Imágenes de páginas
PDF
EPUB

dans notre prose'. La gloire qui lui appartient en propre, dont il est en possession depuis plus d'un siècle, et qui vraisemblablement ne mourra jamais, consiste en ce qu'il nous a fait sentir que notre langue, sans le secours du vers, étoit susceptible d'un tour nombreux; à moins pourtant qu'on ne veuille lui faire un crime d'avoir souvent employé dans le style épistolaire le tour et la cadence du style oratoire. Mais c'est une faute qui ne fait tort qu'à lui, et dont l'effet ne laisse pas d'être heureux pour nous, puisqu'elle nous a découvert le mérite de l'harmonie. Il a mal appliqué son art, mais il l'a trouvé, et nous en profitons.

J'ai parlé ailleurs du prix qu'il a fondé 2, et que l'Académie donne tous les deux ans, pour contribuer à' former ceux qui se destinent à la chaire. En le fondant, il a immortalisé tout ensemble et sa passion pour l'éloquence et son zèle pour la religion; car, je le dis encore, non-seulement sa foi, mais ses mœurs étoient véritablement chrétiennes, et sa mort fut des plus édifiantes. Peut-on lire, sans en être vivement ému, la relation que nous en avons ? Quels sentiments d'hu

On lui a appliqué fort justement ce passage du dialogue De causis corruptæ eloquentiæ : « Primus excoluit orationem, primus et verbis delectum adhibuit et compositioni artem, locosque lætiores attentavit et quasdam sententias invenit. Utique in his orationibus quas senior jam et juxta finem vitæ composuit, id est postquam magis profecerat, usuque et experimentis didicerat, quod optimum dicendi genus est. »

2 Voyez ci-dessus, p. 12.

3 Parmi les œuvres de Balzac, tout à la fin du tome 1. (0.) Non pas à la fin du tome 11, mais à la fin du volume supplémentaire, réuni au tome 11, qui contient les Œuvres latines et diverses

milité, de résignation, de confiance en Dieu! Sa foible santé l'avoit depuis longtemps averti de se préparer à sa dernière heure. Dans cette vue il s'étoit bâti deux chambres aux Capucins d'Angoulême, où plusieurs fois l'année il alloit se recueillir'. Il voulut être inhumé parmi les pauvres de l'hôpital 2.

pièces relatives à Balzac. Cette relation qui commence à la page 213 et finit à la page 218, est l'œuvre de M. Moriscet, avocat en parlement. Voyez ci-dessus, p. 68, note 1.

↑ Godeau, évêque de Grasse, et confrère de Balzac à l'Académie françoise, lui écrivait à ce sujet :

« M., j'ai appris la retraite que vous avez faite dans le monastère des Capucins d'Angoulême, mais avec vous les muses latines et françoises, la rhétorique, la morale, la politique et l'éloquence s'y sont retirées. Je ne sais quelle dispense ont eue les bons Pères d'y recevoir tant de pucelles, et comment ils les pourront loger dans leur dortoir. Mais ce sont d'honnêtes filles, que vous avez rendues aussi modestes que leurs novices. Parlons sérieusement: Je ne puis assez louer votre dessein. » Lettres de M. Godeau, Paris, Ganeau, 1715, 1 vol. in-12, p. 270.)

2 Voici un acte qui nous a été conservé par M. Castaigne (ouv. cité), et qu'il a copié dans un registre des délibérations de l'HôtelDieu-Notre-Dame-des-Anges, au Ro du fo 18.

Du 9 février 1654.- Assemblée extraordinaire.

« A comparu vénérable personne Cl. Girard, archidiacre d'Angoulesme, lequel a remonstré que Me Jean-Louis de Guez, seigneur de Ballezac, historiographe du Roi, luy a tesmoigné dans les entretiens qu'il a eus avecq luy durant la maladie de laquelle il est decédé, qu'il désiroit estre inhumé dans le présent hospital, et qu'il a fait la mesme déclaration au directeur de sa conscience, le R. P. Simon, jésuiste, et les a suppliés de le vouloir faire savoir à MM. les directeurs dudit hospital, et les prier de l'avoir agréable, et permettre que sa fosse fùt faite au-devant la chapelle dudit hospital.

» Sur quoy, l'affaire mize en délibération, il a esté arresté d'une commune voix que le corps dudit seigneur de Ballezac sera receu

Mais de toutes les preuves qu'un auteur donne de sa religion, je ne sais si l'une des moins suspectes n'est pas de se réconcilier avec des gens qui, mal à propos et de gaieté de cœur, ont travaillé à le flétrir. Rien donc de plus glorieux pour M. de Balzac, rien de plus exemplaire que sa réconciliation avec les Feuillants. Tout se passa de part et d'autre dans les règles de la charité. Dom André de Saint-Denis, qui avoit été l'agresseur, alla exprès à Balzac pour le voir1, et M. de Balzac nonseulement le reçut à bras ouverts, mais lui jura une tendre amitié, dont en effet ses derniers ouvrages sont tout pleins 2. Il voulut même laisser à l'église de ce re

dans ledit hospital et inhumé dans une fosse qui sera faite au-devant la chapelle d'iceluy et vis-à-vis la milieu (sic) du grand autel, au-dessoubz la lampe d'iceluy, sans en tirer à conséquence pour les parents dudit seigneur de Ballezac, et autres qui pourroient avoir le mesme désir que luy; lequel consentement a été presté par messieurs du bureau en considération du mérite dudit feu seigneur de Ballezac, et des notables légats (legs) et biens par luy faits audit hospital. » -Suivent les signatures.

Balzac fut donc inhumé dans l'hôpital, dont il était un des bienfaiteurs les plus généreux, mais non parmi les pauvres. Du reste,ses funérailles furent «faites avec beaucoup de magnificence». (Moriscet: Relation de la mori de Balzac.) —Voyez le travail consciencieux de M. Castaigne, et les pièces qu'il a recueillies et citées dans l'ouvrage indiqué plus haut.

1 S. Romuald. continuat. chronici Ademari; ad annum 1627. Cité par Bayle. - On voit dans les œuvres de Balzac de nombreuses lettres qu'il lui adressa après leur réconciliation.

2 Dans une lettre latine adressée Bernardino Texlori (édit. in-folio, vol. complém., p. 94), il dit en effet : « Eternum taceant lectæ in Rambuletianis et Thuanis ædibus apologiæ; Phylarchiani belli vel tenuissimæ reliquiæ aboleantur. Si quid asperius et inclementius dictum suggessit dolor, hoc dictum nolim, et deleat amor quidquid ira, quidquid scripsit indignatio. »

[ocr errors]

ligieux un monument de sa piété; et comme ses idées ne se bornoient pas à quelque chose de vulgaire, son présent fut une cassolette de vermeil, avec une fondation pour l'entretien des parfums.

Tous ses ouvrages, rassemblés par les soins de M. Conrart, furent imprimés en deux volumes in-folio, à Paris, en 1655'. Mais, par les raisons que j'ai touchées ci-dessus, il est à propos d'en marquer les premières éditions, à l'exception pourtant de ses Lettres ; car, puisqu'elles sont toutes datées 2, qu'importe de savoir quand elles sont tombées entre les mains de l'imprimeur?

Un autre Louis de Balzac, né à Rhodez, et disciple de Jean Dorat, a fait imprimer en 1598 un vol. de vers latins et français. Il n'est pas besoin de faire remarquer que c'est de celui-ci, et non de l'Académicien, que Du Monin a écrit ce vers ridicule :

Auricoma, Balzac, præsque melosque Chelys.

2 Elles sont généralement mal datées; nous avons pu rectifier quelques dates dans les extraits que nous en avons donnés parmi les Pièces justificatives de notre premier volume.

II

PIERRE DE BOISSAT',

Chevalier et Comte palatin, l'un des premiers Académiciens,
mort le 28 mars 1662 2.

Jl naquit, en 1603, à Vienne en Dauphiné. Ce fut, dés l'enfance, un prodigieux talent pour les vers. On lui dictoit un thème en prose françoise, et sur-le-champ, à mesure qu'on le dictoit, il le tournoit en vers latins; aussi fut-il dès lors appelé Boissat l'esprit, nom qui lui resta toujours dans sa province, et qui, sans doute, étoit fondé sur ce que l'inclination à la poésie fut de tout temps un des signes les plus certains par où se manifeste l'esprit d'un enfant.

Au sortir du collège, il s'appliquoit à l'étude du droit 3, lorsqu'en 1622 le connétable de Lesdiguières fit

1 Voyez aux Pièces justificatives les extraits des lettres de l'abbé d'Olivet. Nous avons sa Vie par Nicolas Chorier, son compatriote, de Petri Boessatii, Equitis et Comitis Palatini, vita, amicisque literatis, libri duo, imprimée à Grenoble, 1680, 1 vol. in-12.

2 « Ad diem quintum Kalendarum aprilium animam efflavit. » (Chorier, p. 98.)

Son père l'avait d'abord destiné aux ordres, et l'amitié que portait à l'enfant le célèbre Valladier, abbé de Saint-Arnulphe, faisait espérer qu'il le désignerait pour son successeur. (Vita P. Boessalii, p. 24.)

« AnteriorContinuar »