres chemins,

il ajoute :

Je vois avec douleur ces routes méprisées.
Arts et guides, tout est dans les champs Élysées.
J'ai beau les évoquer, j'ai beau vanter leurs traits,
On me laisse tout seul admirer leurs attraits.

Térence est dans mes mains; je m'instruis dans Horace;
Homère et son rival sont mes Dieux du Parnasse.
Je le dis aux rochers: on veut d'autres discours;
Ne pas louer son siècle est parler à des sourds.
Je le loue, et je sais qu'il n'est pas sans mérite,
Mais près de ces grands noms notre gloire est petite '.

IV. Homère étant un des anciens, contre qui Perrault s'est le plus déchaîné, l'abbé Régnier essaya de le faire connoître par une traduction en vers françois du premier livre de l'Iliade2, précédée d'une longue préface

Épître à M. Huet, en lui donnant un Quintilien traduit par Toscanella. (o.)

2 Despréaux écrivait à ce sujet à Brossette: « Il paroît ici une traduction en vers du 1er livre de l'Iliade d'Homère, qui, je crois, va donner cause gagnée à M. Perrault... Cette traduction est cependant d'un fameux Académicien, et qui la donne, dit-il, au

où il montre, non-seulement beaucoup de zèle, mais beaucoup de raison et de goût.

V. Je ne dis rien de M. Despréaux. On ne sait que trop avec quelle vigueur il combattit. Il ne se contenta pas d'aiguiser, il empoisonna ses traits.

Pour anéantir donc Homère, Sophocle, Euripide, Térence, Virgile, Horace; pour opposer à Racine, à Huet, à La Fontaine, à Régnier, à Despréaux, nous avons d'Académiciens, jusqu'en 1687: MM. de Lavau et Charpentier, guidés par M. Perrault, qui avoit eu pour précurseur M. Desmarests.

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XXXI

PHILIPPE GOIBAUD DU BOIS,

çu à l'Academie le 12 novembre 1693, mort le 1er juillet 1694.

Puisqu'il n'a point laissé d'enfants, à qui la connoissance que l'on aura de son origine puisse nuire ou déplaire, et que d'ailleurs nous devons, comme je crois l'avoir déjà remarqué', faire sentir à ceux dont la naissance est obscure, qu'il ne tient qu'à eux de s'élever par la voie des lettres, je ne me ferai pas un scrupule de dire que M. Du Bois, cet auteur de tant d'ouvrages si graves, commença par être maître à danser.

Il fut produit en cette qualité auprès du duc de

public, pour faire voir Homère dans toute sa force.» (Lettre du 12 juil. 1700. — Correspond. de Boileau et de Brosselte, publiée par M. Laverdet. Paris, Techener, 1 vol. in-8°.)

1 Dans l'article de Quinault.

Guise', qui, dans sa plus tendre enfance, s'accoutuma si bien à le voir, et se prit tellement d'amitié pour lui, qu'il ne voulut point d'autre gouverneur. Ce n'est pas une chose rare, qu'il y ait dans les hommes de tout autres talents, et des talents bien plus essentiels que ceux dont leur profession leur donne lieu de faire usage. On ne fut pas longtemps à l'éprouver dans M. Du Bois; et si, par son premier métier, il étoit propre à former son disciple aux exercices du corps, la suite fit voir qu'il l'étoit infiniment plus à lui donner des leçons de morale, et à lui inspirer l'amour de la vertu.

Pour se mettre en état de bien faire son emploi, il eut le courage d'apprendre les éléments du latin à l'âge de trente ans. Il s'y appliqua par le conseil de MM. de Port-Royal, qui gouvernoient non-seulement mademoiselle de Guise, mais tout ce qui approchoit cette vertueuse princesse. Il les choisit pour directeurs et de sa conscience et de ses études. Il devint sous leur discipline un modèle de régularité. Il prit même assez leur manière d'écrire: ce style grave, soutenu, périodique, mais un peu lent et trop uniforme.

Après qu'il eut sagement élevé le duc de Guise, il eut la douleur de le voir mourir à la fleur de l'âge 2. Dès lors, maître absolu d'un grand loisir, il se destina entièrement à traduire les ouvrages qu'il jugea les plus utiles, soit de saint Augustin, soit de Cicéron. En même temps, pour avoir avec qui partager l'ennui ou la dou

Louis-Joseph de Lorraine, duc de Guise, né en 1650, mort en 1671. (o.)

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leur de sa solitude, il prit le parti de se marier. Il étoit de Poitiers', et le hasard ayant amené à Paris une de ses anciennes connoissances, la veuve d'un de ses compatriotes, il l'épousa.

Oserai-je, pour donner ici une idée de son style, rapporter ce qu'une dame, qui a du goût et qui se nourrit de bonnes lectures, m'a fait penser sur ce sujet? Elle me demanda comment il se pouvoit faire que saint Augustin et Cicéron, deux auteurs qui ont écrit sur des matières si différentes, et qui ont vécu en des temps si éloignés l'un de l'autre, eussent un style tout à fait semblable? Je lui demandai à mon tour, où elle avoit donc trouvé cette prétendue conformité. Est-ce, ajoutai-je, dans le choix ou dans l'arrangement des mots? Est-ce dans le tour des pensées? C'est, me dit-elle, dans M. Du Bois. J'y trouve que saint Augustin et Cicéron étoient, l'un comme l'autre, deux grands faiseurs de phrases, qui disoient tout sur le même ton 2.

1 Où il étoit né en 1626.

2 L'auteur des Nouvelles de la République des Lettres fait le plus grand éloge du travail auquel s'est livré M. Du Bois, pour << rendre à tout le monde, comme dit aussi Baillet, l'intelligence des lettres de saint Augustin très-facile. » — « Cette traduction, lit-on dans les Nouvelles, est exacte, fidèle, pure, élégante et admirablement démêlée... Le traducteur a mis partout des sommaires fort bien faits, des notes fort savantes sur les points d'histoire, de chronologie et sur tous les autres endroits qui pourroient faire quelque difficulté. Il a rétabli ce qu'il y avoit de corrompu dans le texte. » — Ajoutons que M. Du Bois publia dans son édition plusieurs lettres de saint Augustin jusqu'alors inédites. (Voyez les Nouvelles de la République des Lettres, novembre 1684.)— Voyez surtout ce que dit plus bas l'abbé d'Olivet, page 287; il attribue le mérite des notes au savant Sébastien Le Nain de Tillemont.

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