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Je ne sache que M. le président de Lamoignon qui ' ait paru, aux yeux du public, dédaigner le titre d'Académicien, puisqu'ayant été nommé il refusa 2. Mais quoique ceci ne soit arrivé qu'après 1700, qui est l'époque où je finis mon Histoire, j'ai cru qu'il étoit à propos d'en parler; et j'en parlerai d'autant plus savamment que j'en ai été instruit par M. le cardinal de Rohan lui-même [dont le témoignage réfute assez les

1 Chrétien-François de Lamoignon, président à mortier au parlement de Paris, mort le 7 août 1709. (o.)

2 Segrais cite Arnauld d'Andilly comme ayant refusé le même onneur. Voici le passage:

Monsieur Arnauld d'Andilly n'ayant pas voulu accepter une place vacante dans l'Académie françoise, qui lui fut offerte, le cardinal de Richelieu voulut qu'on insérât dans les Statuts l'article qui porte que personne n'y sera admis s'il ne le demande. Il a été observé d'abord assez régulièrement, mais on s'est beau coup relâché depuis qu'on eut reconnu que plusieurs personnes, très-capables de faire honneur à l'Académie, ne postuloient pas pour y avoir entrée; et l'on s'est résolu d'y contrevenir avec d'autant plus de facilité qu'on savoit que la raison principale pour laquelle M. Arnauld d'Andilly s'étoit excusé étoit que le cardinal de Richelieu lui avoit refusé l'agrément de la charge d'intendant de la maison de feu Monsieur. Lorsqu'on lui porta la parole, il s'étoit contenté de remercier en disant que la résolution qu'il avoit prise de passer la plus grande partie de sa vie à la campagne ne convenoit pas à cet engagement qui demandoit la présence aux assemblées de l'Académie. Ce fut là le prétexte de son refus, qui étoit véritable dans le fond. Mais la cause principale fut celle que j'ai dite : il étoit difficile que M. Arnauld d'Andilly n'eût pas un peu de ressentiment de la dureté du Cardinal. (Mémoires - Anecdotes. OEuvres de Segrais, 1755, t. II,

pages 132-135.)

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petites épigrammes où l'on représente cette affaire sous une autre face'].

Tout Paris a connu l'abbé de Chaulieu2, homme d'un commerce aimable, et dont les poésies sont ingénieuses, faciles, originales, à la morale près, qui est celle d'Épicure. Il se mit en tête d'être de l'Académie, et il engagea feu M. le Duc à solliciter en sa faveur. Par où il avoit déplu à M. de Tourreil, c'est

ce

que je ne sais point; mais le fait est que M. de Tourreil, alors Directeur de l'Académie, voulant anéantir la brigue de l'abbé de Chaulieu, le propre jour de l'élection, déclara que M. le président de Lamoignon se mettoit sur les rangs.

Au seul nom de ce magistrat, qui étoit d'un mérite supérieur, à le prendre même dans la sphère d'un homme de lettres, toute la Compagnie se tourna de son côté. Mais le soir même qu'il fut élu, feu M. le Duc lui envoya demander secrètement, et avec instance, de remercier, comptant que l'Académie seroit par là obligée d'en revenir à l'abbé de Chaulieu.

On sut dans le monde le refus de M. de Lamoignon, sans que la cause en fût connue de personne. Le Roi3, pour empêcher qu'il n'en rejaillit contre l'Académie un peu de honte, jeta les yeux sur un sujet illustre par

Le passage entre crochets manque à la re édition. Nous l'empruntons à l'édition de 1743.

2 Guillaume Amfrye de Chaulieu, intendant de MM. de Vendôme, mort à Paris le 27 juin 1720. (0.)

3 Dans le 4 volume de la Correspondance administrative de Colbert, on trouve une lettre du Roi sur ce sujet. Voy, le texte aux Pièces justificatives.

la naissance, par les dignités, par les qualités naturelles et acquises sur un sujet qui, en occupant cette même place, fit oublier qu'elle pût avoir été dédaignée par quelqu'un. Tout cela se trouvoit, et au plus haut point, dans M. le cardinal de Rohan, alors coadjuteur de Strasbourg. Il partoit pour l'Alsace, il avoit pris congé du Roi : la veille même de son départ, à dix heures du soir, Sa Majesté lui envoya dire par un secrétaire d'État, qu'elle souhaitoit qu'il différât de quelques jours, et qu'il demandât la place vacante, qui étoit celle de M. Perrault.

Après de si grandes attentions, et qui viennent de la part d'un si grand Roi, il est assez inutile que j'entre dans mille autres détails. J'aurois pu, à l'exemple de M. Pellisson, parler des auteurs qui ont dédié ou présenté quelques-uns de leurs ouvrages à l'Académie'. J'aurois pu marquer les occasions les plus brillantes où elle a eu l'honneur de porter la parole au Roi, aux princes et princesses du sang, aux cardinaux et aux ministres d'État. Mais tous ces détails, encore une fois, qu'ajouteroient-ils à l'idée que nous donnent de cette Compagnie 2, les bontés dont Louis XIV l'a honorée ?

Pour achever donc son histoire générale, selon le plan que je m'en suis fait, j'ai maintenant à rendre compte de ses travaux.

1 L'abbé d'Olivet aurait pu mentionner d'abord la dédicace qu'il fit à messieurs les Quarante de l'Académie françoise, Academix Gallica XL viris, sous le nom du libraire Boudet, du volume intitulé: Poetarum ex Academia gallica, qui latine aut græce scripserunt, Carmina.- Paris, Boudet, 1738. — 1 v. in-12.

Il est fort regrettable que l'abbé d'Olivet n'ait pas fait ce

qu'il aurait pu faire. Nous n'essayerons même pas de retrouver les titres des ouvrages offerts à l'Académie; nous serions forcément trop incomplet. Mais nous pouvons citer du moins quelques-uns des actes publics de cette Compagnie :

1668. Discours au Roi après la conquête de la FrancheComté.

1671 (3 février). Panégyrique de Louis XIV, par Pellisson. 1671 (22 mars). Compliment adressé par l'abbé Tallemant à M. Harlay de Champvalon, sur son installation en l'archevêché de Paris.

1672. Compliment à M. Harlay de Champvalon, archevêque de Paris, après que le Roi se fut déclaré Protecteur de l'Académie. (Voyez p. 16.)

1672 (mai). Compliment fait à madame la chancelière Seguier, par Perrault, lorsque l'Académie quitta l'hôtel Seguier pour tenir ses séances au Louvre. (Voyez p. 18.)

1672 (13 juin). Compliment adressé par Charpentier à Colbert, qui avoit obtenu du Roi que l'Académie tînt ses séances au Louvre (Voyez p. 18.)

1672 (13 août). Harangue au Roi à son retour de la campagne de Hollande, par Perrault.

1672. Remerciment adressé par Doujat au duc de Richelieu qui avoit offert à l'Académie le portrait du cardinal de Richelieu.

1673 (16 janvier). Compliment adressé à Colbert par Charpentier sur de nouvelles libéralités qu'il avoit obtenues du Roi. (Voyez p. 19.)

1673 (25 août). Panégyrique du Roi par l'abbé Tallemant le jeune.

1673 (30 octobre). Harangue au Roi sur la prise de Maëstricht, par le même.

1674 (14 janvier). Harangue de Segrais à Colbert sur le rétablissement du droit de Committimus. (Voyez p. 21.)

1674 (28 janvier). Harangue par l'abbé Regnier-Desmarais à M. Daligre, promu à la dignité de garde des sceaux.

1674 (16 avril). Compliment de l'abbé Tallemant le jeune à M. de Harlay, archevêque de Paris, sur sa promotion à la dignité de duc et pair.

1675 (30 juillet). Harangue au Roi sur ses conquêtes, par Quinault.

1676 (25 juillet) Harangue au Roi sur ses conquêtes, par Pellisson.

1677 (24 avril). Compliment au cardinal d'Estrées à son retour de Rome, par Charpentier.

1677 (12 juin). Harangue au Roi sur sa campagne et sur son heureux retour, par Quinault.

1677 (25 août). Panégyrique du Roi sur la campagne de Flandre de cette même année, par l'abbé Tallemant le jeune.

1678 (25 avril). Harangue au Roi après la prise de Cambrai, par Perrault.

1679 (23 mai). Harangue au Roi sur la paix, par M. Rose.

1679 (24 juillet). Panégyrique du Roi, sur la paix, par M. Charpentier.

1679 (25 août). Panégyrique du Roi, sur la paix, par l'abbé Tallemant le jeune.

1679. Harangue à la reine d'Espagne, par Boyer.

1680. Harangue à madame la Dauphine, par le duc de SaintAignan.

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1683 (28 août). Harangue au Roi sur la mort de la Reine, par Charpentier. Autres harangues, sur le même sujet et par le même académicien, prononcées devant le Dauphin et devant la Dauphine.

1684 (9 juin). Compliment adressé par Charpentier au duc de Richelieu, sur la mort de la duchesse, sa femme.

1685. Harangue à M. Boucherat, sur sa promotion à la dignité de chancelier, par Boyer.

1687 (27 janvier). Deux discours sur la guérison du Roi, par l'abbé Tallemant le jeune, et par Barbier Daucour.

1690 (12 mai). Deux discours, par l'abbé De Lavau, l'un au Roi, l'autre au Dauphin, sur la mort de madame la Dauphine. 1691 (5 mai). Compliment au Roi, à son retour de la conquête de Mons, par Charpentier.

Nous ne trouvons pas d'autres circonstances solennelles, où l'Académie ait paru publiquement.

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