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de nos neveux, par où la combattroient-ils plus avantageusement que par l'exemple du plus grand de nos Rois? On verra bien par ses médailles, qu'à tous ses autres titres il ajouta celui de PROTECTEUR DE L'ACADÉMIE FRANÇOISE'; mais les historiens, entraînés sans cesse par une foule d'événements plus éclatants, négligeront vraisemblablement d'écrire tout ce qu'il crut devoir faire en cette qualité. Attachons-nous donc à en donner ici un détail, qui ne se trouvera point ailleurs, qui fera honneur à sa mémoire, et qui servira peut-être à exciter, jusque dans ses derniers successeurs, le même zèle pour l'avancement des lettres.

Voilà le but de mon ouvrage, et par quels motifs je l'ai tenté.

Je m'y renferme entre 1652, qui est l'année où M. Pellisson finit, et 1700 2.

Je n'y chercherai point d'autre méthode que celle qui se présente naturellement, de commencer par l'histoire générale de l'Académie et de passer ensuite à l'histoire particulière des Académiciens.

1 On trouve, en effet, dans l'histoire métallique, une médaille dont on lira la description plus loin, p. 19, note 1. Voy. aussi le Nouveau Panthéon, ou le rapport des divinités du paganisme, des héros de l'antiquité et des princes surnommés grands, aux vertus et aux actions de Louis le Grand, par M. de Vertron, 1686, 1 vol. in-12, pp. 35–46; et, du même auteur, Lettre à l'abbé Desmarais, pp. 41-47.

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2 L'abbé d'Olivet avait continué cette histoire; on verra dans une de ses lettres adressées au président Bouhier, et que nous réimprimons à la suite de cet ouvrage, quels motifs l'empêchèrent de publier son nouveau travail.

PREMIÈRE PARTIE.

Touchant l'Académie en corps, on ne peut avoir que deux questions à proposer:

I. Que lui est-il arrivé de mémorable, et qui ait contribué à maintenir, ou à illustrer cet établissement?

II. Quelles ont été ses entreprises, ses occupations? Pour ne rien confondre, je ferai mieux de traiter séparément ces deux articles, que de suivre toujours l'ordre des temps qui eût souvent troublé l'ordre des

matières.

I.

Quand on écrit l'origine d'une nation ou d'une monarchie, on fait valoir jusqu'aux moindres événements qui paroissent des pronostics de sa grandeur future. Tel a été l'usage des anciens historiens, et c'est sans doute pour s'y conformer que M. Pellisson rapporte, comme une chose très-glorieuse pour l'Académie, la visite qu'en 1652, elle reçut du baron Spar, grand seigneur de

Suède'. Mais l'estime qu'elle s'étoit acquise dès lors dans les pays étrangers, ne tarda pas à lui attirer une autre visite infiniment plus honorable. Je parle de celle que lui rendit la reine de Suède elle-même, cette fameuse Christine2, qui se plaisoit si fort au commerce des savants, et qui, presque à la fleur de l'âge, préféra un loisir philosophique aux embarras de la royauté.

Avant que de quitter la couronne, elle avoit envoyé son portrait à l'Académie. On eut l'honneur de l'en remercier; et voici sa réponse, dont l'original est heureusement venu jusqu'à nous.

MESSIEURS,

Comme j'ai su que vous désiriez mon portrait, j'ai commandé qu'on vous le donnât; et ce présent est doublement reconnu, et par la manière dont vous l'avez reçu dans votre célèbre Académie, et par les éloquentes paroles que vous avez employées à m'en rendre grâce. J'ai toujours eu pour vous une estime particulière, parce que j'en ai toujours eu pour la vertu; et je ne doute point que vous ne m'aimiez dans la solitude, comme vous m'avez aimée sur le trône. Les belles-lettres, que je prétends y cultiver en repos et avec le loisir que je me réserve, m'obligent même de croire que vous m'y ferez part quelquefois de vos ouvrages, puisqu'ils sont dignes de la réputation où vous êtes, et qu'ils sont presque tous écrits dans votre langue, qui sera la principale de mon désert. Je ne manquerai

1 Voy. tome I, p. 146. Le comte de Spar était des amis de la reine de Suède. Dans le recueil des lettres de Christine, on voit plusieurs lettres qu'elle écrivit à la femme du comte: elle vante sa beauté et l'assure de son affection. (Lettres de Christine, reine de Suède. Villefranche, 1759, 2 vol. in-12, passim.

2 Voy. aux Pièces justificatives divers extraits relatifs à la visite que fit la reine de Suède à l'Académie françoise.

pas de vous en témoigner ma reconnoissance, et de vous faire voir quand je pourrai vous être utile, que je serai toujours, Messieurs, très-affectionnée à vous servir,

A Upsal, le 20 juin 16541.

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CHRISTINE.

Traversant donc la France en 1658, elle voulut honorer l'Académie de sa présence, mais sans pompe, et sans avoir donné le temps de se préparer à la recevoir d'une manière plus digne et d'elle et de l'Académie. Elle choisit un jour ordinaire d'assemblée, et ne déclara son dessein que le matin même. Ce qui fut cause que plusieurs Académiciens ne purent être avertis à temps, et que ceux qui s'y trouvèrent n'eurent rien à lire où la Princesse fût intéressée..

Alors l'Académie s'assembloit chez M. le Chancelier Séguier, son Protecteur. La princesse, en arrivant dans la salle où l'on devoit la recevoir, lui demanda de quelle sorte les Académiciens seroient devant elle, ou assis ou debout? Un d'eux, consulté par M. le Chancelier, dit que du temps de Ronsard il se tenoit une assemblée de gens de lettres à Saint-Victor, où Charles IX alla plusieurs fois, et que tout le monde étoit assis devant lui. On se régla là-dessus; de manière que la Reine s'étant assise dans son fauteuil, tous les Académiciens, sans en attendre l'ordre, s'assirent sur leurs chaises autour d'une longue table: M. le Chancelier à la gauche de la Reine, mais du côté du feu; à la droite de la Reine, mais du

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1 La 2e édition porte: 1650. C'est le 16 juin 1654 que la reine abdiqua en faveur de Charles-Gustave, son cousin, comte palatin des Deux-Ponts.

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