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gnier, secrétaire perpétuel, ayant prié que l'on tînt de temps en temps la plume à sa place, pour n'avoir qu'à s'occuper de sa grammaire; car la Compagnie n'alla pas loin dans l'examen des doutes sur la langue sans juger qu'un ouvrage de système et de méthode ne pouvoit être conduit que par une personne seule ; qu'au lieu de travailler en corps à une grammaire, il falloit en donner le soin à quelque académicien, qui, communiquant ensuite son travail à la Compagnie, profitât si bien des avis qu'il en recevroit, que par ce moyen son ouvrage, quoique d'un particulier, pût avoir dans le public l'autorité de tout le Corps.

On en chargea donc l'abbé Régnier, qui, comme il le dit lui-même dans la préface de sa grammaire, y employa tout ce qu'il avoit pu acquérir de lumières « par cinquante ans de réflexions sur notre langue, par quelque connoissance des langues voisines', et par trentequatre ans d'assiduité dans les assemblées de l'Académie, où il avait presque toujours tenu la plume. »

Qu'un jour l'Académie fasse pour lui ce qu'elle a fait pour Vaugelas ; qu'elle donne de courtes observations sur le petit nombre d'endroits où il pourroit avoir trop

leurs assemblées, et que si l'on recueilloit les belles et savantes choses qui s'y disent sur tous les mots qu'on y examine, on donneroit au public un excellent et très-curieux ouvrage. »

Nous ne connaissons pas d'ouvrage de Th. Corneille, qui ait expressément rapporté les discussions de l'Académie.

1 Modestie à part, il pouvoit dire par une parfaite connoissance de l'italien et de l'espagnol. [Ses ouvrages le prouvent.] (0.)-Ces derniers mots ont été ajoutés depuis la 1re édition.

déféré à ses préjugés '; et non-seulement ces deux habiles grammairiens, Vaugelas et Régnier, suffiront à quiconque voudra savoir notre langue; mais peut-être conviendra-t-on qu'il n'y a point de langue vivante où l'on ait de si grands secours que dans la nôtre, et dont les principes aient été recherchés avec tant de pénétration, éclaircis avec tant d'exactitude.

Ainsi, des quatre anciens projets, dictionnaire, grammaire, rhétorique, poétique2, en voilà deux d'exécutés avant la fin du dernier siècle, et les deux qui seuls appartenoient proprement à notre langue. Car la rhétorique et la poétique sont essentiellement les mêmes pour toutes les nations et dans tous les temps. Ou s'il y a quelque chose de particulier pour nous dans la rhétorique, c'est seulement ce qui regarde les figures de l'élocution; et dans la poétique, c'est seulement ce qui regarde nos rimes, la construction du vers, et certaines pièces dont la forme n'est connue que parmi nous, comme le Virelai, la Ballade, le Rondeau. A cela près, je le répète, tous les préceptes qui renferment l'essence de ces deux arts sont invariables, et il y auroit de la présomption à croire qu'on puisse enchérir sur ce que les anciens nous en ont transmis.

1 L'abbé d'Olivet, dans la préface de ses Remarques sur la langue françoise (Paris, Barbou, 1771), s'explique plus clairement. Il reproche à l'abbé Régnier de « suivre d'un peu trop près les traces de nos vieux grammairiens, dont les plus anciens écrivirent sous François [er. »

2 Voyez la Lettre de Fénelon sur les Occupations de l'Académie françoise. Outre le dictionnaire, la grammaire, la rhétorique et la poétique, il propose encore un traité sur l'histoire.

Pour se rendre donc utile à notre nation, ce n'est pas de nouveaux préceptes en ce genre, c'est des exemples que l'Académie devoit au public. En a-t-elle donné? Il ne faut que parcourir la liste des ouvrages qu'elle a produits, et qui sont au nombre de six ou sept cents, à n'y comprendre que ceux des Académiciens dont nous parlons, M. Pellisson et moi. Or nous ne parlons que de quatre-vingt-cinq Académiciens, qui est tout ce qu'il y en a eu de morts jusqu'en l'année 1700.

Quand l'ignorance ou l'envie se plaisent à dire que l'Académie françoise ne fait rien, par là qu'entendent-elles? Que cette Académie en corps ne travaille pas? En ce sens, non-seulement il n'est pas vrai qu'elle ne travaille point; mais il est vrai que c'est la seule des Académies qui ait travaillé et qui travaille, parce qu'en effet le travail des autres n'est pas de nature à pouvoir se faire en commun1. Ces riches mémoires, qui leur font tant d'honneur, et dont les volumes se multiplient si promptement, contiennent-ils quelque production d'une Académie en corps? Ils contiennent des dissertations fournies par divers particuliers; et une dissertation de M. de Mairan, par exemple, n'est pas plus l'ouvrage de l'Académie des Sciences, qu'une tragédie de Racine est l'ouvrage de l'Académie françoise. Si cela est, on m'avouera que six ou sept cents volumes dont la liste, pour venir au temps présent, seroit augmen

1 J'en excepte l'Histoire métallique de Louis XIV, ouvrage commencé et fini par divers particuliers, la plupart de l'Académie françoise, avant que l'Académie des inscriptions eût des Lettres-Patentes du Roi. (v.)

tée de plus d'un tiers, font assez voir que cette Académie n'est pas une Compagnie de gens oisifs.

En un mot, le véritable fruit de ses Assemblées ne consiste point dans les travaux qui s'y font en commun. Il consiste bien plutôt dans les lumières que les écrivains qui sont du Corps se trouvent à portée d'y puiser mutuellement, pour se rendre plus capables de servir le public. Ce n'est pas une loi pour eux de consulter la Compagnie sur leurs ouvrages; ils sont aussi maîtres de leurs plumes que s'ils n'étoient pas Académiciens; et, comme la Compagnie ne répond ni de leur doctrine ni même de leur style, aussi ne la consultent-ils qu'autant qu'ils le jugent à propos pour leur propre satisfaction. Mais plus la liberté est grande à cet égard, plus elle les invite à ne point se refuser le secours d'une critique faite par leurs confrères : critique toujours rigoureuse, parce qu'elle vient de gens éclairés; toujours utile, parce qu'elle tombe sur des gens dociles; toujours agréable, parce qu'elle n'éclate qu'entre amis.

Voilà à peu près ce que je m'étois proposé de dire sur l'Académie françoise, considérée en général; il me reste à parler des Académiciens en particulier.

SECONDE PARTIE.

Je n'ai dessein de faire ni des éloges ni des satires. Il y a un milieu. Je m'attache à des récits vrais dans le fond, simples dans la forme.

Pour louer, quelquefois il me suffira d'avoir consulté mon propre goût; mais pour censurer, il faudra que j'y sois autorisé par le jugement du public.

Je ne considère, dans les personnes dont j'ai à parler, que la qualité seule d'Académicien; leurs autres qualités sont étrangères à mon sujet; ou si de temps en temps il m'arrive d'y toucher, ce sera par occasion, et autant que je le croirai nécessaire pour donner une juste idée de leur mérite.

Tel à qui je consacrerois un éloge dans toutes les formes, si j'écrivois l'histoire de nos grands prélats ou de nos grands magistrats, n'aura donc ici de moi qu'un article très-court; et peut-être serai-je plus long sur l'abbé Cotin, par exemple, que sur M. de Harlay, archevêque de Paris; quoiqu'il n'y ait d'ailleurs nulle proportion entre un poëte médiocre et un prélat qui,

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