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nistre et cardinal, avoit recherché son amitié1. Mais enfin l'âme fière de Balzac ne put se résoudre à cette patience et à ces bassesses que l'ambition exige de ceux qui n'ont que du mérite. Il ne voulut pas obtenir à force de persévérance et d'importunité les grâces qu'il croyoit dues à l'éclat de sa réputation, et il préféra au superflu que la cour lui eût vendu trop cher à son gré, le nécessaire et l'honnête que sa campagne lui fournissoit3.

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Balzac y parle d'un inconnu, qui n'est autre que lui-même, auquel un «bouffon » aurait fait perdre les bonnes grâces du cardinal de La Valette, et que le duc d'Épernon voulait faire nommer secrétaire de la Reine, mère de Louis XIII, après la mort de M. de Ville-Savin; il rappelle aussi que M. de Luçon (depuis cardinal de Richelieu), voulant obliger un homme « qui lui avoit chatouillé l'esprit », avait dit de lui, à peine âgé de vingt-deux ans : « Voilà un homme à qui il faudra faire du bien quand nous le pourrons, et il faudra commencer par une abbaye de dix mille livres. >> «< Toutefois, ajoute Balzac, les choses en sont demeurées là... M. de Richelieu ne s'est point souvenu de ce qu'avoit dit M. l'Évêque de Luçon. >>>

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1 Cependant le recueil des Euvres complètes de Balzac (2 vol. in-folio) s'ouvre par une lettre du 4 février 1624, où Richelieu, déjà cardinal et ministre, donne à Balzac des louanges infinies et lui promet des marques de son affection.- Balzac, satisfait de ces éloges, se consola de n'avoir rien de plus, « puisque, dit-il dans sa réponse du 10 mars, les honneurs de ce monde sont d'ordinaire ou l'héritage des sots ou même la récompense du vice. » -Quels honneurs pouvait offrir le cardinal à un homme qui en jugeait et en parlait ainsi ?

2 Aujourd'hui l'usage est de dire Balzac tout court. Mais dans un article qui lui est consacré à lui en particulier, la bienséance veut que je lui donne encore du Monsieur, au moins pour l'ordinaire; car je ne réponds pas que l'usage ne m'entraîne quelquefois, sans que j'y pense. J'observerai la même règle à l'égard des autres Académiciens, qui sont déjà éloignés du temps où j'écris. (o.) 3 Il n'eut jamais de la cour que deux mille francs de pension à

Peut-être aussi qu'à cet égard sa mauvaise santé faisoit partie de sa philosophie. A quoi bon courir après les richesses, si l'on ne se sent pas en état d'en pouvoir jouir? Il n'avait pas trente ans que déjà il se plaignoit d'être « plus vieux que son père, et aussi usé qu'un vaisseau qui auroit fait trois fois le voyage des Indes'. » A ces hyperboles on reconnoît M. de Balzac. Il dit ailleurs, et remarquons que c'est dans un ouvrage composé peu de temps avant sa mort, « que si on pouvoit séparer de sa vie les jours que la douleur et la tristesse en ont retrancliés, il se trouveroit que, depuis qu'il est au monde, il n'a pas vécu un an tout entier 3.

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prendre sur l'épargne, mais dont il fut rarement payé. On y ajouta les titres de conseiller d'État, et d'historiographe de France, qu'il appelle de magnifiques bagatelles, tome 1, page 870. Il ne prenoit que le titre de Conseiller du Roi en ses conseils. (0.) Voici le passage de Balzac (Lettre à Conrart, du 25 avril 1648): « Monsieur, j'ai reçu le committimus... Votre adresse à obliger fait couler votre civilité dans la barbarie des committimus. Vous cultivez les pierres de la chancellerie. Vous cueillez du fruit sur des arbres morts. Car, en effet, n'est-ce pas par votre moyen que je recouvre aujourd'hui mes qualités et mes titres? Le temps les devoit avoir moisis. Ma paresse les avoit oubliés. Je croyois les avoir perdus dans un exil de douze ans. Je ne croyois plus être ni conseiller d'État ni historiographe de France. Et si j'ai obligation à la libéralité du feu Roi de ces magnifiques bagatelles (le mot de magnifiques corrige celui de bagatelles), c'est vous, Monsieur, qui confirmez les grâces du Prince, qui remettez en honneur un pauvre banni, qui le réhabilitez en cire et en parchemin. »

1 Voyez tome 1, page 12, une de ses lettres, du 4 juillet 1622. (0.)- Lettre à Philippe Cospeau.

2 Voyez tome I, page 658. (0.) - Lettre à Chapelain.

3 Dans une lettre du 28 octobre 1624 au Prieur de Chives, il

Il fut d'abord connu par ses Lettres, dont le premier volume parut en 1624. Elles causèrent, si j'ose ainsi parler, une révolution générale parmi les beauxesprits. Jusqu'alors ils avoient formé une République où les dignités se partageoient entre plusieurs ; mais cette République tout à coup devint une Monarchie où M. de Balzac fut élevé à la Royauté par tous les suffrages : « On ne parloit pas de lui simplement comme du plus éloquent des hommes de son siècle, mais comme du seul éloquent. »>

Placé ainsi sur le trône de l'Eloquence, il vit ce qui peut-être ne s'étoit jamais vu entre auteurs, la jalousie de tous ses contemporains se taire devant lui. Mais ce que la jalousie n'osa tenter fut entrepris par le zèle d'un jeune Feuillant, nommé Dom André de SaintDenis, qui prit feu sur quelques paroles indiscrètes de M. de Balzac3, et lâcha contre lui un petit écrit assez pi

dit quelles sont ses maladies: une fièvre et une sciatique continuelles.

1 «Rien n'est égal, dit Ménage, à l'empressement que témoignoit le public pour avoir les lettres de M. de Balzac lorsqu'il en imprimoit de nouvelles. C'étoit le présent le plus agréable que les galants pussent faire à leurs maîtresses... C'étoit à qui en auroit des premiers, et les libraires savoient très-bien profiter de cette impatience du public. » (Menagiana, édit. 1694, tome п, p. 154.) 2 Despréaux, Réflexion VII sur Longin. (o.)

3 Qu'il y a quelques petits Moines qui sont dans l'Église comme les rais et les autres animaux étoient dans l'Arche. Balzac, t. 1, page 141. (o.) La lettre où Balzac parle ainsi est adressée à un moine, au Prieur de Chives. Ce n'était donc pas à tout le corps des Réguliers qu'il s'attaquait, mais à ceux qui faisaient tache parmi eux. Et dans la même lettre il fait l'éloge de deux moines, le P. Joseph et l'abbé de Saint-Cyran.

quant'. Les amis de M. de Balzac répliquèrent pour lui2; et alors la guerre s'allumant de plus en plus, le général même des Feuillants, caché sous le nom de Phyllarque3, publia deux volumes, où il traite le pauvre Balzac non-seulement de plagiaire et d'ignorant, mais de voluptueux, de libertin et d'athée1.

Il a pour titre : Conformité de l'éloquence de M. de Balzac avec celle des plus grands personnages du temps passé et du présent. (o.)- On a réimprimé ce libelle dans le recueil qui contient, outre les œuvres latines de Balzac, un certain nombre d'autres pièces; ce recueil est joint au 2e volume de l'édit. in-folio. de Balzac, et le livret y occupe les pages 159-172.

2 Entre autres le prieur Ogier, qui publia l'Apologie pour M. de Balzac en 1627.

Quant à M. de Balzac, il ne fit rien paroître là-dessus que dixsept ans après, car son apologie faite par lui-même, sous le titre de Relation à Ménandre, ne parut que dans ses Œuvres diverses, imprimées pour la première fois en 1645. (o.) On a réimprimé l'apologie d'Ogier dans le recueil cité à la note précédente; elle occupe les pages 109-159.

3 Phyllarque, comme qui diroit Prince des feuilles, par allusion à sa qualité de général des Feuillants. Il se nommoit en son véritable nom, Jean Goulu. Ses deux volumes contre Balzac, intitulés Lettres de Phyllarque à Ariste, parurent, le premier en 1627, et le second en 1628. (0.)

Dans sa Relation à Ménandre, c'est-à-dire Maynard, Balzac relève ainsi les épithètes que lui prodigue le P. Goulu : « Il m'appelle execrable, détestable, abominable, et me donne pour épithètes ordinaires quatre ou cinq de ces vilaines rimes dont le seul nom pourrait effrayer les bonnes gens et mettre l'alarme en mon voisinage. Il fait de moi un impie, un ennemi du genre humain, un corrupteur de la jeunesse, un perturbateur du repos public, un criminel de lèse-majesté divine et humaine. Outre cela, afin d'éviter, à mon avis, la répétition des mêmes termes et de changer la face de son discours, il me traite d'infàme, de profane, d'Epicurien, de Néron, de Sardanapale. Sa colère passe plus avant,

Pas la moindre apparence de tout cela dans les écrits de M. de Balzac', qui étoit réellement un homme de bonnes mœurs et plein de religion. Mais que ne voit-on pas dans un auteur quand on le lit avec les yeux de la colère, de la vengeance, ou d'un zèle faux et amer, passion la plus aveugle de toutes??

Je ne dis rien de quelques petits écrivains qui se déclarèrent pour l'un ou pour l'autre parti3; car, du moment qu'un auteur célèbre a une guerre sur les bras, aussitôt il s'élève une nuée de combattants qui veulent, à quelque prix que ce soit, paroître dans la mêlée ; mais après la bataille leur nom retombe dans l'oubli, et l'on ne se souvient que des chefs'.

elle va jusqu'au démoniaque. Et quand quelquefois il veut s'adoucir et apporter du tempérament à la violence de son esprit, après que la grande émotion est passée et qu'il semble que le calme soit revenu, pour se réconcilier avec moi, il dit que je suis un sot et un ignorant. » (Œuvres diverses de Balzac, édit. des Elzév. 1658, p. 188.)

1 Cependant le cardinal de Berulle, au dire de Vigneul-Marville (dom Bonaventure d'Argonne), parlait de lui ainsi : « Je souhaiterois que M. de Balzac fùt plus chrétien et plus pieux qu'il ne paroît dans ses ouvrages; mais cela ne fait rien à son style. » (Mét. d'hist. et de lit., édit. 1702, t. 1, p. 89.)

2 Il est difficile de ne pas voir ici une allusion que fait l'abbé d'Olivet aux tristes différends qu'il eut avec le P. Du Cerceau et le P. Castel, après la publication des Tusculanes de Cicéron, qu'il avait traduites.

3 Je ne m'engagerai pas non plus à raconter la querelle de Girac et de Costar, survenue longtemps après : elle ne regarde qu'indirectement M. de Balzac d'ailleurs l'affaire seroit d'une discussion, qui me conduiroit trop loin. (0.) Voyez sur ce sujet le Menagiana, édit. 1694, t. 1, pages 121-128.

Citons, parmi ses ennemis, Théophile, le paladin Javerzac, et

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